Interpellation du journaliste Filippis, ou quand le judiciaire et le policier se moquent des libertés
Vittorio de Filippis, ancien directeur de Libé, a été interpellé de manière assez musclée à son domicile, en présence de ses enfants, livrés à eux-mêmes, alors que leur père a été conduit en cellule pour subir deux fouilles humiliantes. Se retrouver en slip face à un groupe de flics n’est pas une expérience des plus agréables.

En fait, cette affaire sordide est à certains égards une bonne nouvelle. Car ce qui est arrivé à Filippis pourrait se produire pour n’importe quel citoyen dans une situation pareille. Et donc, autant prendre appui sur ce cas pour défendre les libertés citoyennes. D’ailleurs, il est certain que ce type d’abus s’est déjà produit mais sans retentissement médiatique. Que de gardes-à-vue injustifiées. Il faut dire en plus que la plupart des citoyens ne sont pas directeurs de journaux, ni même simples journalistes. L’affaire est tellement grave que même à l’UMP, on demande l’ouverture d’une enquête. Et comme on s’en doute, la profession fait bloc aux côtés de ce journaliste malmené et l’opposition y va aussi de sa dénonciation. Et c’est juste et c’est légitime et c’est nécessaire et c’est un geste de survie républicaine que de s’indigner face à de telles pratiques qui déshonorent notre pays qui se targue de défendre la liberté. Mais il ne faut pas que ce dérapage ne suscite qu’une réaction d’une corporation. N’importe quel citoyen pris dans cet engrenage judiciaire et policier doit être défendu de la même manière.
Que s’est-il passé en réalité ? Seule une enquête pourrait déterminer les responsables de ces excès. Pour l’instant, chacun renvoie la balle dans le camp des autres. Sur le site de free, un communiqué précise qu’il faut bien dissocier la plainte déposée par Xavier Niels, de cette tournure des événements. Ce qui est légitime et utile, bizness is bizness. Et d’ailleurs, ce n’est pas parce qu’un plaignant dépose une plainte contre un citoyen que celui-ci doit se foutre à poil devant des policiers, parce qu’il a embouti une voiture un soir de fatigue ou bien fait la fête et importuné ses voisins avec sa sono adonf ! Les policiers ont-ils fait du zèle ? C’est presque certain mais Filippis, ça sonne méridional et on comprend que l’intéressé n’ait pas voulu se déculotter face aux représentants de la force publique alors qu’il se sent innocent, pas seulement présumé, il est innocent. Qui a fait une faute dans ce dossier ? Sans doute la juge Muriel Josié qui évidemment, reste absente des débats médiatiques par son silence.
Il ne faut pas procéder au lynchage d’une juge, même si Mme Josié a été saisie d’une plainte par la Caisse d’Epargne contre le site Médiapart. C’est le rôle d’un magistrat que d’instruire des plaintes. Cette même Josié fut aussi saisie par un certain Jacques Peyrat, ex-FN et ex-maire de Nice, en 2001, contre un site internet qui avait mis en ligne des propos peu élogieux contre Peyrat, publiés par la revue Adrénaline. La juge Josié, sans doute prise d’un excès de zèle, a argué d’une jurisprudence pour mettre en examen et renvoyer en correctionnelle les auteurs des articles. Ce petit détail sans importance prendra sans doute une résonance particulière. Puisque les juges sont des hommes ou des femmes, que parfois, des juges comme Burgaud sont à l’origine d’un désastre complet et dévastateur pour ceux qui se sont trouvés embarqués dans cette erreur monumentale. S’agissant de la juge Josié, nous ne pouvons rien préjuger, sauf qu’elle semble assez sévère contre les médias, plutôt encline à protéger les intérêts des notables. En ce sens Mme Josié est une authentique juge, comme on en produisait pendant le 19ème siècle ou la Quatrième République. Bref, un fait divers judiciaire ordinaire montrant l’incroyable modernité de notre pays qui peut s’en aller donner des leçons de liberté au monde entier.
Un fait ordinaire, comme d’ailleurs l’incarcération des jeunes de Corrèze qui n’ont sans preuve du contraire commis aucun acte délictueux, juste affiché leur détermination à vivre différemment des gens ordinaires qu’ils jugent piégés par le système. Bref, ces fils de bourgeois bruts de décoffrage, rebelles et contestataires, comme il y en eut tant dans les seventies. Des enfants de liberté et d’avenir dont la marge nous renvoie le miroir de nos compromissions face à ce système de l’argent, de la police et d’une justice qui devient de plus en plus injuste à l’égard de ceux qui se rebellent contre l’ordre, que ce soit la cellule invisible où cet internaute qui s’en est pris à Free en publiant un commentaire dans le journal Libé. D’où l’affaire Filippis. Mais s’agissant de Free, je n’appelle pas au boycott, parce que les gens sont assez intelligents et que c’est interdit par la loi. Je rappelle juste que l’on peut changer d’opérateur. Oui, c’est encore possible sans être inquiété. On peut dire qu’un citoyen peut choisir son opérateur. Il fut un temps, quand le service militaire était obligatoire, où faire publicité des dispositions sur l’objection de conscience était passible des tribunaux. Ce qui est quand même fort de café. Nul n’est censé ignorer la loi mais certaines lois ne devaient pas être diffusées. Cette histoire est maintenant dépassée mais, quelque part, on se demande si les vieux démons de la censure, des zèles policiers et judiciaires, de l’ordre des notables, n’a pas ressurgi avec cette affaire Filippis qu’il serait irresponsable de considérer qu’elle ne concerne que la presse car elle vous concerne à vous citoyens, dans votre liberté et dans le choix de société que vous pensez avoir encore le droit d’afficher et de promouvoir, quitte à attaquer des institutions financières et industrielles parce qu’elles sont en délicatesse avec les valeurs... sans pour autant risquer de se voir humilié à poil dans un commissariat !
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