Est-il possible de remplacer le pétrole dans les délais ?
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Nombreux sont les espoirs qui se fondent sur notre foi en la technologie providence. Pas un jour sans un article de presse qui annonce une expérience nouvelle de carburant, de captation du soleil ou autre récupération de l’énergie éolienne ou marine.
Mais peut-on réellement croire en ces lueurs pour remplacer notre besoin colossal … et dans les délais ?
Il est raisonnable de penser que nous avons encore cinq à dix années de « sérénité ». Nous supposerons alors qu’une technologie qui est encore au stade du laboratoire ne pourra pas, dans les délais, représenter l’équivalent d’une Arabie Saoudite tous les deux ans (compensation nécessaire estimée).
Au delà de la technique elle-même, c’est toute une logistique très lourde et très complexe qu’il faudrait mettre en place. Il faudrait créer des usines énormes, des réseaux de transports et de distribution spécifiques, des véhicules adaptés bref, des infrastructures majeures dont on peut se demander si elles sont réalisables en cinq à dix ans.
Agrocarburants
Trois types d’agrocarburants ont dépassé le stade du laboratoire.
Première génération : Huile végétale carburant, Bioéthanol ou ester d’huile végétale, ces carburants déjà utilisés à grande échelle sont au point techniquement et rentables financièrement. Cependant ils posent de graves problèmes comme la concurrence avec la production alimentaire, la monoculture intensive ou encore la destruction des forêts primaires pour l’implantation de palmiers à huile.
Le monde a déjà atteint voire dépassé les limites de l’acceptable. Nous pouvons cependant y voir un intérêt dans le cadre d’une utilisation personnelle et raisonnable, comme pour les agriculteurs qui pourraient utiliser une partie de leurs terres pour générer leur propre carburant.
Deuxième génération : L’intérêt majeur de cette technologie est qu’elle utilise des matériaux non comestibles tels que les pailles ou les déchets de bois. Elle consiste en une décomposition de la cellulose et des hémicelluloses en sucres élémentaires grâce à des enzymes, qui pourront ensuite subir une fermentation alcoolique pour produire de l’éthanol et ainsi un carburant utilisable dans les véhicules actuels.
Des unités pilotes sont en fonctionnement dans plusieurs pays du monde, mais aucune n’est encore rentable. Le problème concerne principalement les enzymes qui sont difficiles à isoler, très coûteuses et qui sont principalement absorbées lors de la réaction, empêchant ainsi toute réutilisation. La production continue est très difficile à réaliser.
BTL-Fisher Tropsch : le procédé de synthèse Fisher-Tropsch, au point depuis la seconde guerre mondiale, est largement utilisé en Afrique du Sud depuis l’embargo sur les carburants de la période de l’apartheid. C’est à partir de charbon qu’ils réalisent tous leurs carburants mais le procédé est le même à partir de biomasse.
Cependant ce type d’usine demande des investissements gigantesques et doit être de taille suffisante pour être rentable. Or contrairement au charbon que l’on peut extraire d’une mine proche de l’usine, la biomasse est répartie sur l’ensemble du territoire et il faut imaginer que la France pourrait avoir 1 ou 2 de ces usines au maximum, et qu’à partir de tout le territoire ce sont des milliers de camions et de trains qui devraient amener, chaque jour, la biomasse jusqu’aux usines. Nous pouvons raisonnablement estimer que cette solution présente trop de problèmes et ne sera pas mise en œuvre prochainement.
L’hydrogène
Souvent présenté comme l’énergie de l’avenir, l’hydrogène n’est pas une source d’énergie. Ce gaz ne se trouve pas (ou presque pas) à l’état naturel, il est donc nécessaire de le produire et il existe trois méthodes pour cela : l’électrolyse de l’eau (besoin d’électricité et d’eau), le réformage d’hydrocarbures (besoin de gaz naturel) et le craquage thermochimique de l’eau (besoin de très hautes températures -1000°C – et donc d’énergie).
Une fois l’hydrogène produit, il faut le comprimer (700 bars pour les véhicules), le stocker, le transporter ce qui génère de nombreuses pertes mais également de nombreux risques. Enfin pour l’utiliser il faut s’équiper de piles à combustibles trop coûteuses à cause du platine et dont la durée de vie est encore trop faible.
On voit rapidement les limites que représente l’hydrogène et la simple image « verte » d’un pot d’échappement qui recrache de l’eau n’exonère pas de tous les problèmes amonts.
Electricité
L’IFP (Institut Français du Pétrole) a estimé qu’une augmentation d’environ 25% de notre production d’électricité pourrait suffire à approvisionner un parc automobile français électrifié. Dit comme cela, nous pourrions trouver cela réaliste. Le parc électronucléaire français est tout juste suffisant pour répondre à nos besoins actuels, et près de 50% des réacteurs ont dépassé les 30 années de fonctionnement. Comment imaginer que nous pourrons augmenter de 25% notre production nationale ?
Autres problèmes que pose cette énergie pour les véhicules :
- Remplacement de plusieurs millions de véhicules
- Équipement de toutes les stations service
Il n’existe quasiment rien pour équiper les camions et les avions, or ce sont eux qui approvisionnent le pays chaque jour.
Huiles de schistes
Il s’agit d’une huile obtenue par pyrolyse des schistes bitumineux dans des fours en l’absence d’oxygène. Il est théoriquement possible de fabriquer de très grandes quantités de carburant à partir de ces réserves mais dans la plupart des cas, la quantité d’énergie nécessaire pour faire du carburant dépasse la quantité d’énergie récupérée. Les spécialistes et prévisionnistes considèrent qu’il n’y aura pas de production significative avant plusieurs dizaines d’années, et que l’on renoncera peut être à le faire pour des raisons environnementales.
CTL
Il s’agit de carburant liquide réalisé à partir de charbon. Après une première étape de gazéification du charbon, le gaz de synthèse obtenu subi une synthèse Fisher-Tropsch afin d’être transformé en carburants. L’ Afrique du Sud est aujourd’hui leader dans ce secteur.
Là encore plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord le fait que cette technologie fait appel à une ressource fossile dont les réserves sont limitées. Utiliser le charbon pour faire du carburant nous rapprocherait très rapidement du pic charbon.
Ensuite, le charbon est à peu près la pire des solutions en terme d’émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, la mise en place de telles usines et du circuit logistique qui va avec serait extrêmement longue et coûteuse (plusieurs dizaines d’années et des dizaines de milliards d’euros d’investissements) à l’échelle mondiale.
GNL et GTL
Ces carburants sont tous deux issus du gaz naturel. Or, les ressources planétaires sont limitées et là aussi remplacer le pétrole par l’utilisation du gaz naturel nous rapprocherait très rapidement d’un pic de production. De plus, le méthane est un puissant gaz à effet de serre et les fuites inévitables d’un circuit de transport et de distribution auraient un impact considérable sur les émissions de GES.
Le procédé de fabrication de ces deux carburants est bien différent.
Pour obtenir le GNL, on effectue une condensation du gaz pour le faire passer de l’état gazeux à l’état liquide. Pour cela il faut abaisser et conserver sa température à -163°C. Ce procédé permet de diviser par 600 le volume occupé et c’est ainsi que le gaz est transporté dans les méthaniers par exemple. La principale difficulté est de maintenir la température, c’est pourquoi le GNV (gaz Naturel Véhicule) est généralement conditionné en bouteilles sous une pression de 200 bars et en phase gazeuse. Cette étape de compression consomme environ 20% de l’énergie que contient le gaz !
Le GTL est une transformation chimique destinée à transformer le gaz naturel en essence ou en gazole. Cette transformation commence par une étape de réformage à la vapeur (mise en contact du méthane et de vapeur d’eau en présence d’un catalyseur en nickel, à des températures comprises entre 800° et 1000° et des pressions comprises entre 20 et 30 bars). On obtient ainsi de l’hydrogène et du monoxyde de carbone qui subiront une synthèse Fisher-Tropsch, comme pour le BTL ou le CTL.
L’ intérêt visé par ce procédé était de transformer le gaz en carburant liquide afin de le rendre facilement transportable, pour un coût moindre que le gaz naturel. Or le bilan énergétique et économique s’est révélé bien moins bon que celui du gaz naturel transporté par pipeline ou méthaniers.
Le GTL reste cependant beaucoup plus pratique à utiliser dans les véhicules que le gaz naturel, c’est pourquoi il aura peut être un avenir en période de pénurie de pétrole sévère.
Malgré tous les problèmes que peuvent poser chacune des alternatives dont nous venons de parler, des estimations des potentiels de production de chacun des carburants ont été réalisées.
Nous y observons que les carburants à base de gaz naturel (NGPL) représenteraient une grande partie de la production, mais que le pic gazier arriverait plus rapidement, c’est-à-dire vers 2025.
Les huiles lourdes verraient leur rythme de production augmenter progressivement et représenteraient la quasi-totalité de ces carburants en 2100.
Quant aux XTL (BTL, CTL, GTL), leur production ne dépasserait pas les 2,5 millions de barils par jour en 2050.
Ce qui ressort principalement, c’est que la totalité de ces alternatives verraient leur pic arriver en 2025 et ne pourraient donc pas compenser longtemps le manque de pétrole. Tout au plus, la date du pic pétrolier pourrait être repoussée de quelques années.
Pour conclure sur les alternatives, il est important de replacer les énergies renouvelables dans le contexte mondial actuel.
Malgré une croissance très forte ces dernières années, les énergies éolienne et solaire restent marginales dans le bouquet énergétique mondial.
Plus de 80% de l’énergie consommée est d’origine fossile alors que le solaire et l’éolien représentent à peine plus de 1%.
Il faut donc absolument relativiser sur la capacité de ces énergies « nouvelles » à remplacer le pétrole, d’autant que pour être mises en œuvre, elles nécessitent des énergies fossiles (fabrication, transport, installation, maintenance).
De plus, toutes les éoliennes et tous les panneaux solaires fabriqués et mis en service à ce jour n’ont jamais fait diminuer la consommation d’énergies fossiles, elles en ont simplement limité la hausse.
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