Idaho

Cher Abersabil,

J’avais participé deux fois aux manifestations contre la guerre en Irak en 2003 et cette prochaine semaine je vais boycotter un salon commercial organisé pour promouvoir l’activité économique d’Israël auquel je suis personnellement invité. Ce sera ma contribution à la lutte contre la guerre à Gaza. La réponse d’Israël aux tirs du Hamas est disproportionnée.

Je ne peux pas prendre parti dans ce conflit : vouloir la victoire d’un Hamas qui ne reconnaît pas le droit d’Israël d’exister ou vouloir la victoire des extrémistes israëliens qui ont gain de cause ces jours-ci dans la conduite de la guerre.

Mon identité est d’abord chrétienne et avec l’aide de Dieu, qui est amour, je veux oeuvrer pour la paix.

Mon action dans ce sens ne sera pas vaine, un plus grand que moi veille à la fécondité de mes oeuvres.

Je n’ai pas manqué de prier pour vous aujourd’hui Abersabil, et je vous promets de vous porter encore dans mes prières.

Fraternellement.

 

@ Mon cher Abersabil,

N’avons-nous pas nous aussi des écrits et des faits dans les cadres de nos religions que nous aimerions ne pas avoir à reconnaître ? Je prends les devants : "Massacrez-les, car Dieu connaît les siens" ; malheureusement estampillé 100% chrétien.

Heureusement, heureusement, qu’est-ce que cela change quand aujourd’hui nous sommes fraternels ?

Demain nous fêtons le baptême de Jésus. Lui, Juif sans péché, qui n’a jamais péché et qui pour cela reviendra du Ciel au dernier jour a voulu qu’un homme fasse sur lui un geste de purification.

Que Dieu nous pardonne pour le jour où nous le verrons face à face.

Je prierai pour vous Abersabil ; priez pour moi, mon frère.

@ Abersabil

Le Saint Coran, que j’ai lu, dit en effet que les Juifs ont été le peuple élu et que Dieu les a honni.

Pour moi, qui suis chrétien, je considère surtout le Nouveau Testament qui dit aussi que Jérusalem, capitale du peuple juif, n’a pas voulu de son Messie. Ensuite, à travers les siècles, nous avons humilié toujours et égorgé, de temps à autres, les Juifs.

Et puis nous sommes allés trop loin.

Alors, quelques-uns au moins des nôtres, nous avons vu. Le Messie crucifié et le peuple juif exterminé ne sont qu’un.

Quand, Abersabil, vous écrivez : "vous me direz qu’il ne mérite pas ce sort" c’est votre bon coeur de musulman qui parle et Dieu vous est proche à cet instant. Demeurez toujours avec lui.

Fraternellement.

@ Bernard

"La question d’Israël se pose. L’évolution de la situation depuis 30 ans est sous la responsabilité de toutes les parties..." "l’Israël de 2009 n’est plus le même que celui de 1948, de 1967, ou de 1975."

Votre technique (sacrificielle) consiste à découper le temps. Décrétons l’amnésie pour tout ce qui est au-delà de ces 30 dernière années et jugeons des choses a partir de là. Avec hauteur tout de même, gardons en tête ces merveilles conceptuelles que sont "les camps de concentration", "la solution finale", "le crime contre l’humanité" et jetons les à la figure de l’incarnation du Mal aujourd’hui (décembre 2008/janvier 2009) : Israël.

D’où y aurait t’il honte ? Où est le maître qui me jugerait et qui me ferait éprouver cette honte ? Il n’est pas de maître et, en toute honnêteté, quelque chose nous échappe, des songes, rien de distinct. Entre 1948 et 1978 déjà les mots manquent. Plus tôt encore ? Pas même des spectres, l’abîme. Un rapport entre mes merveilles conceptuelles et une Histoire (qu’est-ce que c’est ?) des Juifs ? Première nouvelle !

Vous vous assumez comme prêtre sacrificateur d’un Chronos amnésique à souhait ?

Tiens, comme nous lisons tout les deux Le Monde des livres, reportez-vous à la photo de l’enfant du ghetto à la page 10 de la dernière édition. Fixez votre attention plutôt sur celui qui est dans le coin à gauche et qui regarde l’objectif (entre lui et les SS il y a ses parents ; c’est peut-être pour ça qu’il ne semble pas aussi effrayé que celui au centre) et répétez-lui ces mots : "vois-tu, des parents à toi ont envahi le territoire de la Palestine comme ces soldats qui sont venus en Pologne. Ils ont parqué les habitants dans un grand camps de concentration qui s’appelle Gaza et ils ont commencé à leur appliquer, comme pour toi, une solution finale. Ils les tuent tous un à un, des hommes, des femmes, des vieillards, des enfants. Ils ont oublié ce qu’est un crime contre l’humanité et c’est ce qu’ils commettent à présent".

Ensuite... allez vous regarder dans un miroir.

@ Abersabil

Il n’y a pas d’autre issue que deux Etats sécurisés et se respectant.

Alors il faut tout de suite commencer à respecter l’autre. Si vous pensez que j’ai bien vu le problème de fond on ne peut pas dire que les Juifs sont des victimes qui se sont changés en bourreaux. Ce sont des victimes qui veulent vivre. La situation et la violence les aveugle, ils sont paranoïaques, violents à leur tour et ils poursuivent des mirages mais jamais ils n’en viendront à perpétrer quelque chose comme une "solution finale" (honteuse suggestion !) à l’égard des Palestiniens.

Et pour une justice rendue aux Palestiniens, je suis persuadé que si ces derniers arrivaient à contrôler leur violence ils obtiendraient en peu de temps le démantèlement des colonies juives de Cisjordanie.

Bien sûr la question du territoire touche au sacré et aux identités. Palestine terre arabe, Palestine terre juive, sang versé à Jérusalem. Personne ne comprend ces choses. Qui peut dire les perspectives du sacré en Palestine ?

Toujours est-il qu’un troisième acteur totalement impliqué dans la recherche de la paix ferait plus que (du) bien sur le tableau. Et pourquoi pas le principal responsable de la situation, la perfide Europe ? Ce serait bien un lieu pour relever un honneur bien compromis.

Evidemment, Abersabil, vous pouvez penser que ce sont des songes creux et qui ne s’expriment que lorsque l’insoutenable se produit. Peut-être bien.

Croyez-moi, cependant, je m’attache à considérer au moins le nombre des opprimés, des massacrés, des humiliés à travers le monde... et pas seulement des miens. C’est assurément un bon exercice d’humanité.