@ lecteurs/électeurs de VOX
Sauf votre respect, on gagne en clarté à lire la presse écrite sur les déclarations des candidats.
Certains ici attendent très certainement (où le savent-ils déjà !) la parution d’un billet anti-untel pour être en première place des commentaires, et commenter pour commenter en donnant l’impression d’avoir des suffrages positifs.
Exemple : VOLTAIRE sans rien dire arrive en général à 30 voix favorables.
Donc j’ai pris le parti de ne plus commenter mais de relayer des infos point barre.
"Pour dissiper les doutes sur les chances de création et les succès promis d’un gouvernement d’union nationale, le candidat François Bayrou regarde outre-Rhin. Il se réfère à un cas qu’il juge à même d’illustrer la pertinence de son projet gouvernemental : la « grande coalition en Allemagne », cette alliance formée par les deux grands partis de gauche et de droite qui gère le pays depuis novembre 2005. Cette comparaison laisse perplexe. Aujourd’hui, les deux tiers des Allemands ne sont pas satisfaits du travail du gouvernement. La fin anticipée de ce régime exceptionnel (que le pays n’avait connu qu’une fois, entre 1966 et 1969) est désormais évoquée par les hauts responsables des deux partis. La presse parle de « blocage » et d’« années perdues ».
Que dit M. Bayrou sur l’Allemagne ? Il se félicite du « gouvernement d’union », se réfère aux résultats économiques « époustouflants » et en tire une conclusion simple : « Quand on rassemble les forces d’un pays et que l’on prend les décisions qui s’imposent, alors, les résultats suivent. Les Allemands ont adhéré à la démarche proposée par le gouvernement d’Angela Merkel, parce qu’ils ont bien vu que leurs responsables de tous bords avaient décidé, désormais, de se mettre, au moins pour un moment, au service de l’intérêt général du pays et non plus au service des intérêts partisans. » Ce raisonnement contient trois erreurs : un malentendu sur l’origine de la coalition, une illusion sur son fonctionnement, et un contresens sur les raisons des succès économiques récents.
Le gouvernement allemand ne représente pas un « gouvernement d’union », tel qu’il semble être préconisé par M. Bayrou. Son origine est conflictuelle : l’image du mariage forcé serait plus appropriée. Le soir des élections législatives, faute de majorité, les deux grands partis ont dû choisir entre la crise institutionnelle (et le retour forcé devant les électeurs) et le pacte avec l’ennemi. La grande coalition est née d’une méfiance extrême entre les deux partis, donnant lieu à de dures négociations qui aboutissent à la signature d’un contrat détaillé. Plus encore que les contrats de coalition classiques, un contrat de grande coalition vise à limiter le champ d’action du gouvernement et les impulsions du chancelier. Il repose sur le plus petit dénominateur commun des deux grands partis et rend donc quasi impossibles des choix courageux.
Il y a quelques cas au niveau régional où ce type d’alliance fonctionne pendant plusieurs législatures. Mais, au niveau national, la grande coalition reste une anomalie. Les clivages entre la gauche et la droite sur les grands chantiers sont irréductibles. A titre d’exemple, la réforme nécessaire de l’assurance-maladie, projet phare du gouvernement Merkel, vient d’échouer. Ce type de ratage est typique d’une grande coalition à l’allemande. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, celle-ci a tendance à empêcher les « bons compromis » - si fortement ancrés dans la vision française de la politique allemande - à cause de son caractère provisoire et institutionnellement conflictuel. Les deux partis cherchent constamment des options pour quitter le pacte. La grande coalition, c’est la continuation de la politique partisane par d’autres moyens.
C’est aussi un contresens d’attribuer les réussites récentes de l’économie allemande aux vertus de cette coalition, comme le suggère M. Bayrou. Cela revient à insinuer que le pays serait en moins bonne santé économique sous un gouvernement « pur » de gauche ou de droite. Rien n’est moins sûr. S’il convient d’être hésitant quant à la capacité des gouvernements à influencer la croissance à court terme (la grande coalition est en place depuis dix-huit mois), il n’y a, dans le cas présent, aucune réforme susceptible d’expliquer l’accélération de la croissance et de l’emploi en Allemagne. La seule réforme économique véritable mise en place par la grande coalition et déjà en vigueur est la hausse de la TVA.
Les raisons de la reprise allemande sont détachées de la politique actuelle. C’est d’abord la restriction des salaires négociée entre les syndicats et la gouvernement Schröder pendant près d’une décennie qui a permis aux industries allemandes de regagner de la compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents. Il y a aussi un effet de rattrapage après plusieurs années de faible croissance allemande. Il y a enfin un effet structurel d’accélération de la croissance en Allemagne de l’Est.
Quant au déficit budgétaire, variable clef utilisée par M. Bayrou pour chanter l’éloge du miracle allemand, il a baissé grâce à la reprise de l’économie allemande. La politique active de réduction du déficit est restée limitée à la hausse de la TVA déjà évoquée. Mais cette hausse semblait déjà acquise avant les élections législatives : le camp conservateur avait fait campagne sur la nécessité de l’augmenter.
Essayer de convaincre les électeurs français qu’un gouvernement d’union nationale à la française pourrait réussir de la même manière que la grande coalition « réussit » en Allemagne est un non-sens. S’il ne s’agit point de remettre en cause le programme du candidat ou son éligibilité, soumettre à la critique son admiration pour la grande coalition allemande paraît plus qu’opportun. Vue d’Allemagne, elle apparaît comme une idolâtrie injustifiée.
HENRIK ENDERLEIN est professeur d’économie politique à la Hertie School of Governance de Berlin.
Article paru sur LES ECHOS du 11/04/07.
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