Que d’âneries et de fantasmes dans ce condensé de « réflexions ».
1. La dette (= l’argent que l’état demande aux banques) provient de politiques irresponsables qui, pour se faire élire, promettent des merveilles irréalistes à leurs électeurs. Cela s’appelle de la démagogie.
2. Un budget équilibré = on dépense ce que l’on gagne, au plus. Et ce n’est pas parce que l’on s’appelle Etat que l’on a le droit de se placer au dessus de la mêlée.
3. La loi Pompidou a pour but d’obliger l’état à emprunter dans le privé pour éviter la tentation de « faire marcher la planche à billet » = avant on avait besoin d’argent et on demandait à la banque de France de le « créer ». Si 1000 milliards de Francs étaient en circulation, et que l’on en imprimait 1000 milliards alors progressivement le Franc perdait sa valeur jusqu’à 50% théoriquement. Conséquence : la baguette de pain passe à 2F, là où quelques temps plus tôt elle n’en valait qu’1F. De même, 1000F placés sur un livret qui permettaient d’acheter 1000 baguettes, ne pouvaient plus qu’en acheter 500 « post-création » monétaire. Cela s’appelle l’inflation. Dans le système proposé à l’époque, l’idée était d’emprunter de l’argent sur les marchés (à un taux qui équivalait le plus souvent à l’inflation = pas de bénéfice pour la banque, ou peu) et de le rembourser (l’argent emprunté ne restait pas dans la circulation). Ainsi, il n’y avait pas augmentation de la masse monétaire. Ensuite, s’il y a eu intérêt c’est aussi pour faire réfléchir à la meilleure façon de dépenser l’argent : le pognon se jette plus facilement par la fenêtre s’il ne coûte rien, que s’il en coûte.
4. Trouvez vous normal que, de façon chronique depuis 40 ans, on dépense 10% de plus que ce que l’on gagne ? Dans le privé, une telle société fait faillite. Expliqué autrement, vendre de la dette à un état revient à filer de la drogue à un drogué ou de l’alcool à un alcoolique.
5. Cet argent prêté correspond à des économies de quelqu’un (alternativement il est endossé contre un actif de quelqu’un) = si l’argent prêté n’est pas remboursé, l’investisseur perdra sa mise (ou, dans le cas de garanties, l’impayé de remboursement sera pris sur les actifs qui l’ont garanti). Ne pas rembourser la dette, c’est spolier quelqu’un.
6. Pour l’Islande, il serait bon d’aller jusqu’au bout de l’histoire. Oui, le pays n’a pas remboursé sa dette. S’en est suivi un super-plan-drastique de réduction des dépenses de l’état et de libéralisme. Plus personne ne voulant prêter à l’Islande, le pays est retourné à la planche à billet (votre système pré-pompidou). Résultat des courses : une inflation bien largement supérieure à la progression des salaires (+ de 15% / an), une dévaluation de la monnaie et de l’hyper-endettement des ménages (taux d’endettement > 200% = en moyenne la dette d’un islandais dépasse deux fois le montant de son patrimoine). Et bien sûr l’impossibilité d’emprunter de l’argent sur les marchés dans le futur. Et puis c’est un pays de 400.000 habitants. La France est 175 fois plus grande. Il ne faut pas comparer les choux et les carottes, une grande « signature diplomatique » dans le monde et un pays de quelques pékins, sans industrie, qui vivent dans le froid.
Bon après je ne vous demande pas de réfléchir à mes propos. Vous devez être tellement convaincu que vous avez raison et que le « système » est vérolé de vilains banquier qu’il est très incertain que vous changiez d’avis.
Le mode de financement des retraites ne l’est pas.
Promouvoir une politique nataliste pour espérer financer les retraites est aberrant. Le système actuel est incapable d’absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Plus de naissances pour moins d’emploi ne résoudra pas rien. D’autant qu’il faudra former toute cette jeunesse avec des profs et c’est sans garantie qu’ils restent sagement en France après pour payer des impôts.
Et au pire, nous pourrions très bien choisir de faire progresser la population par le recours à l’immigration, que certains pays font déjà, et de manière sélective.
Et puis bon, quand on choisit d’avoir des enfants, on les assume sans compter sur le portefeuille de son voisin.
J’espère ne pas vous choquer mais je pense que nos bon-sens respectifs ne sont pas les mêmes.
En effet, il n’y a aucune raison pour un état de créer de la dette.
C’est tellement vrai que des douzaines d’états dans le monde ont l’équivalent
de la loi tant décriée, mais qu’ils ont pourtant cette capacité de faire des
budgets équilibrés. Et ces budgets équilibrés, ne créant pas de dette,
n’entraînent en rien cette accumulation sur quarante années d’une masse
colossale à devoir pour les trois ou quatre prochaines générations (en
imaginant qu’on puisse vraiment rembourser, ce qui est un doux rêve).
Pour répondre à la première question, ce sont les politiciens qui ont
choisi, clairement, de faire de la dette. Et ils l’ont choisi pour une seule
raison : les électeurs ont trépigné pour. Evidemment, c’est
nettement moins facile de cogner ensuite unilatéralement sur le système
bancaire qui a été pressé d’un côté par l’état et de l’autre par les citoyens
pour aboutir au système qu’on connaît maintenant.
Quant à la seconde question, la réponse est, là encore, très éclairante :
ceux qui ont, massivement, prêté à l’état, ce sont … les citoyens eux-mêmes (de
leur propre pays au départ, du reste du monde progressivement), tant que la
confiance dans l’état et sa monnaie était bonne. Et si ces citoyens l’ont fait,
c’est que ces fameux intérêts (qui remplissent d’effroi les vidéastes et
économistes amateurs) constituaient pour eux … une échappatoire à l’inflation
subie par la création monétaire pas du tout avisée de ces mêmes états.
Autrement dit, les assurances-vie, les fonds de pension ont massivement
utilisé les émissions de dette des états pour obtenir un rendement raisonnable
qui permettait de rémunérer ceux qui prêtaient et de leur éviter, tout
simplement … de perdre de l’argent.
Pour résumer jusqu’ici, nous avons donc un état qui ne se gêne pas pour
excréter de la dette comme un gros pachyderme mou et complaisant parce que ses
citoyens en réclament à qui mieux-mieux, et de l’autre, des intérêts absolument
nécessaire pour assurer que la monnaie fasse un minimum confiance, et qu’elle
ne spolie pas complètement les épargnants.
Mais le pompon, c’est de comprendre que l’Etat a poussé le vice de la
création de dette à son paroxysme en créant de la dette à chaque remboursement
(ce qu’on appelle un roll-over). Ce roll-over peut fonctionner tant que la
croissance est bonne (ce qui veut dire que l’inflation et la création réelle de
richesse aident à gommer le montant des intérêts sur la nouvelle dette
contractée). Evidemment, comme la croissance se réduit au fur et à mesure que
l’état grossit (et pour cause), le montant des intérêts n’est plus gommé et
vient s’empiler.
Là encore, conclure que l’Etat paye maintenant très majoritairement des
intérêts, c’est une erreur grossière : l’Etat paye un credit-revolving qui a
très mal tourné parce que ses revenus n’augmentent pas aussi vite que ses
dettes. Et ses revenus n’augmentent pas assez vite parce que l’épargne a été,
consciencieusement, sabotée pendant toutes ces années, par l’inflation et des
taux d’emprunts artificiellement bas (là encore, demandez-vous qui, au final,
fixe les taux directeurs, si ce n’est … des politiciens).
Autrement dit, l’Etat a absolument tout fait pour que le capitalisme soit
découragé, et il a atteint la « vitesse de libération » lorsqu’il est
clairement intervenu directement dans les banques commerciales les plus joufflues
pour en éviter la faillite : théoriquement, la création monétaire est limitée
par le ratio minimum de réserves, mais dans la pratique, l’existence même du
nouveau paradigme introduit par nos politocards alter-comprenant du Too
Big To Fail a fait sauter cette obligation en un clin d’oeil.
Dès lors, le reste n’est qu’histoire : au fur et à mesure que les problèmes
de dettes se sont faits plus aigus, la capacité de l’état à assurer ses
remboursements s’est érodée, et avec, la confiance dans la monnaie qu’il
utilise. Les notes des agences de notations ne sont qu’une traduction de cette
érosion ; et les taux d’emprunt qui grimpent en flèche en sont une autre. Et le
retrait de plus en plus important des fonds des assurances vie en est une troisième.
De tous ces éléments, il n’est nulle trace dans les discours lénifiants
de nos apprentis monétaristes. Pour eux, le retour à la souveraineté de l’état,
c’est le retour d’un âge d’or (!) largement fantasmé : comment croire que des
politiciens qui nous ont trimbalé de déficits en déficits, de crises en crises,
de bobards en bobards, seraient à même de revenir à une situation saine,
subitement ?
Et conséquemment, ce qui nous pend au nez, à présent, est évident : lorsque
la base de la monnaie étatique, la confiance, s’évapore, la monnaie papier
revient rapidement à sa valeur intrinsèque.
Zéro !
Et encore une fois de conclure que ce pays est vraiment foutu.
Régulièrement, on voit fleurir, dans les commentaires ici ou ailleurs, une
délicieuse référence à la fameuse Loi Giscard-Pompidou de 1973 (ref : Loi n°73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France), qui interdirait
à l’Etat de se financer sans intérêt, et qui serait directement responsable de
son endettement total (ou pas loin). Et régulièrement, on indique en support à
ces assertions les travaux de doctes économistes improvisés et autres vidéos
palpitantes expliquant par le menu pourquoi l’Etat s’est vendu aux marchés et
comment tout ceci est très méchant.
Pour le détail sur cette loi et les graphiques fantaisistes représentant la
part d’intérêts dans les dettes de l’état français, je vous reporte à l’article du
Parisien. L’article y décrit la loi, qui dit en substance :
« Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à
l’escompte de la Banque de France. »
Il
fournit également quelques éléments de réflexions, qui ne semblent pas
effleurer les tenants de la théorie quasi-conspirationniste de l’Etat
vendant
sa monnaie aux intérêts privés : pour ces derniers, avec une telle loi,
l’Etat
a abdiqué sa souveraineté et ne peut plus battre monnaie comme bon lui
semble.
Pire, il doit s’acquitter en plus d’un montant de plus en plus énorme
d’intérêts créés de toute pièce par le méchant système bancaire.
L’une des vidéos en vogue sur le sujet (et que vous trouverez sans
problème) relate correctement le mécanisme de réserve fractionnaire et la
création monétaire par les banques commerciales, sans cependant détailler
pourquoi ce système existe, pourquoi il fonctionne ainsi et quel rôle l’état a
eu pour en arriver exactement à ça. C’est assez dommage, du reste, la
démonstration gagnerait un angle intéressant si ce « petit » détail
n’avait été omis. On y apprendrait par exemple le rôle primordial — démesuré,
même — de l’état dans la façon dont fonctionnent les banques. Le code bancaire,
maquis touffu et particulièrement complexe, est à lui seul la preuve (notamment
par l’accroissement rocambolesque de sa taille pendant les trente dernières
années) que le premier acteur dans le domaine bancaire est et reste l’état,
tout puissant pour décider comment sa monnaie sera utilisée.
A ce sujet, la fumeuse vidéo n’évoque en rien l’aspect totalement
monopolistique de la monnaie étatique : certes, les banques commerciales
produisent une partie de la monnaie scripturale, mais force est de constater
que c’est sous l’œil parfaitement politique des états qui en décident
unilatéralement la dénomination et la force, par une pure politique monétariste.
En effet, avant 1973, la capacité de création monétaire de l’Etat était
limitée par les accords de Bretton Woods, c’est-à-dire par le dollar américain,
lui-même convertible en or. La fameuse loi de 1973 a été mise en place juste
avant l’effondrement du système pour éviter, justement, que nos joyeux
gouvernements n’usent et n’abusent de la planche à billet…
Évidemment, abroger la loi de 1973 ne redonnerait à l’Etat qu’une seule
capacité : celle de faire exploser l’inflation comme bon lui semble, ce qui n’a jamais constitué
une source de richesse. Dévaluer une monnaie (= en diminuer la qualité) n’a
jamais provoqué autre chose, à moyen ou long terme, que la ruine des
épargnants.
Ce que les tenants de la belle théorie exposée dans ces vidéos et dans ces
graphiques ne comprennent pas, c’est que les monnaies fiat qui existent
actuellement ne reposent que sur une unique valeur : la confiance qu’on
leur donne. Lorsque les états ont, progressivement, décidé d’abandonner
ouvertement la possibilité d’imprimer des billets de Monopoly, ils l’ont fait
en échange de la confiance dans leur monnaie.
C’est exactement ce que traduisent les taux d’intérêts des
banques privées lors des emprunts contractés par ces états.
Autrement dit, les états ont décidé de
passer par le marché essentiellement pour augmenter la confiance des prêteurs
dans leur monnaie. Et c’était indispensable : moins une monnaie inspire
confiance, plus l’ensemble de l’économie qui l’utilise peine a générer de la
richesse, chaque échange étant alors entaché d’une prime de risque de plus en
plus grande (ça se traduit par une monnaie faible, fluctuante sur les marchés
des devises, par des taux d’intérêts élevés pour les états et les entreprises,
et par une inflation importante).
L’inflation importante provoque une baisse de l’épargne, baisse qui se
traduit directement par un manque à gagner en capital dans les entreprises. Ce
manque de capital finit tôt ou tard par se traduire par des pertes d’emplois,
des délocalisations, une baisse d’innovations et une fuite des cerveaux. Si
cela vous rappelle quelque chose, c’est normal.
Dans ces vidéos et autres articles, on ne parle du reste jamais de
l’éléphant dans le salon. Pourtant, il fait de joyeuses claquettes et se résume
à deux questions :
a/ qui, exactement, choisit de faire de la dette ?
b/ qui, exactement, prête les sommes dont l’état a besoin ?
Là encore, c’est furieusement dommage de ne pas aborder les réponses à ces
deux questions parce qu’elles éclairent d’un jour limpide ce qui se passe sous
nos petits yeux ébahis.