L’exhibitionnisme sexuel d’un principal et la pudeur de l’administration de l’Éducation nationale
Jeudi 3 avril 2008, le principal du collège Émile Zola de Belleville (Rhône) a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel d’Albertville (Savoie) d’exhibitions sexuelles répétées en février dernier devant six fillettes de 6 à 11 ans sur des télésièges de Val-Thorens et des Ménuires : il a été condamné à deux ans de prison dont quinze mois ferme et neuf avec sursis. Il lui est enjoint une mise à l’épreuve de trois ans et une obligation de soins. Au surplus, toute activité et toute profession en contact avec mineurs lui est interdite. On ignore s’il fait appel.
Une affaire navrante propre à stimuler le voyeurisme
Il n’y a rien à ajouter à cette affaire navrante d’un individu souffrant d’une évidente pathologie, sauf à stimuler le réflexe de voyeurisme des lecteurs pour tenter d’accroître ses ventes. La photo publiée dans certains journaux comme Le Point ou Le Progrès de Lyon dit à elle seule cette traque indécente du malheur d’autrui : un objectif d’appareil de photo est photographié en train d’essayer de saisir le visage du malheureux qui, tiré comme une mule par un gendarme, se cache désespérément sous sa veste. Quelle information prétend-on ainsi vouloir extorquer ? Croit-on pouvoir juger sur la mine et déchiffrer sur le visage du condamné un penchant à l’exhibitionnisme sexuel ?
Ce n’est pas le sort de ce pauvre type qui importe, mais la conduite de
l’administration de l’Éducation nationale, une fois de plus !
La conduite de l’administration de l’Éducation nationale
1- Un peu plus de retenue par rapport à l’affaire de la gifle de Berlaimont
Cette affaire montre d’abord qu’il vaut mieux être un principal exhibitionniste sexuel qu’un professeur qui, en réponse à une injure, se laisse aller à gifler un élève. On se souvient du charivari provoqué par cette gifle au point que le Premier ministre a dû rappeler à l’ordre l’administration de l’Éducation nationale. Le principal, lui au moins, a bénéficié d’un tout petit peu plus de discrétion de la part de sa hiérarchie, même si le ministre Darcos que la présomption d’innocence n’étouffe pas, n’a pu s’empêcher, avant tout jugement, de qualifier publiquement « cet homme (de) détraqué, (de) malade", le 6 mars dernier, ajoutant que "si tous les faits (étaient) avérés, une fois que la justice (aurait) fait son œuvre, il (serait) révoqué". Un procureur, du moins, n’a pas laissé entendre que le prévenu touchait à l’alcool pour se découvrir ainsi devant les petites filles. Et c’est tant mieux.
2- Une curieuse "pétition de collègues"
En revanche, Le Progrès de Lyon fait état d’une « pétition de ses collègues » qui le présente comme un homme « irréprochable ». Mais de quels collègues s’agit-il ? Le journal ne le précise pas. S’agit-il des autres chefs d’établissements de la région ? Dans ce cas, le mot « collègues » serait approprié. Si ce sont les professeurs de l’établissement, il y a impropriété de terme, car on ne parle de collègues que dans une égalité de droits et de devoirs. Ce n’est pas le cas entre un principal et un professeur, même si l’usage veut qu’un chef d’établissement affecte par flatterie d’appeler les professeurs qui s’en réjouissent, « chers collègues » : on sait bien que le premier a autorité sur les seconds et qu’il les note.
Que vaut donc une pétition d’employés en faveur d’un chef avec qui ils sont en relation de subordination ? Rien aux yeux de la justice dont les attestations obligent à préciser les relations de dépendance possible entretenues entre le signataire et la victime ou le prévenu. Si tel est le cas, on s’interroge sur une telle initiative. Il est vrai que c’est une habitude : les profs signent volontiers une pétition en faveur de leur chef d’établissement, y compris quand il est accusé d’agression par un de leurs vrais collègues et qu’il est condamné en justice !
3- Une collaboration avec la justice refusée
Ce qui surprend surtout c’est que l’inspecteur d’académie « (aurait) refusé, selon le même journal, de répondre aux questions d’enquête de personnalité demandée par le président du tribunal correctionnel ». On se doute que l’inspecteur n’a pas agi de sa propre initiative et qu’il a pris ses ordres en haut lieu. Si c’est avéré, on voit en quelle estime l’administration de l’Éducation nationale tient l’institution judiciaire. Mais ce n’est même pas une affaire d’estime, c’est une prétention à se situer au-dessus de la loi. Voilà un nouvel exemple du mépris de la loi qui est devenu la culture de cette administration.
4- Une première condamnation ignorée ?
Plus grave encore, on apprend que ce principal n’en était pas à ses premières frasques. Pour les uns, c’est en 2000, pour les autres, en 2005, lit-on çà et là, qu’il se serait déjà signalé. Il aurait écopé de quinze jours de prison avec sursis pour s’être dévêtu devant une auto-stoppeuse dans sa voiture, mais l’inscription à son casier judiciaire lui aurait été épargnée. Quand on connaît le fonctionnement de l’administration de l’Éducation nationale, où le moindre crachat séché d’un calomniateur même condamné en justice peut traîner depuis vingt ans dans un dossier administratif pour - on ne sait jamais - être ultérieurement exploité, il est difficile d’imaginer que cet épisode soit resté ignoré de la hiérarchie.
En conséquence, comment se fait-il que ce monsieur, ancien professeur d’EPS, ait pu conserver son poste de principal ? De deux choses l’une : ou il faut de sérieuses protections, ou on reconnaît une technique policière de chantage pour s’assurer la soumission aveugle d’un exécutant contraint d’obéir au doigt et à l’œil s’il ne veut pas qu’on exhume un fait passé compromettant. À vrai dire, il y a peut-être une troisième solution : les deux premières ne sont pas exclusives l’une de l’autre.
Les détracteurs du service public d’Éducation peuvent se réjouir : son discrédit progresse. Il faut dire que son administration fait de son mieux.
Paul Villach
Crédit photo : Jean-Pierre Clatot AFP (via 20 Minutes)
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