Je crois que Mycroft dont je partage l’avis vient de vous répondre
"Ceux qui créent les produits
financiers sont très largement plus compétents et plus motivés que ceux
qui établissent les règles".
Sur ce point, je serais assez d’accord avec vous, à une nuance près, c’est le fait que ce sont les mêmes lobbyistes qui proposent les textes, qui financent les campagnes « des élus du peuple » et qui bénéficient forcement des lois adoptées.....
"Ce qui fait que seul les plus faibles en
subissent les rigueurs« .
Raison pour laquelle il faut un état fort et indépendant, au service de l’intérêt général, mais il est vrai que vouloir »moraliser la finance« sans »moraliser la politique" c’est mettre la charrue avant les bœufs et voué à l’échec...
"Puisque nous sommes globalement d’accord, ne pensez-vous pas que
c’est justement un excès de réglementation qui a généré ses produits de
plus en plus sophistiqué et de plus en plus loin de la réalité ?"
Je pense que l’excès de réglementation est pervers, il y a l’esprit, la lettre et des armées d’avocats. Dans un sens je suis d’accord avec vous, l’inflation exponentielle de textes, de lois, de règlements a fini par constituer un réseau inextricable où seul les gros peuvent s’en sortir. C’est pourquoi, je suis pour un État fort ( là il faudrait parler démocratie et indépendance, mais ce n’est pas le sujet ) en position d’arbitre, œuvrant pour le bien général et faisant respecter l’esprit de la loi.
"D’autre part, je ne vous apprendrez rien en parlant de l’information
essentiel que constitue le prix d’un bien, quelqu’il soit. Or, quand la
FED produit du billet vert à tour de presse, elle génère nécessairement
cette spéculation parasite, puisque les repères n’existent plus."
Nous sommes ici dans une configuration très particulière, où les règles habituelles des marchés ne s’appliquent plus, je comparerai cela à une partie de poker menteur, où un joueur peut emporter la mise avec un jeu pourri. Les mécanismes du marché ne fonctionnent plus, sinon la partie serait terminée depuis 2008. Tous les bilans et les stats sont truqués et le jeu de la concurrence est totalement faussé. In fine ce qui fixe les prix, c’est ce qu’un acheteur peut mettre sur la table. Le dollar est de la monnaie de singe, tout le monde le sait et dans un marché non truqué il serait déjà par terre......
"Il y a une différence majeur, entre la loi, applicable à tous, et
garantissant les droits fondamentaux, et une réglementation, a la fois
tatillonne et en retard d’une guerre.«
Tout à fait d’accord sur ce point
»Ceux qui créent les produits financiers sont très largement plus
compétents et plus motivés que ceux qui établissent les règles.«
Ce sont les mêmes, ils commencent par faire du lobbying à Washington ou à Bruxelles et une fois les textes qu’ils ont eux même rédigés et proposés sont adoptés, ils en sont bien évidement les premiers bénéficiaires ( c’est d’autant plus facile qu’ils ont contribué généreusement à l’élection »des représentants du peuple« ) Raison pour laquelle vouloir réformer ou »moraliser« la finance, sans au préalable, réformer nos »démocraties" c’est mettre la charrue avant les boeufs
"Vous avez raison. Je suis d’accord avec vous. Mais je
pense que la taxation des mouvements de capitaux fait partie de la même
logique de limitation de la spéculation"
On peut traiter les problèmes en amont ou en aval, en clair faire de la médecine préventive, ou de la médecine curative. Effectivement l’une n’empêche pas l’autre, mais une médecine uniquement curative coute beaucoup plus chère tout en étant moins efficiente, ce qui explique ma position vis à vis de ces taxes qui ne sont que des pis aller. Dans un système efficace avec une vraie régulation (encore faudrait-il s’en donner les moyens en contrôlant les chambres de compensation par exemple.....) ces taxes n’auraient pas de sens dans la mesure où l’on aurait éliminé le problème à sa source.
"Quoique vous en pensiez, la spéculation a son utilité. Rapidement :
elle permet d’anticiper les risques sur les matières premières dont les
cours sont volatiles."
Ai-je prétendu le contraire ?? le but n’est pas d’interdire la spéculation car elle fait partie intégrante de l’activité humaine. Lorsque je plante un arbre fruitier,à ma façon je spécule en espérant récolter les fruits de mon travail. Mais dans mon cas il y a une activité économique réelle, j’ai planté un arbre.
Ce qu’il est question d’interdire, c’est l’activité du type qui parierait avec de l’argent qui ne lui appartient pas sur mes récoltes futures en fixant le cours de mes fruits hors de toutes réalités.
"Exemple déjà évoqué : Vous fabriquez des oeufs en chocolat. Votre
chiffre d’affaire se fait donc juste avant Pâques. Mais vous commandez
le cacao aux producteurs un an avant, pour être sur d’avoir votre
marchandise. La saison du cacao, va-t-elle être bonne ou mauvaise ? Vous acheteur, et votre vendeur, avaient besoins de savoir combien
l’un va payer et l’autre acheter pour organiser, qui sa fabrication et
sa distribution, et qui sa production agricole et son transport. "
Là encore, je suis d’accord avec vous, à une condition celui qui achète du cacao à terme doit en prendre livraison. Il s’agit juste d’éliminer de ces marchés tous les parasites qui n’ont rien à y faire et qui n’hésitent pas à affamer des peuples pour gagner encore plus d’argent (voir la montée brutale des denrées agricoles en 2007 due en grande partie au report de la spéculation du marché immobilier en crise vers les matières premières avec pour conséquences, les révoltes de la faim qui s’en sont suivi )
"C’est là qu’intervient le spéculateur dont le métier est d’anticiper
les risques : sur ou sous production agricole avec des aléas (climat,
insectes), trafic maritime et transport routier à cause du prix futur
des carburants. Il y a beaucoup d’inconnues."
Pour s’assurer contre ces aléas, c’est pour cela qu’ont été créer les CDS par exemple. Là encore problème, c’est que les CDS sont devenus des marchés à part entière sans actifs sous-jacent. En clair cela revient à assurer la voiture de mon voisin en espérant qu’il ait un accident pour pouvoir toucher la prime, le marché a été totalement perverti.....
Au plus le nombre d’inconnues est grand, au plus le risque est
important. D’où la marge du spéculateur, qui, intervenant sur de
nombreux marchés, réparti ses risques.
Je vous ferais remarquer que c’est typiquement le travail d’un assureur et non d’une banque
Comme quoi, rien n’est simple, et il faut se méfier des raisonnement à
l’emporte pièce.
J’ai travaillé dans la finance en pleine période de dérégulation, je ne prétends nullement être un expert, mais j’ai tout de même une petite idée sur les mécanismes qui nous ont amenés là ou nous en sommes. Nous avons eu des bourses qui assurait leur rôle économique sans tout ces produits purement spéculatifs, les cotations en continu etc....
Bref des bourses qui n’étaient pas des casinos, et encore au casino, on joue avec son argent pas avec celui des autres...
- Interdiction de la vente à découvert (rien que cette mesure brise une bonne part de la spéculation) - Restriction de l’accès de certains marchés ( par exemple, matières premières à ceux qui en sont acteurs, producteurs / transformateurs, idem pour les CDS) - Plus de transactions hors marché - Marché au comptant pour toutes les actions - Disparitions de certains outils purement spéculatifs avec effets de levier - Cotation unique par jour ( ce qui existait avant l’apparition du CAC )
Déjà avec ces quelques mesures, on limiterai énormément la spéculation et les bénéfices monstrueux de la finance.