avez-vous lu, paul, le au fond des ténèbres de gitta sereny ?
c’est un recueil des interviews qu’elle a menées avec franz stangl, ancien commandant du camp de treblinka.
gitta sereny ne veut pas se résigner à ne pas comprendre pourquoi, ou comment, l’inhumain est incompréhensible. Elle est donc allée regarder au coeur du mal absolu, au coeur des ténèbres, sans tenir aucun compte de ses vertiges ni de ses nausées.
elle le fait sans la plus petite concession avec une humanité, une rigueur, une pudeur, un tact, un respect, un calme, une exigence, une précision et une noblesse proprement hallucinants.
et savez-vous ce qu’elle a trouvé ?
rien.
rien, paul, tout simplement. Rien qu’un être inhumain à en hurler, qui parle, qui vous regarde, qui répond calmement, qui décrit, qui circonstancie, et rien d’autre, et voilà, et c’est tout. Un monstre absolu qui ne vous défie même pas. Entre vous et lui, le hurlement est muet.
ce n’est même pas la vitre qui sépare du clinique ; au fond des ténèbres, il n’y a rien.
et ne tombons pas dans les leurres ; ceux qui condamnent un prof pour une gifle, les proviseurs ou gens de rectorat dont vous parlez souvent, trônent entre ubu roi et le grotesque enflé du carnaval de nice.
le petit juge, lui, ce serait plutôt hannibal lecter assis sur un gros code pénal beaucoup trop lourd pour lui : qu’est-il, ce pauvre garçon ...
son insignifiance, elle, est à vous faire penser que dieu est mort.
[gitta sereny, au fond des ténèbres. Un bourreau parle : franz stangl, commandant de treblinka (denoël editeur, 2007)]