Bonjour,
Vos remarques sont intéressantes, notamment votre approche selon laquelle l’abandon de l’accès payant par abonnement au fonds d’archives du NYT peut se révéler à terme - presque paradoxalement - une source de revenu réelle, en améliorant la visibilité du site sur la première page de recherches Google, ce qui pourrait permettre d’accroître ses ressources publicitaires...
Mais, s’il vous plait, cessez de dire qu’il s’agit là d’un accès « gratuit »... Il n’y a pas plus de gratuité dans ce « modèle », qu’il n’y en a dans celui des journaux papiers abusivement qualifiés de « gratuits ».
Ces « modèles » sont financés par la publicité et la publicité est tout sauf gratuite ! La publicité est payante, et au bout de la chaîne qui constitue son « modèle » spécifique, ce sont les consommateurs qui la payent : les consommateurs du NYT en ligne, comme ceux d’Agoravox d’ailleurs, payent cette apparente gratuité par un surcoût (minime et donc presque invisible) sur le prix de leur pot de yaourt.
C’est d’ailleurs tout le « génie » de ce modèle de parvenir à collecter des milliards d’euros et de dollars de revenu auprès des consommateurs de manière indolore, et quasi invisible, en s’offrant « le luxe » de développer un discours totalement abusif, à la limite du mensonger, sur le thème de la gratuité.
Les conséquences de ce mode de fonctionnement sont pourtant nombreuses et importantes, et continuer à parler de « gratuité » dans ce cas contribue très largement - très opportunément ? - à les occulter.
Le « décrochage » entre l’acte d’achat (c’est à dire la lecture du NYT en ligne, ou d’Agoravox, ou de 20 Minutes sur papier, etc.) et son paiement réel (le petit surcoût sur le pot de yaourt) soumet radicalement le principe d’établissement de la valeur du bien acheté (l’information) à celui qui établit la valeur du bien auquel est attaché son paiement (le pot de yaourt). On arrive donc à ce que le prix de l’information est réellement indexé sur celui des produits de grande consommation, qui ont le plus massivement recours à la publicité.
Celui qui parviendra à vendre au meilleur prix l’information qu’il a à vendre sera donc, au bout du compte, celui qui aura vendu le plus de pots de yaourts ! La logique de ce modèle est donc bien de pousser le NYT en ligne - comme Agoravox ! - à vendre du yaourt, pour obtenir le paiement de leur propre produit, puisque ce paiement est « lié » à celui du yaourt.
Cette logique est perverse. Elle tend à effacer la valeur propre du produit que constitue l’information. Elle pousse les producteurs d’information à se plier à la logique de markéting des produits de consommation de masse, indépendamment de la logique markéting propre à leur produit.
Si elle n’est pas régulée, contrecarrée, par un contre-poids qui reste à inventer et mettre en place, cette logique économique du modèle proposé pour vendre l’information mène directement les producteurs d’information à s’orienter vers ce que l’on pourrait appeler « le markéting rédactionnel » : sélectionner et hiéarchiser l’information que l’on vend à ses consommateurs, non plus en fonction de ce qui fait la valeur propre d’une information (sa crédibilité et son importance, sa véracité, sa nouveauté, ses conséquences, etc.), mais en fonction de l’audience qu’elle est susceptible d’obtenir auprès des consommateurs potentiels de yaourts, car c’est la clé pour obtenir de la publicité pour les yaourts, qui est elle-même la clé pour obtenir le paiement de l’information que l’on avait à vendre...
J’ai bien peur que celui qui a tout à tirer de ce modèle c’est le vendeur de yaourts. Le vendeur d’information en revanche a toutes les raisons de ne pas y retrouver son compte, puisqu’il perd totalement la maîtrise de la commercialisation de son bien et de l’établissement de son prix. Pire même, il se trouve contraint à soumettre cette commercialisation à une logique économique qui peut lui être contraire.
Et le consommateur final dans tout cela ? Mais qui se soucie encore du consommateur ?
narvic (novovision.fr)