Coup d’Etat militaire, Maskirova, Enfumage ou prélude à une guerre civile ? Wagner, Prigojine, Poutine, la chimère a échappé à son maître
Coup d'Etat militaire ou prélude à une guerre civile ? Wagner, Prigojine, Poutine, le coup de cymbale de la chimère qui a échappé à son maître.
Après la guerre perdue de l'OTAN, une autre guerre sous faux-drapeau vient de déraper. Un idiot utile vient sans doute de se rebeller contre ses maîtres faute d'avoir reçu les gages et dividendes de son engagement en Ukraine.
Quelqu'un n'a pas été récompensé de ce qu'il espérait peut-être recevoir ou qu'on lui avait peut-être promis en échange de son aide sur le terrain, servant sans doute les intérêts d'autres prétendants au Pouvoir ou de gens poursuivant d'autres objectifs, soit en voulant mettre un terme au conflit actuel, soit en voulant au contraire le pousser plus avant.
Quoi qu'il en soit, la Chimère s'est échappée.
Nul besoin d'être dans le secret des chancelleries pour remarquer que depuis des mois le chef du groupe Wagner, Evgueni Prigojine, fondateur et patron de cette milice qui constitue une armée à part entière, particulièrement aguerrie, courageuse et efficace, mène un bras de fer avec le commandement militaire russe qu'il accuse publiquement et très violemment d'incompétence et de mensonges dans la conduite des opérations en Ukraine.
Le dirigeant du groupe paramilitaire ne s'est en effet jamais caché de remettre ouvertement et violemment en question les raisons et modalités de conduite des opérations de l'offensive de Moscou contre Kiev. "La guerre était nécessaire pour qu'un groupe de salauds soit promu", avait-il fulminé, estimant que "les oligarques" russes "avaient besoin de la guerre".
Tout comme les oligarques des Etats-Unis, via leur bras armé de l'OTAN et leurs séides et toutous de l'UE...
I- Un précédent historique
L'Histoire avec sa grande hache est bonne fille et nous rappelle de temps en temps des précédents qui, s'ils ne sont pas la réédition de plats d'une cuisine un peu faisandée, s'inscrivent dans des événements que l'histoire mouvementée de la Russie a déjà connus.
Ainsi en est-il de « l'Affaire Kornilov' ou Kornilovchtchina (Корниловское выступление ou Корниловщина, en Russe), qui se réfère à un affrontement confus en août/septembre 1917entre le général Lavr Kornilov, commandant en chef de l'armée russe, et, Aleksandr Kerenski, ministre de la Guerre et, depuis peu alors, président du Conseil des ministres du gouvernement provisoire russe.
Cet événement capital pour l'époque s'est déroulé entre la révolution de Février et la révolution d'Octobre 1917 , Kerenski ayant par la suite affirmé que cette affaire fut un tournant dans la révolution par la soudaine renaissance - et, à terme, la victoire - des bolcheviks. Dans l'historiographie soviétique, les événements ont pris le nom de « révolte de Kornilov » (мятеж Корнилова)i.
Bien que Kerenski ait survécu à la tentative de coup d'Etat, l'événement a fragilisé son gouvernement, qui instaurera, malgré tout, une République russe le 14 septembre 1917 et ouvrira largement la voie aux bolcheviks. Le soulèvement du général Kornilov aura eu pour résultat de détruire intégralement l'œuvre de restauration de la discipline dans l'armée en sapant la confiance de la base de l'armée dans le gouvernement provisoire. Lénine, toujours dans la clandestinité, saisira immédiatement l'occasion de revenir sur le devant de la scène avec les suites et succès que l'on sait dans le cadre d'une normalisation plutôt sanglante et difficile de la Guerre civile russe consécutive à la Révolution d'Octobre et qui durera cinq ans, du 29 octobre 1917 au 25 octobre 1922.
II- Confusion
La rébellion ou le coup d'Etat militaire survenus en Russie dans la nuit du 23 au 24 juin 2023, opération menée semble-t-il par le chef du groupe paramilitaire Wagner, n'a rien de surprenant tant il est patent que le feu couvait depuis un bon moment entre MM. E.Prigojine et V.Poutine.
Les heures et jours à venir diront si cet événement majeur et ses conséquences saperont la confiance de l'armée dans le pouvoir poutinien et la direction de l'armée régulière et si un acteur inattendu, par-delà Prigojine lui-même, saisira l'occasion pour changer le tableau et l'orientation de la guerre actuellement en cours en Ukraine.
Pour autant il serait à notre avis imprudent sinon hasardeux pour l'opinion occidentale comme pour les dirigeants des Etats-Unis, de l'OTAN, et des « Alliés » de l'UE de se réjouir de ce qui apparaît comme un coup de théâtre qui pourrait bien effectivement rebattre les cartes de tous les côtés - en Russie, certes, mais aussi en Asie avec la Chine et les membres des BRICS, en Europe et aux Etats-Unis -, mais aussi signifier une reprise en main dont nul ne connaît vraiment pour le moment les hommes et le pouvoir qui rétabliront d'une manière ou d'une autre une « normalité » politique et militaire.
Bien malin qui peut déjà dire, si tel est le cas, qui, tel Lénine dans l'épisode historique ci-dessus rappelé, qui restera ou apparaîtra finalement sur le devant de la scène géopolitique et géostratégique en Russie comme en Europe et aux Etats-Unis. Lenine n'a pu réussir qu'avec l'aide du génie militaire de Trotski
Que sait-on en réalité pour le moment ?
A la fois beaucoup et peu de choses, parmi lesquelles le fait :
• Que la tension est à son paroxysme entre Evgueni Prigojine et le Kremlin. Le chef du groupe paramilitaire russe Wagner a en effet accusé vendredi l'armée russe d'avoir mené des frappes meurtrières sur des camps de ses combattants à l'arrière du front ukrainien, en appelant au soulèvement contre le commandement militaire en plein conflit en Ukraine.
• Que ces accusations ont été aussitôt démenties par le ministère russe de la Défense. « Les allégations diffusées au nom d'Evguéni Prigojine n'ont aucun fondement. Le FSB (services de sécurité russes) a ouvert une enquête pour appel à la mutinerie armée », a en effet indiqué le Comité national antiterroriste de Russie.
• Que ces prétendues frappes ont fait un « très grand nombre de victimes », a affirmé le patron de Wagner qui dénonce depuis des mois l'incurie de l'armée russe dans ses opérations en Ukraine. « Un très grand nombre de nos combattants ont été tués », a assuré Evgueni Prigojine. Il a promis de « répondre » à ces attaques ordonnées, selon lui, par le ministre russe de la Défense.
• Que les services de sécurité russes ont ensuite appelé à arrêter le chef de Wagner, l'accusant d'appeler à la guerre civile. « Les déclarations et les actes de Prigojine sont en réalité un appel à déclencher un conflit civil armé sur le territoire de la Russie (...) Nous appelons les combattants du groupe paramilitaire Wagner à ne pas commettre d'erreur irréparable », a déclaré le FSB.
• Que dans la foulée, Prigojine a de son côté affirmé que ses forces étaient entrées (elles y étaient déjà d'une certaine manière) sur le territoire russe. Dans des vidéos postées sur Telegram, il a en effet affirmé contrôler les sites militaires de Rostov-sur-le-Don et demandé à rencontrer le ministre de la Défense et le chef d'état-major des armées, menaçant de se rendre à Moscou, jurant d'aller « jusqu'au bout » et de « détruire tout ce qui sera mis » sur sa route. Durant la nuit, il a affirmé que ses forces avaient abattu un hélicoptère militaire russe.
• Que dans une allocution télévisée ce samedi matin, le président russe Vladimir Poutine a dénoncé une « trahison » et appelé les hommes de Wagner à cesser leur rébellion. Il promet de « tout faire pour protéger la Russie », tout en reconnaissant une « situation difficile » à Rostov-sur-le-Don.
• Qu'en parallèle des explosions ont retenti samedi dans la nuit dans plusieurs villes ukrainiennes alors que toute l'Ukraine est en alerte face à l'imminence de frappes russes.
III- Un contexte et une atmosphère délétères ou les ferments d'une guerre civile
Le chef de la milice Wagner a appelé à "stopper" ceux qui ont "la responsabilité militaire du pays". "Le comité des commandements du groupe Wagner a décidé que ceux qui ont la responsabilité militaire du pays doivent être stoppés", a-t-il déclaré. "Ceux qui résisteront à cela seront considérés comme une menace et détruits immédiatement", a ajouté Evgueni Prigojine, en promettant de "répondre" à ces attaques présumées. "Ce n'est pas un coup d'État militaire, mais une marche pour la justice, nos actions ne gênent pas les forces armées", a-t-il encore déclaré. "Nous sommes 25.000 et nous allons déterminer pourquoi le chaos règne dans le pays (...) Nos réserves stratégiques, ce sont toute l'armée et tout le pays", souhaitant "mettre fin au désordre".
Une chose est sûre, ce nouvel échange entre les deux entités au cœur de l'offensive de la Russie en Ukraine expose à nouveau de manière spectaculaire les profondes tensions au sein des forces de Moscou.
"La guerre civile a officiellement commencé", écrit le groupe paramilitaire sur sa chaîne Telegram.
Le propos est d'importance et constitue une réponse directe à Vladimir Poutine qui a annoncé lors de son allocution de ce samedi 24 juin au matin craindre "une guerre civile".
Dans son point quotidien, le ministère de la Défense britannique qui semble avoir redécouvert l'eau chaude ou cette invention capitale dans l'histoire de l'Humanité que représente le fil à couper le beurre, explique pour sa part qu'au "cours des prochaines heures, la loyauté des forces de sécurité russes, et en particulier de la Garde nationale russe, sera la clé du déroulement de la crise. Il s'agit du plus gros défi pour l'État russe" depuis longtemps.
L'Histoire, dont on ne cessera de répéter qu'elle est très attentive au cours des événements qu'elle génère, nous rappellera, s'agissant des événements de la guerre civile russe de 1917 sur fond de conflit mondial européen, que « si la guerre civile signifie la lutte entre deux factions armées et hiérarchisées, soutiens de deux pouvoirs civils constitués, elle prendra fin avec la défaite du général Piotr Wrangel, le dernier chef des armées blanches, en novembre 1920 en Crimée », écrit Alexandre Sumpf dans son ouvrage auquel nous renvoyonsii, le même historien observant que « toutefois que l’armée Rouge ne cessera de combattre pour imposer le pouvoir bolchevique sur l’ancien territoire impérial qu’en juillet 1921, lorsque le général Toukhatchevski anéantira la « bande » d’Antonov dans la région de Tambov », ville située à 400 kms au sud-est de Moscou, à la pointe d'un triangle ayant pour base les villes de Koursk à l'Ouest et de Saratov à l'Est.
Vladimir Poutine "se trompe profondément", a dit le patron de Wagner accusé de "trahison" sur Telegram. Evgueni Prigojine prévient également que ses troupes "ne se rendront pas".
Prigojine sera-t-il le futur Wrangel ou une sorte d'Antonov ou ira-t-il à Moscou ?
Plus loin, plus vite, plus fort ?
Plus à l'Ouest, toujours pris de court comme d'habitude et qui n'en peut plus de surfer sur l'aubaine de cette nouvelle actualité qui aura pour effet d'effacer le cours insipide des événements journaliers, la tentation risque d'être très forte pour les généraux de plateau et de salon de l'OTAN de jouer un coup maladroit en se leurrant une fois de plus - par ignorance, incompétence et déni d'une réalité qui les dépasse et à laquelle ils n'entendent rien -, sur une opération géniale d'enfumage ou de Maskirova dont le Russes ont le secret et dont on trouvera quelques éléments sur la base des analyses de ce fin observateur qu'est Erwan Castel :
Prigozhin semble être enfin sorti (https://t.me/boris_rozhin/90159) de son rôle en déclarant qu’il refuse d’obéir à VVP (https://t.me/bbbreaking/158792). La tentative de coup d’Etat est donc enfin officielle (https://t.me/epoddubny/16542). Les choses sont toutefois trop bon enfant et trop fabriquées pour avoir la moindre crédibilité, mais techniquement, la tentative de coup d’Etat est irréversible (https://t.me/milinfolive/102598).
Le chef des terroristes bandéristes de Kiev (https://t.me/bbbreaking/158795) (Budanov) apporte son soutien à Prigozhin pour miner sa crédibilité.
L’armée russe prend, en désordre, des positions à Moscou (https://t.me/milinfolive/102604).
Puissent l'OTAN, l'UE et ses stratèges qui en sont restés au jeux de bac à sable demeurer prisonniers de leur incompétence et nous préserver de dérapages militaires, sachant en effet que les équilibres rompus sont ingérables.
On retiendra pour l'heure le texte du discours prononcé par V. Poutine :
http://en.kremlin.ru/events/president/news/71496
et l'avertissement sans frais lancé par le général Sourovikine :
https://lecridespeuples.fr/2023/06/24/rebellion-de-wagner-lavertissement-de-sourovikine/
Sources et références
Illustration du tableau de Viktor Vasnetsov 11848-1926) , Koschei l'Immortel (1917-1926)
iAffaire Kornilov, https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Kornilov
ii SUMPF Alexandre, « 8. De la guerre « impérialiste » à la guerre civile », dans : , La Grande Guerre oubliée. Russie, 1914-1918, sous la direction de SUMPF Alexandre. Paris, Perrin, « Synthèses Historiques », 2014, p. 371-422. URL : https://www.cairn.info/la-grande-Guerre-oubliee—9782262040451-page-371.htm
Telegram (https://t.me/rybar/48907)
Рыбарь
И это пока играет на руку ЧВК. Мы видим в Сети заявления Суровикина, Алексеева, Юнус-Бека Евкурова. Видим заявления от Департамента информации и массовых коммуникаций. Видим действия и последствия отдачи указаний со стороны руководства Минобороны.
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