Nous ne sommes que des « intersections » de nos sociétés !
cf "Science et bon sens de J. Robert Oppenheimer : ( Gallimard - 1955 )
"
« ...
Si,
comme je le crois, on s’abuse aujourd’hui, c’est en espérant
trop de connaissances de l’individu et trop de synthèse de la
société.
On a tendance à imaginer que les sociétés, aussi
bien que l’humanité tout entière, sont composées
d’individus, comme un atome de ses constituants. On pense de même
que les lois générales et les grandes idées sont
formées des exemples qui les illustrent et dont nous les avons
déduites.
Or, c’est bien autre chose. L’événement
isolé, l’acte, va bien au-delà de la loi
générale. C’est en quelque sorte la rencontre d’un grand
nombre de celles-ci, et qui les accorde en un unique exemple comme
elles ne peuvent l’être sur le plan général.
Nous-mêmes ne sommes pas seulement les constituants de nos
sociétés, mais leur intersection, et nous créons
entre elles une harmonie qui n’existe qu’autant que les individus
peuvent l’engendrer et la révéler. Nos pensées,
nos actions, nos jugements du beau, du juste et de l’injuste, doivent
tant à nos semblables que si nous éliminions tout cela le
reste ne serait ni reconnaissable ni humain. Nous sommes des hommes
parce que nous sommes membres de sociétés, mais pas
uniquement en cette qualité ; d’autre part, vouloir comprendre
l’humanité simplement en partant de l’individu donnerait un
résultat aussi peu vraisemblable que de vouloir
considérer les lois générales comme un
résumé de cas particuliers. Ce sont, au vrai, deux
conceptions complémentaires, qui ne sont pas plus
réductibles l’une à l’autre que l’électron
considéré comme une onde à l’électron
considéré comme un corpuscule. ...