Monsieur,
Je viens de lire votre lettre ouverte à Mme Dati et j’en reste pantois.
Ah, le style est admirable et la tournure onctueuse comme une crème à la texture savamment travaillée pour cacher juste le goût du fiel derrière les mots !. Le message qui transparaît est d’une tout autre saveur : Madame la ministre, il y a certainement des réformes à faire mais laissez ceci aux gens sérieux ; profitez des paillettes mais ne nous associez pas à cette vulgarité, nous les gens respectables qui oeuvrons dans l’ombre. Quelle honte pour notre Famille que de vous voir vous abaisser à aller vous exposer à la populace chez M. Drucker.
Nous ne voulons pas être associés à un quelconque débat publique et voulons régler nos affaires entre nous. C’est ce que vous appelez l’Indépendance de la Justice et ce que j’appelle l’intouchabilité des magistrats. A force de juger vous en êtes arrivés à vous penser omniscients, irréprochables et d’une supériorité sur le vulgum pecus à nulle autre pareille.
La vérité est tout autre et l’image de la Justice par les français est certainement très loin de ce que vous imaginez. C’est devenu un « machin » auquel il faut surtout éviter de faire appel (sans jeu de mot) car votre sort s’y perd dans le fouillis des textes plusieurs fois centenaires et dont seuls les spécialistes que vous êtes peuvent démêler l’écheveau. C’est que tout est soigneusement fait justement pour que cela dure et que cela coûte. Il faut bien faire vivre la grande famille. Et dans cette famille, si l’on pouvait, on aimerait bien que les nominations se fassent pas cooptation : on serait ainsi sûrs d’être entre gens de bonne compagnie !
Alors Madame la Ministre, j’espère que vous résisterez et que vous saurez mettre le coup de pied dans la fourmilière qui s’impose pour transformer ce « machin » en une institution qui revienne à sa fonction première : rendre la justice de façon efficace et rapide.