De Sabah à Ruby, du scopitone au video-clip légèrement vêtu
La musique moyen-orientale n’a cessé de me fasciner depuis l’époque où, adolescent, je fus confronté pour la première fois au monde étonnant des scopitones. Pour l’ado fauché que j’étais alors, ces restos couscous à 5 francs du quartier latin étaient une véritable aubaine.

D’autres ont connu des situations plus précaires encore. Enfant, il m’arrivait de croiser l’un de ces hommes sortant d’une paillasse jetée sous un buisson sauvage de terrain vague, non loin de la Porte de Bagnolet.
Sur ces scopitones, rien que de la musique libanaise, égyptienne et, le plus souvent, algérienne. Des artistes dont j’ignorais tout, comme la belle Sabah, et des chanteurs comme Salah Sadaoui, Kamel Hamadi ou encore, Dahmane El Harrachi et son fameux Ya rayah, popularisé tardivement par Rachid Taha.
Je fus à l’époque surpris par le côté vaguement suggestif de ces petits clips qui s’attardaient volontiers sur des danseuses aux tenues vaporeuses et aux ondulations de bassin suggestives. Était-ce seulement un effet de la période libertine ?
En tout cas, nos travailleurs de l’ombre les regardaient à la dérobée, comme gênés de se trouver dans un lieu que les dignitaires du bled réprouveraient sans doute.
En matière de clips sensuels, il semble bien que la tradition se maintienne, malgré le courroux montant des barbus.
Tout comme Sabah, née à Beyrouth en 1927, dans un petit village pauvre, Ruby "la moderne" semble issue du même tonneau, à la fois actrice de cinéma et chanteuse à la plastique parfaite et à la réputation plus ou moins sulfureuse, une filiation presque naturelle.
Comme jadis, les garçons rêvent secrètement de leur tenir compagnie - et les jeunes filles voudraient leur ressembler - mais il y en a toujours un pour stigmatiser et vouloir interdire.
Si Sabah (de son vrai nom Janet Gergi Fighali) est libanaise, Ruby elle est Egyptienne. Bien que deux générations les séparent, elles continuent d’incarner l’orient moderne, libre, insouciant et un brin scandaleux.
Dans le monde arabe en proie à la tentation du fondamentalisme, certains, comme les Frères musulmans, tentent de faire interdire la "scandaleuse Ruby", sans succès pour l’heure.
En tout cas, inconscience ou courage, ce petit bout de femme qui fait danser la jeunesse des quartiers huppés du Caire à Beyrouth parvient quand même à trouver quelques défenseurs parmi les religieux les plus fervents.
Et pour cause, cette Ruby paraît somme toute assez empruntée dans un registre que les tigresses délurées qui s’affichent au côté des rappeurs bling bling de Chicago savent parfaitement maîtriser.
Quoi qu’il en soit, ici comme ailleurs, la machine à vendre du rêve continue bel et bien de fonctionner.....
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