Les deux millions de morts que vous évoquez sont probablement ceux de la guerre civile entre le régime soudanais et la rébellion sudiste, entre 1983 et 2005. Au Darfour, l’ONU et les ONG s’accordent sur le chiffre, évidemment terrifiant, de 200 000 morts (dont les deux tiers sont dus à la malnutrition) et deux millions de dépacés. Qu’on qualifie cette tragédie de génocide, ou pas, n’enlève rien aux horreurs subies par la population et aux responsabilités crimininelles de Khartoum. Mais cette qualification n’a jamais été retenue par l’ONU, qui a pourtant dépêché sur place de multiples commissions d’enquête. Aujourd’hui, seule l’administration Bush s’obstine à parler de génocide à propos d’un conflit qui a fait deux fois moins de victimes que l’occupation militaire de l’Irak. Bernard Kouchner, qui disait le contraire jusqu’à sa nomination, a rappelé récemment que la France s’y refusait elle aussi. Peut-être parce qu’il n’y a pas de génocide au Darfour, mais une effroyable guerre civile entre une douzaine de factions rebelles, le gouvernement soudanais et les milices janjawids, sans parler des bandes de pillards que personne ne contrôle.