Monsieur le Président,
Monsieur le Président, j’ai reçu un message par internet de mon ami Ziad Medhouk. Mon ami qui demeure à Gaza. Mon ami poète et brillant enseignant de français. Mon ami sous les bombes, cette fois encore, et encore, et toujours. Mon ami enfermé et sans pays, ailleurs qu’en son cœur.
Monsieur le Président, ce soir j’ai reçu un e-mail de mon ami. Un e-mail terrible, un e-mail horrible. Il me dit que l’immeuble qui jouxte le sien a été soufflé par les bombes. Il me dit que, lui qui ne pleure jamais, pleure aujourd’hui les larmes de son corps. Il me dit que dans cet immeuble de 5 étages qui n’existe plus vivait la famille Dalou. Dans cette immeuble pulvérisé, 12 morts, 12 cadavres, 12 horreurs. Et une montagne de larmes et de souffrances. Et le regard sans âme d’une barbarie méprisante…
Monsieur le Président, vous n’avez pas le temps, je ne vous parlerai pas des blessés, pas des angoisses, pas des deuils impossibles, pas même de tous ces morts. Je vous parlerai des enfants, juste des enfants… Vous aurez bien un tout petit peu de temps, pour des enfants, pour ces obscures enfants entrés dans la mort. Il est important que vous pensiez à eux, eux pour qui il est trop tard. Pour eux vous ne pouvez plus rien. Puis vous pensez aux autres, envers qui vous pouvez tant.
Monsieur le Président, j’ai vu ces enfants, ces enfants sortis des photos, sortis de ce trou et des gravats souvenir de ce qui fut un immeuble de vie. Je vois ce sauveteur, ce voisin, ce parent ( ?) sortant ce petit corps pantelant. Sur une autre photo je vois un brancard, un pauvre brancard tout petit où sont posés collés l’un à l’autre ces corps minuscules, comme endormis, comme se touchant l’un l’autre pour se rassurer, comme pour se dire que ce n’est que la mort.
Monsieur le Président, ne me dites pas que vous ne pouvez rien. Que vous compatissez mais ne pouvez rien.
Monsieur le Président, je dois aussi vous parler de Nathan Blanc. Il a 19 ans et demeurait à Haifa. Il est Israélien. Aujourd’hui il demeure en prison. Nathan n’avait pas connaissance de ce témoignage de Ziad, mais il savait ce qui était en train d’advenir. Nathan a eu le courage de dire non, au prix de la prison.
Monsieur le Président, vous ne pouvez pas abandonner Nathan, ce tout jeune pacifiste israélien, et dans le même mouvement tourner le dos à mes amis israéliens, juifs comme moi, qui ont le courage d’affronter cette folie guerrière. Au nom de mon pays la France, au nom de ce pays qu’ont rejoint mes grands parents avec un énorme espoir de liberté et de dignité vous devez vous engager, clairement, fermement. Monsieur le Président, les pacifistes israéliens attendent de nous, les pacifistes palestiniens attendent de nous. N’abandonnez pas au désespoir Leïla Shahid confrontée au mur colonial.
Après l’horrible opération « Plomb durci » qui avait vu le massacre d’un habitant sur 1.000, 5 sur 1.000 blessés, le « crime de guerre, voire contre l’humanité » avait été évoqué. Et puis rien. Et puis le silence. Et puis pas de Tribunal. Alors, alors ça recommence, cette danse macabre des êtres sans conscience, sans dignité, sans humanité. Monsieur le Président, les silences, les lâchetés, libèrent les bêtes sauvages. Monsieur le Président, le silence est un crime de lâcheté. Simplement appeler à « de la retenue » est un silence, une fuite devant les responsabilités.
Monsieur le Président, vous pouvez tant pour mettre fin à cette horreur. Vous pouvez clamer que la France ne se taira plus, que ça suffit. Vous pouvez affirmer l’engagement de la France pour l’application du Droit International, sans faiblesse, pour que la Palestine entre à l’ONU, pour que les frontières intégrales de 67 soient reconnues et imposées.
Vous pouvez, Monsieur le Président, appeler à la convocation du Tribunal International que ceux qui commettent ces morts répondent de leurs actes.
Monsieur le Président, la paix demande du courage. La paix demande de la détermination. La paix demande du Droit. En vous honorant d’œuvrer pour le Droit vous défendrez la vie, vous porterez la place et l’histoire de notre pays.
Serge Grossvak
Le 19 novembre 2012
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