« Le monde doit se préparer à une pandémie mondiale », prévient Bill Gates. Dialectique des Pandémies, des Cataclysmes et des Guerres
Dans une conférence de donateurs de l’organisation Gavi, l’Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation, à Berlin, Bill Gates est persuadé qu'il serait imprudent de ne pas se préparer au risque d'une pandémie mondiale. « Un pathogène encore plus difficile (que l'Ebola) pourrait apparaître : une forme de grippe, une forme de SRAS ou un type de virus que nous n'avons encore jamais vu », a-t-il indiqué dans un entretien à l'AFP. « Nous ne savons pas si cela arrivera, mais le risque est suffisamment important pour que l'une des leçons à retenir de l'Ebola soit de nous interroger : sommes-nous suffisamment prêts ? C'est comme quand nous nous préparons à la guerre. Nous avons des avions et nous nous exerçons à cela », a-t-il poursuivi. (1)
Comment comprendre l’humanité quand on compare l’œuvre philanthropique du milliardaire Bill Gates qui s’efforce à sauver des vies humaines alors que les grandes puissances s’efforcent d’écraser dans le sang tout peuple qui s’oppose à leur volonté de puissance ? Dès lors, pourquoi Bill Gates, l’homme le plus riche du monde, de surcroît de nationalité américaine, lance cet avertissement au monde ? Son pays étant pratiquement dans tous les conflits armés qui déchirent les peuples. Une situation que tient l’Amérique dans son rang de « première puissance du monde », et lui donne le droit d’ingérence, par ce statut, dans les affaires du monde.
On ne peut s’empêcher de se questionner sur cette annonce, i.e. ce qui a poussé Bill Gates a affirmé qu’un grave danger guette l’humanité, et celui-ci n’est pas maîtrisable immédiatement comme il l’explique dans une interview. (1) « Ces derniers temps, Gates a été obsédé par une question noire : ce qui est plus probable de tuer plus de 10 millions d'êtres humains dans les 20 prochaines années ? Une catastrophe comme l’a réalisé le film Hartwig – « grande explosion volcanique, gigantesque tremblement de terre, astéroïde » – n’est pas tenable. En effet, la probabilité de ces catastrophes naturelles, de surgir est très faible.
« Il y a la guerre, bien sûr », dit-il. Mais Gates n’a pas d’inquiétude sur la guerre parce que l’ensemble des problèmes humains dans la course vers la guerre a été de tous les temps. Et la forme la plus dangereuse, une guerre nucléaire, semble assez contenue, du moins pour l’instant.
Mais il y a quelque chose au lointain qui peut être aussi mauvais que la guerre, quelque chose qui tue autant de personnes que la guerre, et Gates ne pense pas que nous soyons prêts pour cela.
« Regardez le tableau de la mort du 20ème siècle », dit Gates, parce qu'il est le genre de personne qui se penche sur les graphiques de la mort. « Je pense que tout le monde se dit qu'il doit y avoir un pic de la Première Guerre mondiale. Effectivement, ce pic est là, c’est 25 millions de morts. Et il doit y avoir un grand pic de la Seconde Guerre mondiale, et ça y est, il est à 65 millions. Mais alors vous verrez cette autre pointe qui est aussi grand que la Seconde guerre mondiale juste après la Première Guerre mondiale, et la plupart des gens disait : « Quel était ce ? Eh bien, ce fut la grippe espagnole. » […]
« Les maladies infectieuses sont notre ennemi le plus ancien, le plus mortel. Et ils le sont encore aujourd'hui. … Si nous avons une pandémie, ce sera sera bien pire. Les gens pensaient que la grippe H1N1 n’était pas si mal. Mais plus de 1000 enfants américains sont morts de la grippe H1N1 ! » … En 2014, est apparu l'épidémie d'Ebola - qui a tué plus de 10.000 personnes, et a envoyé une grande partie de l'Amérique dans l'hystérie. Cette année, une forme particulièrement infectieuse de la grippe aviaire a déchiré 14 Etats, tuant ou forçant l'abattage de 39 millions d'oiseaux. Les autorités de santé publique obligent le massacre effroyable parce que plus les oiseaux sont infectés par la grippe, plus les chances de la grippe a à muter et prendre une forme qui peut infecter les humains. (…) La pandémie est quelque chose que notre culture pense, connaît, et craint. (…) Nous pensons à ce sujet tellement, il semble presque ridicule que nous ne sommes pas prêts. Mais nous ne sommes pas. Même pas proche. Il suffit de regarder ce qui est arrivé par le virus Ebola. (…) Les gens qui sont contagieux peuvent ne pas avoir de symptômes visibles. Et dans un pays très peuplé, il pourrait envoyer des milliers de voyageurs par jour aux États-Unis. Ce qui pourrait toucher un pays qui a des mégapoles, peuplées de dizaines de millions de personnes. (…) Et si une pandémie commence dans une mégapole ? Et si, contrairement à Ebola, le porteur est contagieux avant que le patient présente des symptômes évidents ? L'expérience du passé ne le prouve-t-elle pas ? « Si vous regardez la grippe H1N1 en 2009, elle avait fait le tour du monde avant même que nous savions qu'elle existait. Le modèle de Gates a montré qu’une maladie semblable à la grippe espagnole lâchée sur le monde moderne tuerait plus de 33 millions d’êtres humains en 250 jours. »
« Nous avons créé, en termes de propagation, l'environnement le plus dangereux que nous ayons jamais eu dans l'histoire de l'humanité. », dit Gates. Et ceci est en contraste frappant avec la guerre, qui n’est pas nécessairement plus mortelle pour la race humaine, mais est beaucoup mieux planifiée. « Quand on parle de guerre, dit Gates, il y a toutes ces règles sur la façon dont le gouvernement peut utiliser différents navires. Mais quand une épidémie arrive, qui est censé surveiller ou a la capacité d’aller au foyer de l’épidémie, et saisir la situation ? »
1. La guerre associée, par ses effets, aux phénomènes naturels, tels les pandémies et les cataclysmes ?
Comme expliquer ce pressentiment de Bill Gates sur une pandémie à venir ? Une prémonition ? Un avertissement ? S’il s’agit d’une prémonition d’un événement vu à l’avance et qui se réalise, ce sentiment diffus de Gates nous pousse à nous interroger sur son sens. A procéder à une analyse poussée sur ce phénomène prémonitoire qui incite un homme à annoncer tel ou tel événement. Souvent l’homme prend connaissance d’une chose sans vraiment être certain de sa réalisation, mais, par intuition ou par angoisse de ce qui peut arriver, se retrouve à avertir que cette chose annoncée est potentielle, et invite le monde à s’y préparer.
C’est ce que fait Bill Gates, dans son affirmation d’une pandémie susceptible d’apparaître. Qu’il a développé publiquement dans une interview. (1) Cependant, une intuition, un pressentiment sur un événement important, grave, doit-il être pensé comme s’il allait à se réaliser ? L’homme n’est pas devin, et toute intuition développée et affirmée, reste du domaine de l’aléatoire. Qu’elle soit vraie ou fausse, regardons ce pressentiment à sa juste valeur. Et évaluons-le sur un plan strictement historique, en tentant d’énoncer les forces qui lui sont attenantes.
Pour ce faire, définissons l’état de nature d’une pandémie. La première donne que l’on doit comprendre d’une pandémie d’origine bactériologique ou virale, n’est pas de ce qu’elle peut provoquer, par sa virulence, sa soudaineté, et la mort de milliers ou de millions d’êtres humains, mais d’en situer sa place dans le devenir du monde ? Une pandémie qui survient appartient à une situation naturelle puisque cette pandémie est apparue, et les hommes ne peuvent rien contre son apparition, sinon à lutter pour éteindre le foyer pandémique. Mais si nombre d’épidémies ou de pandémies sont inexplicables, et font partie de l’état de nature du monde, certaines peuvent avoir un sens. Dès lors qu’une pandémie influe sur le devenir de l’humanité, et par ses conséquences, change le cours de l’histoire, elle peut avoir les mêmes effets par la désolation et la mort d’êtres humains qu’une guerre aurait faits dans une région donnée. Les Américains n’ont-ils pas cherché dans la bombe à neutrons à tuer le plus grand nombre d’êtres humains tout en réduisant les destructions d’infrastructures ?
En tant que phénomène naturel (d’essence biologique), et par ses effets meurtriers à grande échelle, une pandémie peut lui être associée les « cataclysmes » qui sont aussi des phénomènes naturels. En sus de morts d’hommes, les cataclysmes occasionnent des destructions considérables. Un tremblement de terre de forte magnitude peut dévaster des villes, des régions entières, provoquer des tsunamis. Des ouragans peuvent provoquer des désastres.
Un autre phénomène qui relève aussi du vivant, précisément de l’homme, qui est centre et conscience de cet état de nature. La guerre a des effets, des dévastations aussi soudains, aussi grands, aussi dévastateurs, ou plus que les pandémies et les cataclysmes. Ce qui nous incite de classer la guerre un état de nature propre à l’homme. Mais l’état de nature de l’homme ne peut être dissocié de l’état de nature de l’écosystème de la Terre. Puisque l’humanité constitue une partie de l’écosystème. Dès lors, on peut considérer que la guerre, par ses effets, ses conséquences, s’assimile à un cataclysme, à une pandémie. La seule différence est qu’elle est le fait de l’homme.
Les causes qui provoquent les guerres relèvent du fond naturel de l’homme. « Donné que la terre est peuplée par des hommes dont les intérêts sont le plus souvent contradictoires, les hommes, poussés à rechercher le même objectif (expansion, antagonisme, lutte pour des richesses, etc.), se retrouvent souvent en prises les uns contre les autres. Un état de nature inscrit dans l’essence même de la nature humaine ». Aussi peut-on dire, l’état de nature de l’homme est ainsi constitué. Il évolue entre le bien et le mal. La paix elle-même est l’antithèse de la guerre. L’homme évolue entre ces frontières, entre le bien et le mal, entre la paix et la guerre. C’est un état naturel pour l’homme, il est donc confronté à sa destinée.
Thomas Hobbes (1588-1679) qui a pensé l’homme dans son état naturel, i.e. une lutte de chacun contre chacun, de tous contre tous, n’a en fait qu’affirmer ce qu’il a vécu durant sa vie. L’Europe a vécu les pires guerres de religion durant 30 ans (1618-1648). En scrutant la nature humaine, il est arrivé à cette conclusion : « Bellum omnium contra omnes » en latin qui se traduit par « la guerre de tous contre tous ».
Et son énoncé s’applique toujours comme on le voit aujourd’hui dans les relations internationales. Malgré les grandes institutions mondiales (l’ONU, le Conseil de sécurité, les résolutions du Conseil de sécurité), les puissances n’hésitent pas à s’attaquer à des pays faibles pour arriver à leurs objectifs.
Ainsi pandémie, cataclysme et guerre sont des phénomènes naturels contre lesquels les hommes n’y peuvent rien sinon à tenter d’en limiter les dévastations. Pour les phénomènes naturels en dehors de la nature humaine, à renforcer digues et infrastructures, et à procéder à la recherche épidémiologique, quant aux guerres, les puissances doivent trouver des compromis pour atténuer la souffrance des peuples. Cependant, on ne peut s’empêcher de dire que ces trois phénomènes participent paradoxalement à l’évolution du monde.
2. Un itinéraire tout tracé dans le destin de l’Europe
Pour avoir une idée de l’impact de ces phénomènes naturels sur l’évolution de l’humanité, regardons ce qui s’est passé au XIVe siècle, en Europe, c’était encore le Moyen-âge. « L’Europe a été touchée par la plus grave pandémie de son histoire, entre 1347 et 1352 ». D’après les données historiques occidentales, la « Peste noire » a décimé entre 30 à 50% de la population européenne, soit environ 25 millions de morts. Et la peste noire n’a pas été éradiquée, elle refit plusieurs fois son apparition en Europe, et s’est étendue aux autres pays du monde (monde musulman). En Asie, selon les historiens, la peste sévissait de manière endémique. Et la médecine, à l’époque, était impuissante devant cette maladie. Après avoir emporté des millions d’êtres humains, la peste disparut naturellement des villes et villages, comme si elle n’avait jamais apparu.
Etrange que ce destin de l’humanité face aux fléaux dont le seul recours devient le travail de l’esprit, en espérant que les biologistes trouvent les remèdes pour affronter ces phénomènes pandémiques.
Il reste cependant à comprendre « pourquoi la Peste noire a fait irruption à cette époque, et ce désastre démographique qu’elle a produit en Europe » ? On est en droit de se poser la question et de faire appel intuitivement sur les raisons de l’apparition de la « Peste noire ». N’est-on pas en droit de se poser la question sur l’essence métaphysique de la Peste noire, en tant que phénomène naturel qui participe à l’écosystème terrestre ? Si on pense humainement par notre pensée, et qu’on est libre par cette pensée qui nous fait penser, on peut tenter de comprendre tout phénomène naturel dans sa finalité, i.e. qui influe sur le devenir de l’humanité. Et la Peste noire, en l’occurrence, a influé sur le devenir historique de l’Europe. D’autant plus que l’on part du principe que tout ce qui se meut sur terre, sous terre et en dehors, a un sens. Si ce n’est pas le cas, ni l’espèce humaine, ni le monde n’aurait de sens. Et le monde est régi par cette phrase « tout ce qui est vrai est rationnel, tout ce qui est rationnel est vrai ».
Rappelons l’histoire qui a précédé l’irruption de la peste noire en Europe. A la fin du XIe siècle, l’Europe s’est lancée dans plusieurs croisades contre le monde musulman pour la conquête de Jérusalem. On dénombre huit croisades, et celles-ci ont duré jusqu’à la fin du XIIIe siècle, soit environ 200 ans.
Pour comprendre le phénomène pandémique, il faut raisonner par négation. Si la Peste noire n’avait pas eu lieu, il est certain que l’Europe n’aurait pas perdu le tiers de sa population, aurait probablement augmenté, et donc aurait mené d’autres expéditions militaires en Orient.
« Ce serait une voie de sortie pour la surpopulation en Europe. » Or, nous constatons que l’Europe non seulement a fait face à la première pandémie du monde, la peste bubonique, mais fut confrontée à la plus longue guerre de son histoire : « la Guerre de Cent ans », qui a commencé en 1337, avant même la peste noire ne se déclenche. La guerre de Cent Ans se termina en 1453.
Regardons le mouvement de l’histoire. L’année 1453 coïncide à la fin de la guerre en Europe avec la prise de Constantinople par l’empire ottoman. Et cette période cruciale de l’Europe fait ressortir qu’elle était en prise, sur le plan intérieur, par la pandémie et les guerres intereuropéennes, et sur le plan extérieur, par les avancées de l’Empire ottoman à ses frontières. La seule lucarne qui s’ouvrait pour l’Europe est l’Océan atlantique, puisque la population d’Europe se raffermissait, et les techniques nouvelles aidant en matière de navigation, d’armements – les canons, les arquebuses utilisaient la poudre à canon – allaient lui donner les moyens pour conquérir le monde. Et un timide empiètement sur les territoires du monde musulman.
De plus, l’ambition de l’Europe de briser l’élan de l’Islam qui était aux portes de l’Europe, qui, convertissant le monde mongol, hantait les milieux chrétiens. « Le seul recours par l’Europe était les mers et océans. Et l’Europe ne savait pas qu’elle allait à la conquête du monde, et qu’elle allait, plus tard, prendre de revers du monde de l’Islam. » C’est ainsi que commencèrent les explorations européennes de terres nouvelles. Après la fin de l’empire musulman en Espagne qui a duré 778 ans – prise du royaume de Grenade par la Reconquista –, l’Europe, en quatre siècles, mit le monde en coupe réglée. De grands empires européens se constituèrent, et dans le sillage des peuplements, de grandes nations se sont fondées dans les nouveaux continents. Les États-Unis, le Mexique, le Brésil…
On comprend, dès lors, que le monde qui était structuré à l’Est de l’Europe par l’empire ottoman, les pandémies successives et les guerres qui ont succédé sur le plan interne, préparaient cette Europe à dominer le monde. « Aussi peut-on dire qu’un ordre transcende le monde. » Un itinéraire était tout tracé dans le destin de l’Europe. Le choix sur l’Europe s’est fait par sa géographie, sa démographie, ses guerres intraeuropéennes incessantes. L’Europe allait donc vers son destin, comme aujourd’hui, elle se renouvelle par d’autres cultures. Donc un processus qui travaille en boucle.
3. Le facteur nécessaire qui a bouleversé une Europe qui a dominé le monde
Après la conquête de l’Afrique, les deux sous-continents américains, une partie de l’Asie dont le joyau britannique, l’Inde – à l’époque le Pakistan et l’Inde constituaient une seule colonie pour le Royaume-Uni –, et une domination de la Chine, vint le tour de l’Empire ottoman. Les territoires musulmans tombèrent un à un sous l’emprise européenne. L’Empire ottoman, décrit comme l’homme malade de l’Europe, s’est fait disséqué de ses possessions.
Mais, comme tous les royaumes et empires passés, les empires européens sont aussi destinés à une fin. Le monde étant perpétuel progrès.
D’où viendra l’instrument du progrès du monde, i.e. le facteur qui libèrera les peuples de la domination coloniale européenne. « Ce sera la guerre, comme cela fut la pandémie au XIVe siècle. » Mais, au facteur « guerre », il faut lui associer un « acteur » qui brisera l’hégémonie européenne sur le monde. Précisément, cet acteur ne peut venir du monde colonisé, du monde dominé, car trop faible. Il ne peut venir que des empires européens qui disposent du destin des peuples du monde. Il viendra donc du cœur de l’Europe. Et qui est cet acteur européen ? C’est « l’Allemagne » qui mènera la vie dure aux empires européens.
Etrangeté de l’Histoire, c’est dans la galerie des glaces au château de Versailles, en France, le 18 janvier 1871, après la défaite française, que fut proclamée la création de l’Empire allemand, entraînant également l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine et de la région de Metz. L’unité de l’Allemagne s’est faite par la guerre et en pays étranger. Avec cette victoire sur la France coloniale, les empires européens seront mis désormais sur le qui-vive. L’annonce fracassante de la puissance de ce nouvel acteur situé au centre de l’Europe fait désormais peser des nuages sur l’Europe dominatrice et sûre d’elle-même.
1914, la guerre tant redoutée avec l’Allemagne arrive. Tous les pays européens entrent en guerre. Les Alliés, à contre cœur y entrent, mais les dès sont jetés. Il faut mettre hors de combat l’Allemagne, cet acteur perturbateur de l’hégémonie de l’Europe sur le monde.
Pour l’Allemagne et ses alliés, il s’agit de briser le monopole des empires européens et partager leurs empires. Le reste du monde étant l’enjeu entre les grandes puissances européennes.
La guerre qui ne devait durer que quelques 6 mois, à l’instar de la guerre franco-prussienne (1870-1871), va durer plus de quatre années. Les souffrances seront sans commune mesure avec les guerres passées, pour les peuples d’Europe. Le principe de « guerre totale » sera érigé en modèle qui se généralisera à l’ensemble des sociétés des pays mobilisés. Le champ de bataille sera les pays entiers en guerre. Et dans cette Première Guerre mondiale, va naître une nouvelle idéologie, en plein conflit mondial, le « communisme », qui aura à bouleverser, au XXe siècle, le cours de l’histoire.
4. Conclusion de la première partie
Pour ne donner qu’un exemple, sur l’impact d’un phénomène cataclysmique, rappelons la guerre lancée contre l’Irak, en 2003, par les États-Unis. Après l’invasion et l’occupation, la victoire était totale pour les Américains. Deux ans après, l’Irak se transforma en « deuxième Vietnam ». L’administration Bush désigna l’Iran, comme le pays perturbateur, dans le conflit armé opposant les forces américaines à la guérilla irakienne. L’Iran, de plus, poursuivait un programme d’enrichissement nucléaire auquel s’opposaient les grandes puissances. Tous les médias du monde faisaient état que l’administration Bush se préparait à étendre la guerre à l’Iran. Plusieurs porte-avions patrouillaient dans la région du Golfe persique. En 2005, les plans de guerre en relation avec l’Iran, largement diffusés, préparaient l’opinion mondiale à une opération militaire ou des armes tactiques seraient utilisées contre des sites nucléaires iraniens enfouis profondément sous terre. A cette époque, Israël, la Grande Bretagne et l’OTAN faisaient ont parti de la coalition dirigée par les USA et sont critiqués dans le rôle actif qu’ils avaient avec l’opération militaire.
Tout laissait croire à une guerre imminente contre l’Iran. Dans cette effervescence des médias et les nouvelles rapportées sur les intentions de l’administration Bush, et les risques d’une guerre qu’encourait la région moyen-orientale qu’éclatait ce qui n’a pas du tout été pensé, du tout été attendu : « l’ouragan Katrina ». La fin du mois août 2005, un gigantesque ouragan apparaissait et englobait plusieurs Etats américains. Les dévastations dues à l’ouragan Katrina étaient gigantesques. Une partie de la ville de la Nouvelle-Orléans était inondée, la Louisiane dans la désolation. On prédisait la mort de dizaines de milliers d’Américains vivants à la Nouvelle-Orléans, submergés par les eaux. Le monde entier avait les yeux braqués sur les États-Unis, et proposait son aide. Cuba et l’Iran offraient aussi leurs aides. La première puissance du monde était confrontée à un des plus grands cataclysmes de son histoire. Beaucoup d’Américains appelaient l’Amérique à faire pénitence, à demander pardon pour leurs fautes envers le monde.
Cette séquence de l’histoire avec l’entrée en jeu d’un cataclysme naturel, l’ouragan Katrina, a changé les donnes et installé le doute dans l’establishment américain. L’ouragan et les dévastations qui ont suivi, coïncidant avec la crise iranienne, ont probablement fait prendre conscience à l’administration de Bush qu’ils ne sont pas maîtres de leur destinée. Et bombarder l’Iran qui n’a mené aucune agression contre un pays tiers, et combien même il aide un pays voisin, relève de la légitimité politique en tant que pays souverain. Et de se prévenir aussi contre une agression américaine, et probablement le programme nucléaire iranien entre dans cette recherche de se créer une immunité nucléaire contre la terreur que ne cesse les Américains de brandir contre l’Iran.
Ceci étant, et en revenant à l’avertissement de Bill Gates sur une pandémie mondiale, après ces arguments historiques développés, faut-il craindre son irruption et, pouvant provoquer la mort de plusieurs millions d’êtres humains ? Il y a effectivement ce climat de menace pandémique qui s’est installé dans le monde depuis le début des années 2000. Le SRAS a affecté d’abord la Chine, entre 2002 et 2003, puis s’est étendu à 27 pays, de différents continents. La grippe A (H1N1) en 2009, dont le taux de mortalité est très faible. L’épidémie Ebola qui a sévi en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2015 et qui a fait plus de 11000 morts.
Et aujourd’hui, le virus Zika qui a frappé le Brésil (1,5 millions de cas selon l’OMS en janvier 2016), et s’est étendu à une trentaine de pays. Heureusement, ses effets ne sont pas mortels.
Par conséquent, l’avertissement de Bill Gates n’est pas vain, « cependant on ne peut penser que ce qui s’est passé en Europe, il y a sept siècles, puisse se reproduire. » Certes, personne n’est devin, il faut seulement espérer que les peuples cessent de s’entredéchirer, et que les grandes puissances font preuve de responsabilité dans ces tragédies, et ne soufflent plus sur les braises. Quant aux 33 millions de morts en 250 jours qu’annonce Bill Gates, peut-on se fier sur ce nombre macabre ? (2)
Cette analyse n’a été initiée que pour dire qu’il appartiendra aux forces historiques de trancher sur les litiges (enjeux géostratégiques, intérêts vitaux, etc.) qui opposent les puissances.
Enfin, une autre situation se présente au monde aujourd’hui. « L’Occident ne colonise plus le reste du monde, celui-ci est déjà colonisé par le pouvoir financier mondial. » Mais, ce qui se passe est qu’il se produit le phénomène inverse à ce que fut la colonisation des siècles passés. « Ce n’est plus le monde colonisé qui a été libéré, mais l’Occident qui commence à être colonisé par l’ex-monde colonisé. » Ironie de l’histoire, la colonisation n’est plus par le feu et le sang, mais par « une colonisation pacifique, humanitaire », qui est en train de se jouer en Europe, et dans les autres pays occidentaux (Australie, Canada, États-Unis). Il y a d’ailleurs des plans d’émigration et donc de peuplement et de repeuplement de l’Occident.
L’Europe sait qu’elle gagne actuellement avec les migrants, mais ne le dit pas. Ce phénomène nouveau prend de l’ampleur en ce début de XXIe siècle. Le dépeuplement gagne l’Europe. « Selon les dernières projections d’Eurostat, la population de l’Union européenne dans sa configuration actuelle diminuerait de 108 millions d’habitants à l’horizon 2080. Les 507 millions en 2014 passeraient à 399 millions en 2080, en l’absence de migrations. La population d’origine étrangère en Europe serait évidemment bien supérieure si l’on y ajoutait l’effet de l’immigration passée, celui des unions mixtes et des différentiels de fécondité qui ne sont pas pris en compte. (…) D’ici 30 à 40 ans, on assistera à un boom des décès, notamment en Europe du Nord et de l’Ouest. Dans ces conditions, l’immigration apparaît comme une solution indispensable pour freiner le déclin démographique de l’Europe. » (3)
Et ce sera à la population étrangère ou métissée qui aura à remplir pour une bonne part les caisses de retraite. Et tout cela compte. Puisque 30% la population active de l’UE aura de plus de 65 ans en 2060 contre 18% actuellement. Et, en 2080, le chiffre aura à augmenter
« L’Allemagne ne comptera que 50 millions sur les 80 millions qu’elle compte aujourd’hui. » L’Espagne, la Russie, sont aussi menacés. De même le Japon, qui est confronté au déclin démographique. Les chiffres sont pratiquement similaires à l’Europe du fait du faible taux de natalité et du taux de vieillissement. « En 2060, les plus de 65 ans au Japon représenteront près de 40% du total contre plus de 20% aujourd’hui. Certains pensent que le gouvernement laisse délibérément sa population diminuer plutôt que de s’ouvrir à l’immigration. Cela lui permettrait aussi de résoudre le problème du financement de son vieillissement. » (4)
Ces chiffres ne sont donnés que pour faire comprendre que le monde en 2060, 2080, ou dans un siècle, ne sera plus ce qu’il est aujourd’hui. L’Europe se transformera totalement, elle sera multiculturelle comme les États-Unis. Et c’est la raison pour laquelle il faut apporter une approche critique, historiciste qui sort de la vision historienne classique pour comprendre les forces qui bouleversent et transforment l’humanité dans le cours de l’histoire.
Medjdoub Hamed
Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
www.sens-du-monde.com
Notes :
1. - « The most predictable disaster in the history of the human race », publié par Ezra Klein. Le 27 mai 2015
http://www.vox.com/2015/5/27/8660249/gates-flu-pandemic
- « Le monde doit se préparer à une pandémie mondiale, prévient Bill Gates », publié par La Presse, Canada, le 28 janvier 2015
2. « Bill Gates : une pandémie peut faire 33 millions de morts en 250 jours », par Sputik France. Le 28 mai 2015
http://fr.sputniknews.com/international/20150528/1016311297.html#ixzz40pNes9mn
3. « L’immigration, la solution au déclin démographique en Europe ? » publié par le Capital. Le 04 septembre 2015
4. « Baisse record de la population japonaise en 2013 » par RFI. Le 02 janvier 2014.
http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20140102-japon-demographie-baisse-2013-femme-travail-immigration
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