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Commentaire de Philippakos

sur Médias : le choc des photos


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Philippakos Philippakos 30 septembre 2007 09:26

Au risque de ramer à contrecourant de la plupart des commentaires, je ne me pronnoncerai pas en favaur de cette publicité (car c’en est bien une, ne pas s’y tromper). D’abord, il est toujours surprenant de trouver une publicité contre une maladie. Cela laisserait supposer qu’il y ait une tendance pour... A quand une publicité contre le cancer ? On frôle la démagogie, même si, dans le cas de l’anorexie, on essaie d’assimiler la maladie à une tendance de la mode, ce qui est abusif bien entendu et même assez malhonnête. Toute cette publicité pour No-L-ita reviendrait presque à dire que l’anorexie est une maladie choisie et qu’il faut lutter contre ce choix. J’ai lu dans un commentaire : « dénoncer l’exploitation de la bêtise des adolescents ». Si l’on fait de telles généralités gratuites, que dire de celle des adultes. La maigreur comme mode n’a pas toujours ainsi au cours des siècles. Si les femmes ne fantasmaient pas sur ces grands échassiers de top models qui, lorsqu’on voit la réalité, font davantage pitié qu’envie (en faisant abstraction du phénomène mode), les adolescentes n’en seraient pas là. Cette publicité peut être donc prise comme une lutte contre la maigreur en tant que mode. Elle dit aux jeunes filles : regardez ce qui vous attend si vous souhaitez devenir maigres. Si la maigreur ne faisait pas rêver les femmes, les mannequins ne seraient pas maigres. On peut, bien sûr, dire que ce rêve leur est imposé, depuis l’enfance avec Barbie et Cindy qui ont, soit dit en passant, des proportions complètement inhumaines... comme ont des proportions inhumaines ces mannequins pour qu’elles correspondent aux images qu’on s’est forgées. On se sert de ces grandes filles, c’est une évidence, mais pour alimenter nos phantasmes (même si ce ne sont pas les phantasmes de tous) et nous en sommes les uniques responsables. Maintenant l’interdiction de la pub : Toscani a compris avec Benetton, qu’on pouvait faire la publicité d’un produit en montrant des images négatives, à savoir en choquant sans rapport avec le produit. Compris que seul un bon coup sur le mental réussissait à détourner le spectateur blasé de son chemin. Et peu importe qu’on en dise pis que pendre, l’essentiel est que la marque soit prononcée, le plus souvent possible, selon l’adage : il vaut mieux entendre parler de soi en mal que ne pas en entendre parler du tout. On disait alors : « Quelle honte, utiliser le virus VIH pour vendre des vêtements Benetton ». La pub fait débat, on en parle dans les médias, les « pour » les « contre ». C’est bon pour Benetton tout ça. Ne pas s’y tromper cette image d’anorexique pour No-L-ita est bien faite pour promouvoir des vêtements, elle est faite pour choquer, faite pour susciter ce que nous écrivons à la suite de cet article, faite pour qu’on en parle. Choquer est donc une bonne pub, encore faut-il conserver une certaine retenue, sinon on risque bientôt de voir un massacre de bébés à la tronçonneuse pour vendre des yaourts, des torturés à mort pour promouvoir une assurance vie. Il est vrai, comme le constate un commentaire, qu’il n’y a pas de frontière au choquant. La limite est uniquement culturelle et le curseur bouge constamment. Il n’empêche que le procédé « choc » ne fonctionne pas éternellement. On n’est plus choqué par ce qu’on voit chaque jour. Il en faudra donc toujours davantage pour que le public réagisse. Qui souhaiterait être entouré d’images de cauchemars qui l’agressent dès qu’il sort de chez lui, même si c’est pour la bonne cause (ce qui n’est pas le cas de la publicité) ? Si le traumatisme du spectateur peut se justifier pour la prévention routière, le permettre pour tout et n’importe quoi est la porte ouverte à tous les excès qui ne toucheraient d’ailleurs même plus leur but tant le spectateur y serait accoutumé. Alors, au risque de surprendre, je ne suis pas pour la permissivité totale de ce qui est exposé dans la rue. L’espace public ne doit pas devenir le lieu dans lequel les publicitaires se livrent à une surenchère de l’horreur pour vendre leur soupe. Il y a va de notre liberté individuelle et il faut se battre pour qu’on la respecte.


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