Un Nobel de physique qui n’intéresse personne en 2008
Bien que l’un des lauréats du Nobel 2008 de physique puisse être confondu avec un auteur de manga, les trois récompensés par l’académie de Stockholm n’auront pas la notoriété d’un Montagnier ni d’un Einstein. Car, pour le dire ouvertement, les travaux couronnés n’ont aucun intérêt pragmatique. Et c’est bien là toute la noblesse de ces physiciens qui, tels des moines mystiques, se vouent à la connaissance de la matière, peu importe le cours du monde, les crises économiques, les conflits géopolitiques.

Les travaux récompensés cette année par le Nobel de physique portent sur cette mystérieuse affaire des particules élémentaires. Plus connues du grand public quand elles font l’objet d’un roman de Houellebecq. Une quête étrange en vérité. Qui n’a aucune retombée concrète. La physique des particules élémentaires se joue entre les artificiers des mathématiques quantiques, des espaces de Hilbert, opérateurs, algèbres de Lie et renormalisations. Les physiciens récompensés ne sont plus très jeunes, ni d’ailleurs leurs découvertes. Si le papier décisif de Montagnier remonte à 1983, il faut ajouter dix ans de plus pour trouver celui de Kobayashi et Maskawa, nos deux lauréats du Nobel de 2008. Un article figurant en position trois des plus cités par les physiciens des hautes énergies. Leur postérité est bien établie avec la matrice CKM spécifiant les règles de mélange des quarks. Cette matrice concerne les interactions faibles. Ces travaux conduits avec toute la subtilité des mathématiques des particules ont anticipé la découverte des fameux quarks top et bottom. La famille complète des six quarks a été confirmée. Une quête aussi essentielle dans les années 70 et 80 que peut l’être celle du boson de Higgs maintenant. Ceux qui lisaient la Recherche à cette époque, quand cette revue était intéressante et que la science avait des choses à dire, pour un public instruit et passionné, s’en souviennent. Ah, les quarks, notamment le quark charmeur, et ces seventies charmeuses…
On peut lire dans la presse que ces travaux portent sur la naissance de l’univers. La presse imbécile croit que la physique des particules étudie la matière au début (supposé) de l’univers. Que de bêtises. Passons. L’autre lauréat du Nobel n’est plus tout jeune. Ses travaux concernent la physique des particules, mais, cette fois, il s’agit des interactions fortes. Comme en médecine, le Nobel de physique couronne en 2008 deux découvertes séparées. Dont le dénominateur commun est quand même présent. Il est question de particules et de brisure de symétrie. Yoichiro Nimbu a œuvré dans le domaine de la chromodynamique quantique en inventant l’idée des charges de couleur pour formaliser les processus forts spéculés sur des quarks jamais observés, et les gluons non plus. Mais que d’élégance mathématique. La charge de couleur, c’est un peu l’équivalent de la charge électrique, attribut des particules soumises à l’interaction électromagnétique, sauf qu’il s’agit de l’interaction forte et du confinement des quarks. Une bien étrange affaire, avec des règles d’échanges entre les couleurs assez codifiées et contraintes par une symétrie précise. L’interaction forte est en quelque sorte la face ésotérique de notre matière. Je parle en mon nom. Cette interaction est plus contrainte et, ma foi, elle ressemble de près aux règles de l’esprit bien plus strictes que celles de la matière, mais bien qu’étant strict l’esprit est tout aussi libre qu’une gerbe de quark confiné et jouant d’un feu d’artifice de couleur à travers ces gluons, équivalents des photons, mais chargés de couleur. Etrange, comprenne qui pourra.
Ce Nobel fleure bon la nostalgie d’une physique très fondamentale et très théorique des années 70. Le monde change. La plèbe et les élites veulent des résultats. Avec les choix actuels, de tels travaux n’auraient jamais été menés car ils relèvent de l’art et d’une quête mystique des secrets de la matière, qui nécessite quand même des financements. Alors que ça n’intéresse personne hormis la communauté des physiciens œuvrant tels des moines dans leur laborastère. Un mystique dans son monastère coûte moins cher. Il n’intéresse pas plus de monde. La connaissance, que ce soit celle intérieure du divin, ou intérieure de la matière, importe guère en ce monde devenu fou de son avidité matérielle avec ses signes extérieurs de réussite. Amen !
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