J’interviens rarement sur les
articles qui, soit ne concernent pas l’Afrique, soit relèvent de la politique
politicienne ou des discussions entre européens. Je suis régulièrement vos discussions avec
Chalot et Jaja. Je peux dire que c’est grâce aux positions que vous développez
que j’ai pu vraiment commencer à m’intéresser sur Staline et l’URSS. Jusqu’à
présent, je tenais ma vision sur l’URSS que sur la base de la propagande des
anarchistes et des trotskistes. Vous avez aidé à faire évoluer cette vision. La
documentation que vous fournissez accable l’anarchisme et le trotskisme. Je
constate que la grande majorité des personnes qui intervienne sur ce site est
de tendance soit trotskiste, soit anarchiste. On peut dire que c’est normal car
dans chaque pays, les idées dominantes sont toujours les idées de la classe
dominante. Donc, Merci.
Chalot
La remarque de Louphi sur votre article ci-dessus comme
quoi on ne peut pas être anti-impérialiste à Bamako et soutenir la mouvance
homosexuelle à Paris est très juste. Vous feriez bien d’y méditer. Il en est de
même de Victor Hugo et du siècle dit « Siècle
des Lumières » dont presque tous les philosophes sont des théoriciens du
racisme anti-noir.
En Afrique, nous connaissons bien la collusion voire la
confusion que les sectes maçonniques homosexuelles entretiennent avec les
régimes néocoloniaux. Ces obédiences sont progressistes en Occident, mais
impérialistes en Afrique.
Jaja
Je trouve votre tutoiement de louphi très impoli. J’ai
l’impression que vous n’avez pas le sang froid. Il est normal quand les points
de vue s’entrechoquent qu’il y ait des étincelles, que des expressions parfois
même à la limite de l’insulte fusent. De là à tutoyer des gens avec qui on n’a aucune familiarité et qu’on n’a jamais vu, çà relève du manque d’éducation la plus élémentaire. Cà discrédite d’emblée la cause même que vous défendez. En toute chose, il faut savoir garder la mesure de
la politesse. Le post qui a sauté est le mien. Je peux vous le réafficher. Mais
auparavant j’aimerais avoir un petit échange avec louphi. J’espère qu’il
réagira.
Les bases de données des organismes statistiques
américains ne suffisent apparemment pas pour apprécier l’impact de la présence
chinoise en Afrique. Clamer haut et fort que « La Chine ne pille pas l’Afrique », c’est faire
fi des intérêts économiques qui sont à la base des relations d’une grande
puissance capitaliste comme la
Chine avec les zones coloniales comme le continent africain.
C’est faire croire que la Chine
est présente en Afrique simplement et uniquement pour les beaux yeux des
africains. Cela n’a pas de sens.
Sans avoir besoin des données statistiques des
relations économiques Chine-Afrique qui ne sont pas monnaie courante, il n’y a
qu’à constater empiriquement la floraison des établissements chinois sur les
marchés africains en Afrique même et en Europe. Partout, les Chinois font
pousser des magasins bien achalandés spécialisés uniquement sur les produits
africains en tous genres. En Europe par exemple, si on veut consommer africain,
il faut s’adresser aux magasins chinois qui se confondent ainsi avec les
magasins africains dans tous les domaines de la vie quotidienne : habillement,
alimentation, cosmétique, et même la commercialisation de la musique qui est
pourtant le domaine d’excellence des
africains. Allez dans les banlieues de Paris, vous constaterez que c’est
un patron ou une patronne chinoise qui vous renseigne sur les toutes dernières
nouveautés et évolutions de la musique africaine pour tous les styles même les
plus traditionnels. Même si la personne au comptoir est africain, vous ne
tarderez pas à voir surgir le patron chinois ou la patronne chinoise. Le
monopole des chinois (asiatiques) sur les marchés africains est visible. On ne
peut pas dire que les profits de ce monopole servent à alimenter les économies
africaines. Sur place en Afrique même, sur le plan agricole, les « investisseurs chinois » s’installent et
exploitent souvent les terres expropriées aux paysans par les gouvernements
africains liés par les accords avec la Chine.
Ces paysans sont ensuite employés sur leurs terres par les nouveaux propriétaires
chinois sans avoir accès aux produits exploités qui sont commercés par les
patrons chinois sur les marchés internationaux. Bien entendu, la Chine tire des bénéfices
substantiels de sa présence en Afrique. Bien sûr, les chinois ne sont pas les
seuls à bénéficier de ces cessions de terres.
Sur un plan historique, la Chine a fait son entrée
économique en Afrique au lendemain des indépendances dans les années 1960.
C’était la concrétisation des accords politiques et économiques passées entre la Chine Populaire sous Mao Tsé
Toung et les grandes puissances européennes ainsi que les USA. Rappelons que de
1949 (instauration de la
République populaire de Chine par la révolution) à 1971, la Chine populaire n’était pas
membre de l’ONU. Son admission se heurtait au refus des Etats-Unis et des
puissances d’Europe car la
Chine Populaire soutenait les mouvements de libération dans
le monde, surtout en Afrique en concurrence avec l’impérialisme russe. Le
marché fut donc conclut entre la Chine Populaire sous Mao et les
puissances occidentales. Aux termes de ce marché la Chine Populaire s’engagea à
livrer les mouvements de libération qu’elle soutenait en Afrique et, en
contrepartie, les puissances occidentales s’engagèrent à admettre la Chine à l’ONU en tant que
membre permanent du Conseil de Sécurité avec droit de véto. De 1956 à 1970 environ, la Chine Populaire sous Mao
remplit sa part de contrat. Tous les mouvements indépendantistes africains
soutenus jusque-là par la Chine Populaire
furent livrés aux occidentaux et liquidés. Ainsi, ayant exécuté sa part du
contrat, la Chine
populaire fut admise à l’ONU comme membre permanent du Conseil de Sécurité avec
droit de Véto le 25 octobre 1971.
La présence de la Chine en Afrique n’est donc motivée que par le
partage du juteux gâteau africain à la même table que les puissances coloniales occidentales.
La divergence que vous relevez est effectivement
l’abime qui nous sépare. Je prendrai un exemple assez significatif pour illustrer
mon propos. Prenons l’Europe, sous l’occupation Nazie (1939-1945). Encore que
le nazisme était un produit de l’esprit de prédation européen né sur le sol
européen et visant en premier lieu les européens. Ce qui n’est pas le cas des traites négrières
européennes et arabes en Afrique, ni du colonialisme, ni du néo-colonialisme,
phénomènes venant d’Occident.
Donc, pendant que les nazis occupaient l’Europe,
supposons que les pays occupés, la
Pologne, la
Norvège, l’Autriche, la France pour ne citer que ceux-là, se soient
dits :
- l’occupation
allemande est devenue une réalité ;
- la seule
façon de revivre en harmonie dans les espaces avant l’occupation réside dans
les accords bilatéraux en matière d’immigration, d’emploi et de commerce…
- vouloir
redéfinir les frontières tracées par l’Allemagne nazie reviendrait à susciter
des guerres comme dans les Balkans ; Il faut éviter que l’Europe soit mise
à feu et à sang ;
- l’avenir des
peuples de l’Europe ne réside pas dans les massacres, les guerres, pour
s’approprier une portion du territoire ; il dépend plutôt de la capacité
des européens à travailler ensemble à savoir gérer de commun accord les espaces
transfrontaliers, à bâtir des stratégies régionales et continentales…
- l’Europe
doit parler d’une seule voie dans le monde.
C’est ainsi que raisonne Lonsi Koko concernant l’Afrique. Et c’est bien ainsi que raisonnaient les partisans du
régime nazi dans les pays européens occupés. En France en particulier, ce
raisonnement était le fondement de la propagande et de la politique du régime pro-nazi
de Vichy. La suite, vous devez certainement très bien la connaître. Le régime
nazi et ses supporters ont été balayés et bannis dans toute l’Europe et dans le
monde entier par les peuples européens coalisés dans un profond et vaste
mouvement de libération impliquant la
Russie soviétique et appuyé par les Etats-Unis d’Amérique
sans oublier les troupes africaines mobilisées par les colonisateurs et désignées
méprisamment par l’expression « tirailleurs
sénégalais ». En France, le terme
collaboration désigne précisément le régime de Vichy, partisan et
support local de l’occupation nazie. Ce terme de collaboration s’applique
parfaitement à Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko au regard de la situation du Congo
et de l’Afrique. Et l’Afrique, voici tout un continent qui est envahi,
massacré, occupé, dévalisé, dépeuplé, pillé, brigandé, dans tous les sens et
tous les coins, depuis des siècles et des siècles voire des millénaires, par
l’Occident ! Et sur ce continent, aujourd’hui, l’idée même de collaboration
n’effleure presque personne chez les autochtones, surtout même parmi les
plus cultivés ! Pourtant la colonisation y est même encore fumante et continue
de battre son plein ! C’est un grand miracle réalisé par l’Occident,
d’avoir déshumanisé à ce point l’être humain, le nègre, au point de lui faire
adorer son bourreau ! L’Europe serait dans cette situation si le nazisme
s’y était éternisé. Voilà le nœud de la divergence : l’esprit et la
culture de la collaboration qui vous imprègnent !
Vous dites que je serais « partisans
de la révision des frontières actuelles pour permettre, par exemple, à un pays
comme le Rwanda de s’approprier le Kivu au détriment de la RD Congo ». Je dois
dire que vous êtes complètement à côté de la plaque. Je ne suis partisan de la « révision »
d’aucune frontière actuelle. « Révision »,
cela veut dire enlever la barrière ici pour la remettre là. Non ! Je suis
plutôt partisan de l’abolition totale
et définitive de toutes les frontières
héritées de la colonisation, du rétablissement, autant que faire se peut, des
Etats nationaux précoloniaux, avant les traites européennes et arabes, avec
l’intégralité de leurs cultures. Vous comprendrez que cela n’aménage pas la
voie au Rwanda de s’approprier le Kivu au détriment du Congo, ni au Congo RDC
ex-Congo belge de s’approprier le Kivu au détriment du Rwanda. Au contraire,
cela permettra à toute la région des Grands Lacs en particulier et à toute
l’Afrique Noire en général de se réconcilier avec elle-même, de reprendre le
fil perdu de son Histoire. Cela permettra encore aux peuples africains de revivre
dans la prospérité et l’harmonie dans un espace continental commun, comme autre
fois avant le débarquement des européens, comme l’avait constaté de ses propres
yeux l’explorateur allemand Léo Frobénius (1873-1938) en sillonnant l’Afrique
d’Ouest en Est, de la côte atlantique jusqu’à la côte de l’océan indien. Léo
Frobénius décrit ainsi la vie des populations qu’il avait rencontrées :
« Lorsqu’ils
arrivèrent dans la Baie
de Guinée et aboutirent à Vaïda, les capitaines furent fort étonnés de trouver
des rues bien aménagées, bordées sur une longueur de plusieurs lieues par deux
rangées d’arbres. Ils traversèrent pendant de longs jours une campagne couverte
de champs magnifiques, habitée par des hommes vêtus de costumes attachants dont
ils avaient tissé l’étoffe eux mêmes ! Plus au Sud, dans le Royaume du Congo,
une foule grouillante habillée de soie et de velours, de grands Etats bien
ordonnés, et cela dans les moindres détails, des souverains puissants, des
industries opulentes. Civilisés jusqu’à
la moelle des os ! Et toute
semblable était la condition des pays à la côte orientale, la Mozambique par exemple.
Les révélations des navigateurs du XVe au XVIe siècle fournissent la preuve
certaine que l’Afrique Nègre qui s’étendait au Sud de la zone désertique du
Sahara était encore en plein épanouissement, dans tout leur éclat de
civilisations harmonieuses et bien formées. » (Leo Frobenius, Histoire de
la civilisation africaine, Paris, Gallimard, 1936, pp. 14 et 15.)
Enfin, cela permettra aux peuples d’Afrique Noire de
pouvoir asseoir l’Etat Fédéral
panafricain ancré dans sa culture historique comme l’ont prophétisé le
grand savant multidisciplinaire panafricain
Cheick Anta Diop et son bras droit le professeur Théophile Obenga. Un Etat
Fédéral Panafricain « doté d’une direction
politique centrale gouvernant sans restriction venant d’une puissance étrangère
quelconque » selon la recommandation de Kwamé Nkrumah, l’un des pères
fondateurs du panafricanisme révolutionnaire africain.
Tel est l’énorme fossé sans fond qui sépare, d’un côté
le nationalisme africain véritable, le panafricanisme, de l’autre côté le faux nationalisme, le nationalisme
borné, enfermé dans le cadre étriqué des frontières issues de la balkanisation
coloniale de l’Afrique, le nationalisme néocolonial, support local du
colonialisme, semeur de haine entre les populations africaines, gardien de
l’ordre colonial.