La dénonciation de la manipulation des peurs que vous faites est justifiée. Le procès d’intention l’est moins, malgré la critique agréable que vous faites d’une certaine forme d’écologie pour qui le principal problème d’une Nature Vierge et Pure, c’est l’Homme.
Il faut quand même insister sur le fait que les principaux signaux d’alerte qui ont fait naître la conscience écologique moderne - l’un de vos commentateurs cite N. Georgescu-Roegen - ont été lancés par des scientifiques, et continuent de l’être. La peur, le millénarisme... viennent après.
Ensuite, il faut séparer la science de la technique : autant la progression des savoirs est souhaitable, autant faire tout ce qu’il est possible de faire ne va pas de soi à l’ère de la bombe atomique et autres joyeusetés. Les principales critiques de l’écologie sont dirigées contre la techno-science, ce qui n’est pas la même chose.
Ou avez-vous vu, lu ou entendu que José Bové aurait dit que « la terre ne ment pas » ? Les mots sont importants ; autant il est fréquent de trouver ce genre d’affabulations dans la bouche d’un citadin qui idéalise la nature, autant c’est rare chez un paysan qui doit se bagarrer avec elle du matin au soir. À moins qu’il ne veuille dire qu’elle a toujours le dernier mot, ce qui est hélas vrai. Ou que J. Bové ait effectivement dit n’importe quoi, ce qui peut aussi arriver ; mais un truc aussi énorme, j’ai du mal à le croire.
La « protection » de la nature court le risque de tourner à la muséification, c’est en effet à dénoncer vigoureusement car ce n’est pas nous rendre service. La nature, comme vous le dites, c’est du mouvement, pas des cages.
L’homme n’est pas une espèce comme une autre, pour une raison au moins : le langage qu’il a créé lui permet d’évoluer à un rythme culturel là où le reste de la biosphère continue d’évoluer à un rythme phylogénétique. Ce n’est pas du tout la même chose (ce qui ne veut pas dire que l’homme n’est pas un animal, soyons clair).
Pour terminer, la biodiversité est importante pour nous tant qu’elle peut contenir une complexité suffisante pour subvenir à nos besoins, le problème n’est pas que nous l’entamions mais le rythme auquel nous faisons cela.
Il n’y a aucun souci à se faire pour la vie sur terre, elle en a vu bien d’autres. Pour ce qui nous concerne, utiliser le chantage à l’apocalypse pour vendre des indulgences (en l’occurrence les compensations d’émission carbone que vous achèterez pour vous soulager la conscience lors de votre prochain voyage en avion) est plus risible qu’autre chose, et en même temps tristement révélateur de l’incapacité à comprendre l’échelle de ce qu’il faudrait faire pour se donner une chance de réussir à habiter « avec » l’espace naturel...
W. Nepigo