Battisti : une bien étrange cause pour la gauche

Fallait-il répondre à « ça »... Oui, fallait-il répondre -encore- à ce genre de prose dégoulinante de haine gratuite, de bêtise au front de taureau et de malhonnêteté abyssale ?

Répondre quoi ?

Que le fait qu’un condamné ait toujours nié les faits qui lui sont reprochés ne fait bien évidemment pas de lui un innocent ? Qu’il n’y a pas d’argument plus ridicule que celui-là, si ce n’est à considérer qu’il n’y a jamais de coupables ?

Que la justice italienne, décrétée comme étant « corrompue » est la justice d’un état de Droit, d’une démocratie, d’un pays ami, membre historique de l’Union Européenne ? Que les jugements concernant Battisti ont été validés par la justice française, la justice européenne, la Convention européenne sur l’assistance judiciaire en matière pénale, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’USM (syndicat majoritaire de la magistrature française... De gauche) ? Que le procès par contumace italien a été reconnu parfaitement légal par la Cour juridique de Strasbourg, étant donné que la défense y était normalement représentée ?

Que tous les partis politiques italiens, de gauche comme de droite, se réjouissent de l’arrestation de Cesare Battisti et réclament son extradition (tous de droite et pour Sarkozy) ?

Que Battisti a été condamné en Italie entre 1990 et 1993 par trois Cours d’Assises ordinaires se réclamant d’une juridiction ordinaire, lorsque les crimes terroristes sont jugés en cette France donneuse de leçons par une juridiction spéciale composée uniquement de juges, et en l’absence de jury populaire ?

Que le contenu des arrêts des cours d’assise italiennes qui ont jugé Battisti Cesare coupable de quatre meurtres ont analysé et défini les différents degrés de son implication, directe pour le gardien de prison Antonio Santoro, à Udine, le 6 juin 1978, et pour celui de l’agent de police Andrea Campagna, à Milan, le 19 avril 1979. Coupable de concours en homicide pour le meurtre du boucher Lino Sabbadin à Mestre, le 16 février 1979 (il couvrait, armé, le tueur Diego Giacomini). Coupable d’avoir organisé le meurtre du bijoutier Pier Luigi Torreggiani à Milan, tué lui aussi le 16 février 1979... Deux meurtres exécutés le même jour par les PAC (Prolétaires armés pour le communisme dont Cesare Battisti était l’un des principaux leaders), meurtres revendiqués par les PAC comme « exemples de justice prolétaire » -sic- contre deux simples commerçants coupables d’avoir tiré pour se défendre sur les braqueurs armés de ces mêmes PAC ?

Rappeler le déroulement judiciaire tout à fait normal des trois procès (Cour d’Assises, Cour d’Appel d’Assises, puis de nouveau Cour d’Assises) dont a fait l’objet Cesare Battisti ? Rappeler son recours en Cassation avant le dernier procès aux Assises qui, le 31 mars 1993, a prononcé l’arrêt de sa condamnation définitive à la prison à vie ?

Rappeler que sa condamnation « par contumace » fut la conséquence de son évasion spectaculaire, armes à la main, le 4 octobre 1981, de la prison de Frosinone, lorsqu’un commando des COLP (Communistes organisés pour la libération prolétaire) avait pénétré dans la prison, libérant par la même occasion un chef camorriste ?

Rappeler le pourquoi de la différence avec le procès par contumace français qui contrairement au procès par contumace italien se tient chez nous en l’absence des avocats de la défense et justifie donc pleinement que l’inculpé puisse être de nouveau jugé en France ?

Que les aveux d’un repenti sont nécessairement vérifiés pour qu’ils se transforment en preuve devant une cour ? Que d’autres preuves et d’autres témoins à charge ont évidemment fondé la décision des juges italiens ?

Que le recours aux repentis existe aussi en France et partout dans le monde pour les crimes dus au terrorisme ou au crime organisé ? Que c’est même un des plus sûrs et de plus efficaces moyens qui permet de lutter contre ces fléaux ?

Que c’est grâce à un témoignage d’une repentie (Frédérique Germain) que la France a pu démanteler Action Directe et faire condamner ses membres coupables eux aussi de crimes de sang ?

Que c’est bien le recours aux témoignages de repentis qui a permis à l’Italie de sortir enfin de la sinistre période des « années de plomb » ?

Qu’il suffit de relire Raymond Aron ou encore Camus, puis de relire les écrits politiques de Sartre -par exemple- pour savoir qui, en ces années d’affrontement partisan particulièrement violent, s’est comporté comme une crapule partisane ? Mais je doute que vous ayez jamais lu Aron, qui n’a lui jamais justifié une ignominie au nom de je ne sais quelle cause forcément juste, ni jeté l’anathème sur quiconque ne pensait pas comme lui. Peut-on en dire autant des intellectuels « de gauche » ?

Que la « parole donnée » en 1985 par François Mitterrand concernant les activistes italiens excluait très explicitement tous ceux qui se seraient rendus coupables de crimes de sang ?

Que le « sens de l’honneur » que vous revendiquez implique selon moi bien plus que l’on ne tue pas dans la rue, d’une balle dans le dos ou dans la tête, des citoyens qui ne pensent pas « comme il faut », plutôt que l’on refuse de livrer un criminel à la justice d’un état démocratique comme l’Italie ?

Que le réflexe pavlovien qui consiste à classer comme étant forcément « de droite » toute personne qui ne pense pas comme vous est consternant de bêtise ? A quoi bon, puisque vous l’avez décidé, je suis « de droite », et sans doute crypto-sarkoziste par-dessus le marché ? A quoi bon vous dire que vous avez tout faux ?

Qu’évoquer « la force, l’injure, le mépris et les menaces » du Ministre de l’Intérieur est savoureux de la part de quelqu’un qui défend un individu, Battisti, qui lui n’a fait qu’assassiner « pour de vrai » ?

Qu’en bref, vous avez tout faux, sur tout... Soit je l’ai dit en préambule, par ignorance, soit par bêtise, soit par malhonnêteté... Je ne sais quelle option est la bonne, mais qui donc est « arque bouté sur ses certitudes nourries de contre-vérités » ?

La réponse précédente était bien entendu destinée à KAMIZOLE.

Mon cher Olivier,

Vous avez bien entendu le droit le plus absolu de ne pas partager mon point de vue dans cette affaire, et c’est tout l’intérêt de ce site !

J’eus aimé toutefois avant de vous voir me taxer de haine et de « parti-pris très affirmé » c’est-à-dire n’ayons pas peur des mots, de malhonnêteté, j’eus aimé donc que vous prissiez la peine de lire non seulement mon article mais aussi mes précédentes réponses à des attaques semblables à la votre, ce qui vous aurait peut-être permis de mesurer un peu plus vos propos et de mieux ajuster vos piques.

Permettez-moi donc de vous répondre :

J’ai très souvent eu l’occasion de vous lire sur Agoravox... Vous avez constamment fait preuve, dans vos interventions, de convictions et d’opinions très fermes et affirmées sans ambiguité. Je ne vous en fait nullement reproche, bien au contraire, mais je trouve par conséquent assez savoureux de vous voir, vous, me qualifier de « parti-pris très affirmé »... Vous connaissez sans doute la maxime sur l’hôpital et la charité, ou sur la paille et la poutre ?

Vous m’affirmez « haineux »... Je récuse totalement ce mot. Je ne suis pas haineux, je suis TRES en colère. Très en colère quand je vois la complaisance pour moi totalement incompréhensible et même carrément obscène dont fait preuve toute une partie de l’intelligentsia française pour Cesare Battisti. Cette intelligentsia qui sait être -à juste titre- très sévère avec les salopards violents d’extrême-droite et tragiquement bienveillante avec ceux d’extrême-gauche, surtout quand ils sont écrivains. De la colère au dégoût, il n’y a que peu de chemin à faire. Je l’ai fait, et j’assume totalement le ton pamphlétaire de mon article. Il ne retire rien à la réalité des faits évoqués.

Vous précisez ensuite, et comme si cela avait vocation à être une élément à décharge, « que le paraplégique dont il est question à deux reprises a été touché par une balle tirée par feu son père, et pas par l’assassin », et vous demandez si je le sait. Rassurez-vous, l’ « auteur » sait.

Mais quel est le rapport ? Césare Battisti n’a pas été condamné pour avoir rendu paraplégique ce jeune homme ! Il a été condamné pour deux meurtres et pour complicité et planification de deux autres meurtres, dont celui du père de l’homme que vous évoquez. Donc je le répète, en quoi cela serait-il une circonstance atténuante ?

Mais permettez-moi de m’interroger, et non sans un certain malaise, pour ne pas écrire un malaise certain : au fond, que voulez-vous dire en mettant en avant ce détail de cette tragique affaire ?

Voulez-vous dire que le véritable responsable, le vrai coupable dans la tragédie qui a cloué cet homme dans une chaise roulante, c’est son propre père, parce qu’il a eu l’outrecuidance d’essayer de se défendre ? Pincez-moi, je rêve ! Si un jour, au volant de votre voiture, et voyant venir un chauffard ivre à contresens sur l’autoroute, vous braquez dans le fossé, et que dans l’accident qui s’ensuit, votre fils devient paraplégique, direz-vous que c’est vous le vrai responsable de cette tragédie ? Permettez-moi donc de trouver votre remarque totalement absurde et même carrément déplacée.

Concernant le recours aux repentis... Si vous aviez daigné lire mes différentes réponses à d’autres attaques sur ce point, vous auriez déjà ma réponse à votre affirmation sur la validité de ces témoignages de repentis. Je redis donc ici que dans tous les pays du monde, et dans les affaires qui touchent au terrorisme, qu’il soit religieux, d’extrême-droite ou de d’extrême-gauche, comme dans les affaires concernant le crime organisé, la quasi-totalité des avancées et des succès obtenus pour lutter contre ces fléaux l’a été grâce au recours aux témoignages de repentis. Se passer de cette technique de lutte, c’est accepter un taux d’élucidation de ces affaires totalement dérisoire. Alors, faut-il s’en passer ?

Mais ce que vous insinuez par la même occasion est particulièrement grave : prétendez-vous sérieusement que la justice italienne se contente d’enregistrer purement et simplement comme évidence de preuve un témoignage sorti d’un chapeau contre une remise de peine, sans rien vérifier, sans procéder à des recoupements ou contrôles d’emplois du temps des gens concernés ? Soyons sérieux ! La justice italienne a maintes fois prouvé son indépendance, son sérieux, et hélas, très nombreux sont ses magistrats qui ont payé de leur vie leur courage opiniâtre face au terrorisme et au crime organisé durant les dernières décennies. Les prenez-vous pour des incompétents, lorsqu’ils jugent un témoignage recevable après en avoir examiné les tenants et les aboutissants ?

Pensez-vous pour finir que vous avez raison, vous, et quelques autres, contre toutes les instances judiciaires -italiennes, françaises et européennes- qui ont validé ces procès et affirmé le bien fondé juridique de toutes ces procédures, déboutant Battisti de toutes ses interjections en appel, en Italie, en France et auprès de la Cour Européenne ? Vous savez-donc, vous et ces quelques autres, quand toutes les autorités au fait du dossier se trompent ?

Vous avez décidemment raison parce que vous l’avez décidé, et toute l’Italie a tord ? Toute l’Italie fait partie du complot ?

Permettez-moi de considérer qu’en matière de parti-pris... Sans haine aucune...

@ Kamizole

vous écrivez :

« Dans sa diatribe l’auteur oublie un fait pourtant juridiquement établi, à savoir que, comme le souligne quelqu’un, le 29 mai 1991 la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris a rejeté (par deux arrêts) la demande d’extradition de Battisti, estimant que les lois adoptées en Italie lors des années de plomb »allaient à l’encontre de la conception française du droit« ... Ayant la chance d’être juriste de formation, je sais qu’une fois une affaire définitivement jugée (et c’est le cas d’un arrêt appel si une des parties ou le ministère public ne se pourvoit pas en cassation) il n’est pas possible de juger une autre fois les mêmes faits (sauf »éléments nouveaux" ce qui n’est pas le cas en l’espèce).

Vous avez beau être juriste de formation et critiquer mes propos, vous semblez ne pas savoir lire ni être au fait de cette affaire !

Pas de fait nouveau depuis les arrêts de mai 91 ? Non, pas le moindre fait nouveau, si ce n’est 3 procès d’Assises conclus en 1993 avec condamnation à perpétuité pour 4 meurtres dont deux directement imputés à Battisti, comme je le précisais dans mon article... Comme absence de fait nouveau, vous faites très fort !

Vous préférez faire confiance à Fred Vargas plutôt qu’à la « prétendue » justice italienne... Ajoutez-y donc la justice française et la justice européenne pour faire bonne figure, puisque ces deux autorités judiciaires ont donc validé les procédures italiennes. Bien sûr, Fred Vargas, c’est beaucoup plus sérieux !

Mieux vaut en rire !

Olivier,

Dans la même phrase, vous reconnaissez que le fait que la balle qui a rendu cet homme -alors enfant- paraplégique n’ait pas été tiré par l’assassin n’est pas une circonstance atténuante, puis vous dites que ma citation de la paraplégie de celui-ci sert à aggraver l’horreur du crime attribué à Battisti ! Il faudrait savoir ! Pas atténuante, mais aggravante ? On dirait du Edith Cresson... « Responsable mais pas coupable »...

Je « n’avoue » pas comme vous dites connaître ce détail. Je le dis. Et il n’est pas mentionné dans le texte initial parce qu’il ne change rigoureusement rien au problème, tout simplement ! La paraplégie de cet homme est bien une conséquence directe de l’assassinat de son père.

Quand aux informations vitales que « j’occulte » comme vous dites, citez les donc, au lieu de faire des accusations gratuites ! Etayez vos accusations !

Mais c’est bien vous qui ne connaissez pas ce dossier, car vous sauriez que Battisti a été également condamné à 12 ans de prison pour « participation à bande armée », « recel d’armes » et « hold-ups ». Concernant les assassinats, il n’a pas été condamné que sur un témoignage de repenti comme le prétend la légende, mais aussi sur les dépositions de témoins visuels de l’un de ces assassinats. Lisez les déclarations d’Armando Spataro, procureur adjoint de Milan qui a instruit le dossier !

Quand à votre grande leçon d’honnêteté journalistique :

« On a le droit de prendre parti, mais pas en ne livrant qu’une version ne mentionnant même pas les informations contraires à votre thèse. »

J’y adhère bien volontiers ! Mais relisez donc mon article ! Je cite des arguments de la défense de Battisti, que je récuse ensuite parce qu’ils ne tiennent pas la route ! Quelles « informations » pouvez-vous avancer qui seraient contraires à ce que vous appelez « ma thèse » et qui n’est qu’un compte rendu des faits ?

Et puis, tout de même ! Charité bien ordonnée commence par soi-même, mon cher ! Il n’est besoin que de lire -par exemple- vos très nombreux articles sur Nicolas Sarkozy (qui n’est pas mon idéal politique, loin de là) pour constater que vous vous gardez bien d’appliquer à vous-même la déontologie que vous jugez absente dans les papiers des autres.

Lorsque l’on écrit aussi caricaturalement « à charge » que vous le faites, ce qui est votre droit, il est sacrément gonflé de faire ce reproche à d’autres, simplement parce qu’ils ne choisissent pas les mêmes sujets d’indignation !

Je vous conseille donc de bien mieux vous renseigner sur l’affaire Battisti et de faire un vrai travail critique sur votre propre écriture avant de donner aussi légèrement des leçons de sérieux et d’honnêteté aux autres !

Sincèrement vôtre...