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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > La révolte salutaire d’Edgard Pisani

La révolte salutaire d’Edgard Pisani

SOS politique, SOS démocratie : plaidoyer pour une France qui refuse la décadence... et veut des réformes dignes de ce nom.

Il appartient à cette race d’hommes d’Etat qui nous font cruellement défaut. Sa longue expérience (soixante ans !) de la vie publique, ses réflexions de philosophe, sa connaissances du monde, ses talents de pédagogue et son sens aigu du « vivant », de « l’humain », des valeurs « sacrées » lui permettent de bien analyser les crises majeures que nous traversons et de suggérer des solutions susceptibles de dégager des horizons d’espérance. A quatre-vingt-huit ans, Edgard Pisani reste un « révolté », fier de l’être. Son  Vive la révolte, publié au Seuil, est un livre-vitamine. Comme son site d’ailleurs : http://www.vivelarevolte.com

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Un « rebelle exigeant »

Je suis un rebelle exigeant, impatient. Paisible. Ma révolte n’est pas un rejet. Elle est une exigence et un engagement.

Révolté, mais pas « révolutionnaire ». Cet utopiste réaliste qui a appris à allier l’héroïque et le trivial et qui sait penser avec ses mains, c’est-à-dire penser juste pour agir bien, fait la différence. Comme Camus : « La révolte se fonde sur la foi dans les valeurs humaines, c’est-à-dire qu’elle suppose un oui préalable au non. La révolution, elle, part de la négation absolue et se condamne à toutes les servitudes pour fabriquer un « oui » rejeté à l’extrémité des temps. »

La démocratie ne connaît pas de lutte finale, insiste Pisani... Mais elle implique des combats permanents d’abord contre soi-même, une mobilisation citoyenne des consciences, et une éthique politique qu’il est urgent de ressusciter sous peine de subir le sort déjà craint par Paul Valéry : celui de la mort de notre civilisation. Celui du déclin chronique et du futur sans avenir. Comme l’île de Pâques ou la Papouasie, entre autres...

La fin et les moyens

 A monde complexe, « pensée complexe » : Comment sortir du « labyrinthe » si bien décortique par Castoriadis ? Vive la révolte donne des éléments de réponse. Un vrai Discours de la méthode : Apprendre le systémique, apprendre la complémentarité ordre-désordre, apprendre la dialogique... Cela n’a rien d’abstrait.

A société éclatée et déshumanisée, « principe d’humanité » recouvré, comme dit Jean-Claude Guillebaud. Comment sortir des impasses de ce que Morin appelle notre « barbarie civilisée » ? Vive la révolte est d’abord un cri du coeur humaniste ou personnaliste, un hymne au vivant : face aux bonds en avant du « progrès-outils », face à la dictature de « l’économisme » et à la montée de « l’individualisme possessif de masse », nous oublions trop le « progrès humain ».

La finalité, c’est l’homme : l’économie, la finance, les technosciences, les biotechnologies, l’information, la communication, l’administration, la bureaucratie... ne sont que des moyens. Il faut redonner du sens au mot valeur et de la valeur au mot sens...

Au dépérissement de la politique, au dévoiement de la démocratie, réapprentissage du « vivre ensemble », du « bien commun ». Vive la révolte est un vrai manuel pour tous les citoyens-électeurs qui ne veulent pas être de simples électeurs-consommateurs et a fortiori pour toutes et tous ceux qui, à quelque niveau que ce soit, aspirent à assumer des responsabilités dites « politiques » ...

La politique comme médiation

La politique n’est pas jeux de pouvoirs, « divertissement », combats de basse Cour... Les « politichiens », comme disaient de Gaulle, empoisonnent, défigurent ce qui devrait avoir un caractère sacré : Le désordre présent des jeux politiques risque de favoriser l’émergence d’une démocratie hors la loi, de cette démocratie qui est remise en cause parce qu’elle ne représente pas la société. Et n’est pas qu’un mode de sélection des élites mais d’abord une grille de valeurs. Pourtant, rien d’humain n’est sans doute plus grand que la politique. Quand on a conscience qu’un responsable politique est d’abord un médiateur avant d’être détenteur d’un pouvoir. Médiateur : un mot-clef. Surtout aujourd’hui, en cette époque où les contradictions, les antagonismes, les incompatibilités s’accumulent. Surtout dans ce monde où tout a changé et tout va encore changer. Vite.

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« Réformer en labourant profond »

En l’état, pendant que le monde court, la France piétine. A reculons, parfois.

*En ayant peur d’elle-même. En restant prisonnière des moules, des habitudes et des réflexes hérités d’un passé révolu. En ne sachant pas réformer en labourant profond, c’est-à-dire en partant des besoins et des finalités : Il faut réformer pour, non contre, en expliquant le pourquoi et le pour... qui.

*En se contentant de réformettes, de « rafistolages », dictés par pulsions, impulsions et pressions... et effectués dans la précipitation, puisque trop tardivement : quand mesurera-t-on le coût du « ne rien faire », du « mal fait » et du « non- fait à temps » ?

* En ne se libérant pas de ce jacobinisme hérité d’un temps où, comme il l’écrit sur son site, Paris colonisait la province comme la France avait colonisé l’Afrique.

*En ne sachant pas donner la priorité des priorités à l’éducation-formation qui devrait être complétée par une inducation, c’est-à-dire de méthode pédagogiques qui permettent à chaque être de se construire lui-même à partir de ce qu’il apprend plutôt que d’être fabriqué par ce qu’on lui apprend.

*En n’inscrivant pas ses délires législatifs dans une « vision d’ensemble » et dans une anticipation de l’avenir. Il nous faut réhabiliter le plan comme organe d’anticipation, d’orientation et de cohérence. Une suggestion parmi beaucoup d’autres...

L’homme politique devrait, selon Pisani, être comme le « médecin généraliste »  : Il ne se concentre pas sur un organe, mais sur tout l’organisme.

« Les adversaires sont des partenaires »

Pourquoi tant de candidats aux présidentielles ne l’ont-ils pas lu, ce Vive la révolte ?

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A côté des chantiers prioritaires qu’Edgard Pisani suggère d’ouvrir, bien des programmes semblent pauvres ou pernicieux, à commencer par ceux des deux favoris... Il est encore temps, si l’on veut que cette échéance ne soit pas, finalement, un nouveau signe de déchéance.

Mais qui, en campagne, peut encore prendre le temps de lire des ouvrages qui font réfléchir autrement qu’un miroir et raisonner autrement qu’un tambour ?

Celui qui ne fut jamais gaulliste mais demeure gaullien et qui a assumé de hautes responsabilités sous de Gaulle, sous Pompidou et sous Mitterrand confie : Strauss-Khan, hélas rejeté, et Bayrou sont les seuls à faire une vraie campagne présidentielle. Les autres confondent l’Elysée et Matignon ou le Palais Bourbon... Et oublient qu’en politique les adversaires sont des partenaires.

« L’identité des volontés »

Mais ce constat ne doit en rien être interprété comme une intention de vote.  J’ai droit moi aussi au secret de l’isoloir, sourit-il en marge d’une rencontre que j’ai animée à la salle Blanche de la librairie Kléber, à Strasbourg.

Une seule certitude, formulée à travers une citation de saint Thomas d’Aquin : « La concorde ne naît pas de l’identité des pensées mais de l’identité des volontés. » Et une ligne de conduite puisée chez Erasme : « Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire. Comprendre. » Admirable Pisani !

Daniel RIOT

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15 réactions à cet article    


  • Marsupilami Marsupilami 11 janvier 2007 11:16

    Bravo, excellent hommage à l’admirable Edgar Pisani. Il n’y a pas beaucoup d’hommes politiques de sa trempe. Je sais quelle va être ma prochaine lecture.


    • Gilbert Spagnolo dit P@py Gilbert Spagnolo dit P@py 11 janvier 2007 11:43

      Salut Daniel,

      J’suis originaire d ce coin de montagne Bourbonnaise

      http://www.leroannais.com/bouger/dxwts.asp?rub=23&rub_id=105

      Sur la commune des Noés, il y a cette curiosité : « la route magique » (même que le petit rapporteur de Jacques Martin en avait fait un reportage dans les années 70 )

      Ben la situation de la France, c’est pareil, on croit que ça va bien,.. alors que tout va mal !

      @+,P@py


      • ZEN zen 11 janvier 2007 13:32

        @Daniel

        "...ligne de conduite puisée chez Erasme : « « Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire. Comprendre »....Ne serait-ce pas plutôt Spinoza ? ..Peu importe.

        J’admire l’homme , mais ne comprends pas bien son regret de S.K....


        • Marsupilami Marsupilami 11 janvier 2007 13:47

          Oui, la citation est bien de Spinoza dans son Traité politique. Et j’avoue avoir aussi du mal à comprendre pour DSK, mais bon, nobody’s perfect...


        • Le Hérisson Le Hérisson 11 janvier 2007 14:00

          Bravo et merci pour cet article à un admirable homme politique, de la trempe de Mendès France par exemple. E. Pisani a eu le malheur de voir parfois trop loin, par exemple pour la Nouvelle Calédonie, mais on se rend compte que la plupart de ses analyses étaient justes.


          • CT (---.---.198.34) 11 janvier 2007 21:26

            Article qui respire l’intelligence et la vraie reflexion

            merci a l’auteur


            • bibendum (---.---.4.251) 11 janvier 2007 21:52

              Trés bon article:je vote Pisani Margherita s’il vous plait....« la nouvelle race »,à consommer avec de l’huile d’olive vierge. Merci,l’auteur. smiley


              • rhass (---.---.12.233) 11 janvier 2007 22:26

                Effectivement admirable ouvrage, qui prouve que la vision et le souffle restent intacts, pour les vrais « pointures »en dépit du poids des ans. L’homme valeur absolue et le politique « médiateur », ou creuset, pour déboucher sur une résultante dynamique ! Cela passe par des citoyens lucides, qui tirent les leçons de 30 ans de pantalonnades ! les français méritent mieux que des équipes politiques usées, et uniquement préoccupées par la durée. Si la présidentielle ne permet pas de sortir du jeu partisan, il reste les législatives. Le peuple de france est mutin, il peut s’ofrir le luxe dans chaque circonscription de confier le mandat à un homme ou une femme, qui parlerait autrement, sans étiquette, hormis celle de la vérité et de la loyauté.Ce label là le bon sens populaire est en capacité de le réperer trés vite !


                • Daniel RIOT Daniel RIOT 12 janvier 2007 01:07

                  Merci pour les compliments. je ne suis pas surpris par l’estime qui est affichée envers Edgard Pisani qui devrait effectivement servir de modèle à celles et ceux qui ont des ambitions politiques non par seule ambition mais par souci citoyen. Pour ce qui est de la citation dont l’auteur est contesté : Erasme l’a dit avant Spinoza. les grands esp^rits se rencontrent.Et Pisanifait bien de la reprendre.Comprendre, c’est le préalable à toute action... Edgard Pisani dans son livre rapport un mot de De Gaulle à propos des hippies : « Ils veulent nous dire quelqque chose, confie le général au ministre.Mais nous ne cherchons pas à les comprendre »...Aujourd’hui, ce ne sont pas les hippies, mais d’autres qu’on ne cherche pas à comprendre... Il est vrai que pour comprendre, il faut apprendre !Cela ne se fait pas avec un Karcher


                  • bibendum (---.---.4.116) 14 janvier 2007 14:18

                    @ Daniel,j’ai voulu faire un peu d’humour, pas terrible,j’aurais mieux fait de te dire que je trouvais ton article et tes propos excellents.Ainsi que les écrivains et politiques auxquels tu te réfères,qui sont aussi pour moi des références.... Quand à Edgar Pisani, oui j’ai le souvenir d’un homme politique de valeur,à l’agriculture, de la « race » de ceux qui nous manquent actuellement...Donc excuse s’il y a malentendu. smiley


                  • yvan (---.---.148.16) 12 janvier 2007 10:34

                    Il me semble que M.Pisani invite les Français à la révolte... Eh bien qu’elle soit !

                    J’ai le sentiment aujourd’hui, tout comme lui me semble t-il, qu’il n’y à qu’un seul homme qui puisse l’initier dans le respect de l’ordre républicain ; il s’agit de François Bayrou... Comment le faire comprendre à l’ensemble de nos compatriotes ?


                    • Antoine Diederick (---.---.185.185) 12 janvier 2007 17:32

                      Bonsoir,

                      Je me demandais ce que devenais Monsieur Pisani...vous y répondez.

                      Plus jeune, j’ai apprécié chez cette personnalité les discours sans « langue de bois ».

                      Ce que je retiendrai de cet homme , c’est son authenticité.

                      La révolte matinée de raison est le chemin....


                      • René Georges HOFFER (---.---.83.42) 15 janvier 2007 09:41

                        Bonjour Daniel,

                        A l’heure où la révolte gronde en Nouvelle-Calédonie concernant le gel du corps électoral prévu lors du congrès de Versailles en février 2007, voici un petit rappel sur Edgar PISANI « au pays des francs des colonies françaises du Pacifique » à l’époque de l’homme des grottes d’Ouvéa Jean BIANCONI et du Premier ministre Jacques-CHIRAC.

                        Avec Honneur

                        Le président de « la Polynésie française » René G. HOFFER [email protected]

                        La dépêche de TAHITI, page 44

                        MERCREDI 12 JUIN 1985

                        "Dick UKEIWE :

                        "Je ne pardonnerai Jamais a PISANI d’avoir dressé les mélanésiens entre eux"

                        Le moins que l’on puisse dire c’est que les agences de presse françaises n’ont pas été très ba- vardes au sujet des poursuites judiciaires entamées à Paris con- tre l’ancien délégué du gouver- nement en Nouvelle-Calédonie Edgard Pisani.

                        Les évènements de Thio ont vu de nombreuses exactions commises par le F.L.N.K.S à l’égard des habitants de cette petite cité minière. Exactions allant du meurtre à l’incendie criminel, en passant par le pilla- ge, la séquestration et tortures, les vols et dépradations. Des actes qui n’ont pas été réprimés comme cela aurait pu être, si l’ordre en avait été donné à la gendarme nationale.

                        C’est ce qui est reproché au- jourd’hui à l’ancien délégué en N.-C. qui se retrouve poursuivi en justice : en effet, suite à la plainte du Maire de Thio, Roger Galliot, des poursuites judiciaires sont maintenant en cours pour « forfaiture ». Cette plainte avait été déposée début février par les soins de M. FrançoisWa- gner avocat, auprès de la cham- bre criminelle de la Cour de cas- sation, qui a eu la charge de dé- signer la juridiction chargée de l’affaire. C’est ainsi qu’un arrêt du 30 avril a chargé de la pour- suite la chambre criminelle de la Cour d’appel de Paris. Cette dernière, officiellement saisie de l’affaire le 17 mai, s’apprête donc à lancer des commissions rogatoires dans les tout pro- chains jours contre le haut-com- missaire Pisani et ses complices dans l’affaire de Thio, lorsque providentiellement, ledit Pisani a été promu ministre et jouit de ce fait - du moins à titre provisoire, - d’une immunité qui le dispense de répondre lui- même aux questions de la Justi- ce.

                        Cependant, l’instruction se poursuivra en ce qui concerne les autres personnes impliquées dans l’affaire, comme l’ancien haut-commissaire Jacques Roy- nette, aujourd’hui préfet des Côtes-du-Nord, le colonel de gendarmerie Marchesson et plu- sieurs autres fonctionnaires. Leurs déclarations ne manque- ront pas d’être instructives quant à la responsabilité per- sonnelle de M. Pisani, en at- tendant que celui-ci, redevenu simple citoyen - en mai 1986 ? - ait à répondre direc- tement des graves accusations portées contre lui.

                        Une information, inédite, en effet, car elle n’a pas été diffu- sée par l’Agence France Presse..."


                        • tennob (---.---.195.144) 19 janvier 2007 15:37

                          Il est utile de lire, sur le blog « vivelarevolte.com » un récent article de Edgard PISANI : il y défend avec ardeur l’idée qu’un gouvernement d« UNION NATIONALE » est indispensable pour mettre en place les incontournables réforme ; L’Union Nationale éviterait qu’une moitié de la France impose à l’autre moitié ses choix .


                          • Pelletier Jean Pelletier Jean 24 janvier 2007 18:18

                            Très interressant article. ; je l’avais zappé. J’ai été le collaborateur d’Edgard Pisani dans ma lointaine jeunesse. Je peux témoigner de sa hauteur de vue et de son courage politique.Sur un projet d’ordonnance sur la Sécurité sociale , il a quitté le gouvernement Pompidou alors qu’il était l’un des dauphins possibles du général De Gaulle

                            En 1968 il a pris fait et cause pour la révolte des étudiants, ce qui lui a valu d’être exclu du groupe gaulliste.

                            C’est alors que qu’il s’est fait élire Sénateur de la Haute Marne, il y avait gardé des contacts de son passage comme Jeune préfet dans les années 50.

                            En 1974 il a rejoint François Mitterrand ... mais par conviction il a soutenu Michel Rocard, ce qui lui a valu d’être exclu, malgrè son immense expérience (rare à gauche à ce moment là) des gouvernements socialistes. Il fut expédié à Bruxelles... puis en Nouvelle Calédonie où avec la complicité de Christian Blanc il a fait des miracles.

                            Merci de lui avoir rendu cet homamge.

                            Bien à vous.

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