Vous avez peut-être raison, Luciole, c’est une très bonne idée. Peut-être en effet que l’eucharistie fait du christianisme une religion qui fait peur. Je n’y avais pas trop pensé. Il faut dire aussi qu’à l’intérieur de cette religion il y a peu de personnes capables de s’expliquer à ce propos.
Bref, la théorie mimétique devient incontournable...
C’est un plaisir de communiquer avec quelqu’un qui connait aussi bien la théorie mimétique ! Oui, à la fin il y a une conversion chez Don Quichotte et un peu chez Julien Sorel.
Hum. Pour tout dire, dans mon approche girardienne, je pense que le christianisme assume la nature cannibale de toutes les cultures, et c’est bien pourquoi il peut prétendre avec raison à l’universalité. Nous sommes formés par le sacrificiel auquel la consommation de la victime est inhérent. Quand Jésus institue l’eucharistie il nous demande d’avoir part à la consommation de son corps et de son sang pour créer un nouveau peuple dans l’humilité de ce qu’est l’homme : un assassin et un cannibale.
Qui peut accepter un tel langage ?
Il nous demande de boire la coupe jusqu’à la lie de notre nature pour aller au-delà ; de nous retourner sur Jésus que nous avons crucifié pour ancrer notre volonté à ne plus le faire et à ne plus le faire à nos frères en humanité.
L’ironie c’est que les occidentaux voient très bien de façon condescendante le cannibalisme chez les autres peuples quand ils ne veulent pas admettre qu’ils sont eux-mêmes tout aussi concernés. C’est le christianisme qui nous a éloignés de ces pratiques fondatrices de l’humanité (au prix d’une eucharistie souvent vécue de façon édulcorée quand il suffit de lire Jean 6 pour savoir de quoi il retourne) et c’est comme si l’éloignement dans le temps ou l’oubli de ces pratiques valait comme excuse, comme pardon, comme innocence... "Pensez, nous ne communions même pas dans les églises, nous sommes en dehors, au dessus de tout ce fatras de pratiques barbares !". Or nous n’échapperons pas à la vérité de notre nature. Les atrocités du XXe siècle devraient nous mettre la puce à l’oreille. En tout cas un père de l’Eglise disait en son temps (Eusèbe de Césarée, si je me souviens bien) que TOUS les peuples de l’époque, donc aussi ceux d’Europe, ont recourru au sacrifice humain.
Luciole, le christianisme demeure et c’est une démarche religieuse à la fois cohérente et effective. René Girard est un chrétien authentique donc un pratiquant.
Non, je n’y crois pas. Le "je ne veux pas" est presque toujours une stratégie du désir (cf. Julien Sorel et Mathilde de la Mole dans Le rouge et le noir". Tout ce que l’on peut faire c’est porter son désir ailleurs (le pardon, le salut, l’être que nous promet Dieu) ce qui fait tomber réellement le désir d’objet hors de tout débat sur "je veux/je ne veux pas". On constate simplement ou bout du compte mais sans regret : "j’y ai renoncé". Et ceci n’est pas mimétique, c’est une volonté que l’on soutient fermement (et qui se trouve rejointe et aidée)...