Pour plus de précisions
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« Effacement de l’État économique, abaissement de l’État social, renforcement et glorification de l’État pénal ».
Cette formule a pour but d’indiquer qu’on ne peut pas comprendre les politiques policières et pénitentiaires dans nos sociétés sans les replacer dans le cadre d’une transformation plus large de l’État, transformation elle-même liée aux mutations de l’emploi et au basculement du rapport de forces entre classes et groupes qui luttent pour son contrôle. Et, dans cette lutte, c’est le grand patronat et les fractions « modernisatrices » de la bourgeoisie et de la noblesse d’État qui, alliées sous la bannière du néolibéralisme, ont pris le dessus et engagé une vaste campagne de sape de la puissance publique. Dérégulation sociale, montée du salariat précaire (sur fond de chômage de masse en Europe et de « misère laborieuse » en Amérique), et regain de l’État punitif vont de pair : la « main invisible » du marché du travail précarisé trouve son complément institutionnel dans le « poing de fer » de l’État qui se redéploie de sorte à juguler les désordres générés par la diffusion de l’insécurité sociale. À la régulation des classes populaires par ce que Pierre Bourdieu appelle « la main gauche » de l’État, symbolisée par l’éducation, la santé, l’assistance et logement social, se substitue (aux États-Unis) ou se surajoute (en Europe) la régulation par sa « main droite », police, justice, et prison, de plus en plus active et intrusive dans les zones inférieures de l’espace social. La réaffirmation obsessionnelle du « droit à la sécurité », l’intérêt et les moyens accrus accordés aux fonctions de maintien de l’ordre viennent à point nommé pour combler le déficit de légitimité dont souffrent les responsables politiques, du fait même qu’ils ont abjuré les missions de l’État en matière économique et sociale.
tout comme ceux d’aujourd’hui d’ailleurs. La délinquance ethnique est une réalité nouvelle qui n’existait pas lorsque Todd avait 17 ans, elle est liée à une crise générale de l’autorité et à la démission de l’Etat, pas à un malaise sociale.
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C’est pourtant ce que Loïc Wacquant démontre dans toute son oeuvre.
Progressive démission de l’Etat social et reprise en main de la précarisation de certaines franges de la population par la pénalisation du social et par le biais d’une demande d’autorité.
Le terme « totalitarisme » doit être employé avec parcimonie et prudence, nous dit Arendt, qui établit une distinction entre « régime totalitaire » d’une part et « dictature » ou « tyrannie » d’autre part. Le totalitarisme ne s’arrête pas à la prise du pouvoir politique par la force, à la simple dictature militaire. Il poursuit son action, dirigée vers la domination totale, par l’instauration du régime policier et la transformation complète du mode de vie de l’individu atomisé. Le totalitarisme doit en finir avec l’existence autonome de n’importe quelle activité, par la domination permanente de tous les individus dans toutes les sphères de leur vie, rappelle Arendt en citant le Mein Kampf d’Hitler.
Le « totalitarisme » qui exerce aujourd’hui son emprise, dans des sociétés qui se réclament pourtant de la démocratie, est celui qui veut paradoxalement justifier son existence au nom d’une plus grande liberté, celle du marché, mais qui ne laisse en réalité d’autre choix que de s’intégrer à la logique d’une pensée unique, d’un mode unique d’agir, une logique qui s’est infiltrée dans nos vies de manière tacite sous la forme d’une guerre non déclarée, qui enchaîne les populations et lie leur sort à la santé du capital, à la prospérité des investissements. Cette logique est celle du néolibéralisme, qui s’est implanté à partir de la fin des années 1970 en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pour se généraliser à l’échelle du monde entier au cours des deux décennies suivantes et régner dès lors en maître absolu, soumettant toute l’activité économique et sociale aux seules lois du marché. Il s’agit bien d’un retour au libéralisme après une période de quelque quatre décennies qui avaient vu triompher l’interventionnisme étatique. Mais ce libéralisme est d’un type nouveau dans la mesure où le champ de son déploiement est celui d’une économie « globale » entièrement mondialisée où le principe de la liberté des échanges a été poussé à un point tel que les États en sont arrivés à confier aux marchés et aux institutions internationales qui en assurent la domination intégrale, des pouvoirs supranationaux qui priment sur la souveraineté des États et le contrôle de la démocratie parlementaire sur des enjeux majeurs de la vie sociale, désormais décidés par les impératifs du profit et de la compétitivité internationale.
Le totalitarisme d’aujourd’hui est celui de la domination totale par le marché. L’étendue de son pouvoir, en voie d’achèvement au niveau mondial depuis la chute de l’économie planifiée dans l’ex-Union soviétique et ses satellites d’Europe centrale et orientale, ne s’arrête pas à la sphère de l’économie. Le totalitarisme du marché poursuit son action dirigée vers la transformation complète de l’individu en homo oeconomicus, en individu qui penserait tout en termes économiques, comme le soutient depuis des décennies la science économique officielle fondée sur le principe de l’individualisme méthodologique. Sans sombrer dans le catastrophisme, on ne peut écarter aujourd’hui, avec les progrès phénoménaux du génie génétique et leur appropriation privée par les entreprises multinationales dans un monde qui n’obéit qu’aux lois du marché et du profit, l’hypothèse d’un éventuel recours au clonage généralisé et aux mutations génétiques pour achever, dans une version moderne d’eugénisme, ce modelage de l’individu aux besoins de l’économie.
j’ai beaucoup aimé son rappel de la division des pauvres entre "méritants" et "assistés", car c’est tout de même la vision dominante à l’heure actuelle, et ça fait froid dans le dos.