S’Miles est utilisé aussi sur la carte de réduction de Casino Cafétéria... Il y a une floppée de marques et de services qui croient ainsi se distinguer en suivant le troupeau.
Personnellement, quand j’achète une bouteille de vin, l’une des premières choses que je regarde, c’est l’inscription de la provenance. Si c’est « Produit de France », pas de problème. Si c’est « Product (ou Produce) of France », ça signifie que l’on se moque du client, donc ça reste au rayon. Non point par chauvinisme (ça ne me gênerait pas d’acheter un vin anglais — mais oui, il en existe !) avec l’inscription « Product of England » ou italien ou espagnol, etc. avec inscription dans ces langues.
L’inscription « Product of France » signifie que l’acheteur est pris pour un demeuré, même s’il est anglophile ou natif anglophone, car le mot « produit » peut-être compris par des locuteurs de langues assez diverses ou répandues :
latin : productus (qui a été produit)
italien : produzione
espagnol : producto
portugais : produto
roumain : produs
allemand, danois, néerlandais, suédois : produkt
russe (transcription latine) : produkt
on trouve aussi des mots dérivés dans le sens de productif :
en tchèque dans produktivni, en slovaque dans produktívni et en hongrois dans produktiv sans compter l’espéranto produkt qui offre le plus grand choix de dérivés : produkto (produit), produkta (forme adjective), produkti (produire), produktiva (productif), produktema (productif, prolifique), neproduktiva (improductif), produktado (production) subproduktado (sous-production), superproduktado, troproduktado (surproduction), kunproduktado (coproduction), etc... D’autres lecteurs pourront peut-être signaler la même racine dans d’autres langues.
Ce que je remarque aussi, c’est que de plus en plus de notices d’appareils ou de produits sont uniquement en anglais, or, la garantie ne fonctionne généralement pas en cas d’erreur de manipulation. Mais comment éviter des erreurs si l’on ne comprend pas la notice ou si on la comprend mal ? Bon nombre de personnes qui affirment bien connaître l’anglais se sentent nettement moins sûres face à des notices techniques. A noter qu’un recours auprès de la Répression des Fraudes est possible contre de telles pratiques par le biais de l’association Le Droit de Comprendre (DDC), 34 bis rue de Picpus - 75014 Paris
La question est en fait autrement plus grave. D’un côté il y a l’inconscience quasi totale des gens, de l’autre la volonté de formater la pensée des habitants de la planète. David Rothkopf, un ancien conseiller de l’administration Clinton, a été suffisamment clair à ce sujet :
« It is in the general interest of the United States to encourage the development of a world in which the fault lines separating nations are bridged by shared interests. And it is in the economic and political interests of the United States to ensure that if the world is moving toward a common language, it be English ; that if the world is moving toward common telecommunications, safety, and quality standards, they be American ; that if the world is becoming linked by television, radio, and music, the programming be American ; and that if common values are being developed, they be values with which Americans are comfortable. » (« In Praise of Cultural Imperialism ? », Foreign Policy, Number 107, Summer 1997, pp. 38-53)
(il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais ; que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de télécommunications, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines ; que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les Américains se sentent à l’aise.« ( »In Praise of Cultural Imperialism ?" )
Sommes-nous vraiment incapables de faire preuve d’imagination plutôt que de suivre un modèle que certains veulent imposer au monde pour des raisons évidentes ? Au-delà d’apparences anodines, voir cet extrait du Rapport Grin sur L’enseignement des langues étrangères comme politique publique qui mérite réflexion :
"L’hégémonie linguistique (...) en faveur de l’anglais serait une fort mauvaise affaire pour la France ainsi que pour tous les États non-anglophones de l’Union européenne, voire au-delà des frontières de l’Union. Pourquoi ? Parce que cette formule donne lieu à une redistribution des plus inéquitables, à travers cinq canaux qui sont les suivants :
1) une position de quasi-monopole sur les marchés de la traduction et de l’interprétation vers l’anglais, de la rédaction de textes en anglais, de la production de matériel pédagogique pour l’enseignement de l’anglais et de l’enseignement de cette langue ;
2) l’économie de temps et d’argent dans la communication internationale, les locuteurs non-natifs faisant tous l’effort de s’exprimer en anglais et acceptant des messages émis dans cette langue ;
3) l’économie de temps et d’argent pour les anglophones, grâce au fait qu’ils ne font plus guère l’effort d’apprendre d’autres langues ;
4) le rendement de l’investissement, dans d’autres formes de capital humain, des ressources que les anglophones n’ont plus besoin d’investir dans l’apprentissage des langues étrangères ;
5) la position dominante des anglophones dans toute situation de négociation, de concurrence ou de conflit se déroulant en anglais.
L’existence même de ces effets distributifs est peu connue ; il faut dire que les travaux qui les signalent (certains effets sont déjà mentionnés, en français, depuis longtemps déjà ; voir par ex. Carr, 1985) sont restés relativement confidentiels. À ce jour, ils n’ont pas fait l’objet d’évaluation détaillée (Grin, 2004a) ; mais les estimations préalables effectuées dans le chapitre 6 indiquent que ces montants se chiffrent en milliards d’Euros annuellement. Dans tout autre domaine de la politique publique, de tels transferts seraient immédiatement dénoncés comme inacceptables."
(p. 65-66 ; à télécharger en pdf (127 pages) ; sélection d’extraits sur 2 pages)
Autre lecture à signaler : « La mise en place des monopoles du savoir » (Charles Durand, chez L’Harmattan) ou des ouvrages du prof. Robert Philipson, un ancien du British Council : « Linguistic Imperialism » (Oxford University Press, 1992) ou « English-Only Europe ? Chalenging Language Policy » (Routledge, Londres, 2003)...
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