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Scipion (---.---.209.117) 5 mars 2006 16:36

J’avoue ne pas comprendre grand-chose à ces considérations. Elles volent certainement beaucoup trop haut pour moi...

Il est question de « pluralité des sources » et de « pluralité des opinions » mais, concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’avant de publier quelque chose, le journaliste est censé s’« abreuver » à différentes sources et à recueillir l’avis de gens professant des opinions différentes ?

Pour peu que l’on connaisse les conditions de travail dans les rédactions et les contraintes de délais à respecter, on se rend compte qu’une telle revendication est totalement irréaliste...

Maintenant, reprenons l’exemple cité par Edgar Morin, « l’affaire récente de la jeune femme qui s’est dite agressée dans un train de banlieue par des loubards antisémites. »

Que peut donc faire le rédacteur en chef qui reçoit cette information ? Il doit d’abord décider d’en parler ou pas. S’il choisit de ne pas en parler, en cas de confirmation ultérieure, on l’accusera d’avoir tenté d’étouffer l’affaire...

S’il décide d’en parler, auprès de qui doit-il vérifier la véracité des faits ? Auprès de gens qui diront n’avoir rien vu, ou très approximativement, ne pas avoir bien entendu ou de gens qui seront totalement catégoriques..., en se trompant de bonne foi ?

Auprès de sources « officielles » qui, très vraisemblablement, se couvriront en disant ne vouloir livrer aucun commentaire, ni confirmation, ni infirmation, jusqu’à plus ample informé ?

Or, le journaliste est quelqu’un qui doit parler tout de suite de choses qui intéressent les gens tout de suite... Peut-on imaginer un média dans lequel 80 % des informations se rapporteraient à des faits survenus entre 48 heures et une semaine plus tôt ?

Pourquoi pas ? demanderont peut-être les intégristes des grandes théories, mais le consommateur moyen d’informations, n’en a rien à faire des grandes théories. Et dès qu’on prétend différer la publication d’une nouvelle, il a le sentiment qu’on a voulu lui cacher quelque chose !

C’est à partir de là qu’on doit commencer à parler de pluralité des sources, de pluralité des opinions et de vérifications, pour constater que c’est loin d’être aussi simple à mettre en oeuvre qu’il y paraît. Pour ne pas dire impossible...

Et il faudrait encore prendre en compte le facteur humain. Le journaliste est un individu qui a des convictions politiques, c’est-à-dire qui donne, a priori, tort ou raison, aux gens dont il parle. Cette propension le conduit fréquemment à chercher, sur le terrain, non à s’informer, comme on le penserait, mais à confirmer ses a priori.

Je ne connais pas d’exemple d’un journaliste qui soit revenu de quelque part sur la planète, en avouant : « Je me suis trompé et j’ai trompémes lecteurs. J’en suis désolé. »

Jean Lacouture et Olivier Todd ont, a posteriori, reconnu qu’ils avaient été intoxiqués par les Nord-Vietnamiens, mais il est évident qu’aujourd’hui encore, on rencontre des tas de gens qui se sont faits une opinion définitive sur la guerre du Vietnam, ses réalités et ses enjeux, à partir des papiers de Todd et de Lacouture.

Dont la crédulité reposait pour une large part sur des a priori idéologiques, acquis aux soi-disants résistants vietcongs, qui étaient les marionnettes de l’expansionnisme communiste nord-vietnamien, visant à accaparer les riches agricoles de la Cochinchine.


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