On est ici devant une inégalité fondamentale. Hommes et femmes n’ont pas le même droit à la grossesse puisque les hommes ne portent pas d’enfant. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter, en Suisse du moins :
1. Si le couple est marié et qu’une grossesse survient l’homme est automatiquement considéré comme le père, avec les droits et obligations qui en découlent. L’homme ne peut rien faire d’autre qu’accepter son statut de père, qu’il désire ou non cette grossesse, en accord ou non avec son épouse. Il est soumis à la décision de son épouse, quelle qu’elle soit. En cas de demande de divorce il y a un délai avant le jugement au cas où la femme serait enceinte sans qu’on le sache encore, et dans ce cas l’homme est présumé père biologique.
2. Si un couple n’est pas marié l’homme doit faire un acte de reconnaissance pour obtenir le statut de père. Il pourrait donc s’y soustraire, ce qui éviterait tout problème ultérieur. Sauf que ce n’est pas si simple. Les tribunaux ont de plus en plus tendance à considérer une vie en concubinage comme un équivalent du mariage. La loi va aller de plus en plus dans ce sens. Un homme peut donc se trouver dans une situation d’obligation qu’il n’a pas souhaitée.
3. Une information imprévue de possible paternité n’est pas sans effet juridique, patrimonial, économique, moral et affectif sur l’homme, à l’identique de la femme. Il peut paraître absurde de vouloir imposer un avortement à une femme qui ne le veut pas, mais ce débat montre que l’on est devant une situation des plus fondamentales et inégales.
4. La solution de laisser l’homme signer un document légal selon quoi il refuse cette paternité est aussi possible. Mais si la femme garde l’enfant l’homme passera sa vie avec cette idée en tête : je suis biologiquement père quelque part. Ce n’est pas simple.
5. Enfin si l’enfant, par exemple à sa majorité, veut contraindre son géniteur à le reconnaître (la biologie restant le seul marqueur indiscutable d’une filiation), et qu’il obtienne gain de cause par jurisprudence ou autre, le choix de l’homme et sa liberté de décision seraient anéantis.
Je ne parle même pas ici de cas de trahison (faire un enfant dans le dos) ou de vénalité si l’homme dispose de quelques moyens financiers, ni de l’aspect « vol de sperme » comme on parlerait de vol d’ovules. Je rappelle aussi que le foetus n’est pas le corps de la mère, il s’y développe et s’en nourrit. Il n’appartient pas à la mère pas plus qu’au père. Ce qui d’ailleurs interroge une fois de plus sur l’avortement et la limite où le foetus acquiert une personnalité juridique.
Ce débat pousse à creuser la notion d’égalité, qui n’est pas naturelle, qui est un choix et donc une interprétation et une possible orientation biaisée du jugement, selon les convictions du tribunal ou la tendance sociale du moment.