Je partage ce rêve... sans trop y croire, à dire vrai. Du moins pour le moment. Il pourrait se réaliser, à mon sens, au sortir d’une crise majeure, j’entends par là cette sorte de cataclysme humain, de l’ordre de la guerre, de l’insurrection, de la lutte armée fratricide, dont on ne saura se relever qu’au prix du deuil des illusions collectives les mieux enracinées. Je ne suis pas franchement belliciste (ma lucidité justifie l’emploi du « franchement »), mais je pense que nous en sommes là où nous en sommes par une sorte d’excès d’aisance, de surabondance de confort, d’obsession forcenée de l’utilitarisme, toutes choses qui invitent à cette espèce d’individualisme mesquin et soucieux de son petit confort qui caractérise nombre de nos contemporains, là où votre rêve, le nôtre, en appelle plutôt à un état de participation (individualisme versus individuation).
Je crois à la notion d’Oeuvre (opera), transcendant celle du travail ordinaire, la première grandissant qui s’y livre, la seconde avilissant qui s’y prête en prétendant l’émanciper. Mais reconnaissez qu’au regard de ce que nous pouvons observer des penchants de l’humanité telle que nous la côtoyons, nous sommes là dans la légende, ou le doux rêve. Mais c’est tant mieux. Il est temps pour chacun de se réapproprier l’Utopie, trop longtemps écrite par quelques-uns pour être jetée en pature à tous les autres.