Engendrée sous la pression des milieux d’affaires, assemblée dans les couloirs de l’OMC (organisation mondiale du commerce), une formidable machine à détruire les services publics mondiaux est en action : l’Accord général sur le commerce des services, plus connu sous son sigle AGCS.
Son objectif : libéraliser tous les services en supprimant un à un les obstacles au commerce.
L’AGCS autorisera par exemple une multinationale à poursuivre pour concurrence déloyale une commune qui subventionne sa cantine scolaire.
L’accord général sur le commerce et les services (AGCS) = privatisation planétaire des services (eau, santé, éducation…).
La Commission européenne, le patronat, la droite, et ceux (à gôche) qui sont contaminés par l’idéologie marchande, réagissent aux critiques en affirmant que rien ne justifie de telles alarmes.
L’AGCS ne présenterait pas de menaces graves sur les services publics ; il ne mettrait pas en cause le modèle social développé dans certains pays européens ; il ne menacerait pas les droits démocratiques des citoyens.
Tout cela ne serait que fantasmes destinés à mobiliser un mouvement citoyen à la recherche de boucs émissaires. Trop souvent, les journalistes propagent cette affirmation anesthésiante. Et pourtant, qu’on en juge :
1 - L’AGCS est un traité signé par 125 gouvernements, le 15 avril 1994. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1995 et a été ratifié par les parlements des pays de l’Union européenne en 1995.
L’OMC est chargée de sa mise en œuvre. L’OMC : l’organisation internationale la plus puissante du monde, la seule à disposer des moyens judiciaires de faire respecter les accords qu’elle gère, en s’appuyant sur les critères de la concurrence commerciale, les seuls qui soient contraignants.
2 - Les effets conjugués des articles 8 (monopoles), 9 (pratiques commerciales), 16 (accès au marché) et 17 (traitement national) conduisent quasi mécaniquement de la libéralisation à la privatisation, comme on le voit déjà dans l’Union européenne, cette mini OMC dont les options prioritaires en faveur d’un marché totalement libéralisé fournissent l’exemple du démantèlement progressif des services publics.
L’OMC a le pouvoir de réduire à néant les services publics
3 - Le paragraphe 2 de l’article 1 relatif au mode de fourniture des services et à la mobilité des personnes physiques interdit aux pouvoirs publics de faire respecter les normes et de garantir les conventions collectives.
Les employeurs pourront mettre en concurrence le personnel bénéficiant de cent cinquante ans de conquêtes sociales avec du personnel venu à titre temporaire d’autres pays, auquel les patrons pourront appliquer les normes salariales et sociales du pays d’origine.
L’article 6 donne mandat à l’OMC d’élaborer des « disciplines » afin que les législations et les réglementations nationales, régionales et locales ne présentent pas un contenu éthique, sanitaire, social, environnemental « plus rigoureux que nécessaire ». Avec ces « disciplines », l’OMC a donc le pouvoir de démanteler les protections sanitaires, sociales, environnementales et culturelles décidées dans chaque pays.
4 - L’article 21, par les conditions qu’il impose, rend le processus de privatisation pratiquement irréversible. C’est la fin d’une démocratie devenue un obstacle à la recherche du profit.
5 - L’AGCS menace le respect des droits fondamentaux proclamés par les Nations Unies (droits à l’alimentation et à l’eau, à un cadre de vie durable, à l’éducation, à la santé, au travail, à un niveau de vie suffisant, à des normes sociales).
6 - L’AGCS est mis en œuvre à partir du 1er janvier 2005.
L’article 1 définit les services par « tous les secteurs de tous les services, à l’exception des services qui ne sont pas fournis ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services ».
Cette définition ne protège que les services régaliens de l’Etat : certains services ministériels, la défense nationale, les services de police et l’appareil judiciaire. Aucun autre service n’est à l’abri.
Ce qui ne sera pas concerné par l’AGCS aujourd’hui pourra très bien être libéralisé lors de la série suivante. Aussi longtemps que l’AGCS n’aura pas été modifié, personne ne peut garantir que la santé, la sécurité sociale, l’éducation et la culture ne seront pas, à terme, totalement privatisés, soumis aux seules règles du commerce et accessibles seulement à ceux qui en auront les moyens.
Personne. Le fantasme serait de croire le contraire.