Les tristes lamentations du secrétaire général de la CFDT devant « le mépris » gouvernemental
Ahurissant, mais tellement révélateur, l’article du secrétaire général de la CFDT paru dans "le Monde" du 6 juin 2008, intitulé « Pourquoi le gouvernement traite-t-il le dialogue social par le mépris ? » ! M. Chérèque avait déjà été obligé, le 20 novembre 2007, de s’enfuir à toutes jambes d’une manifestation syndicale contre la réforme des régimes spéciaux de retraite ; un groupe de manifestants qui ne lui pardonnaient pas ses appels à mettre fin à la grève, l’avaient pris à partie aux cris de “Chérèque avec les patrons”, “Sarkozy-Chérèque même combat”. (1)

Le voici en train de gémir maintenant pour s’être fait rouler comme un bleu par le gouvernement au sujet de la déréglementation du temps de travail, insidieusement inscrite « à titre expérimental » dans un accord entre CGT, CFDT et les principaux syndicats patronaux, qui portait sur la représentativité syndicale. Le gouvernement entend en fait que, loin d’être expérimentaux les dépassements du « contingent conventionnel d’heures supplémentaires prévu par l’article 17 de la position commune » deviennent la règle. Adieu les 35 heures !
Naïveté ou aveuglement ?
Le secrétaire général de la CFDT crie à la trahison gouvernementale en protestant de la pureté de ses intentions de syndicaliste engagé dans un bouleversement « historique », dit-il, visant à remplacer « l’affrontement et la méfiance » par « le dialogue social et la recherche de compromis ». Faut-il qu’il soit naïf ou aveugle pour ne pas se rendre compte que tout ce qu’on lui offre de négocier c’est le démantèlement du contrat social établi par le programme du Conseil national de la Résistance de 1945. Certains responsables patronaux ne s’en cachent même pas. (2)
Du coup, il ne perçoit pas l’ironie de la présidente du MÉDEF qui, dit-il encore pour s’en réjouir, a joint sa voix à la sienne pour se plaindre du non-respect par le gouvernement de l’accord intersyndical. Elle a, en effet, l’élégance de ne pas se réjouir trop ouvertement que la mariée soit si belle pour le patronat : il ne faut surtout pas humilier un partenaire si conciliant qui a permis de revenir vers le 19ème siècle quand la limitation de la durée du travail était une priorité.
En revanche, il s’étonne que les autres syndicats qui se sentent floués par le projet des nouvelles règles de représentativité syndicale favorables aux grandes centrales, « tirent à boulets rouges sur la CGT et la CFDT » qui ont accepté de signer ce document. Et il en vient sans rire à reprocher au gouvernement d’avoir « (provoqué) la zizanie entre les organisations syndicales » Sans blague ! Sûr que le gouvernement doit en être affligé ! Comme si ce n’était pas l’objectif de tout pouvoir face à un front syndical !
Un syndicalisme de compagnie
La notion de syndicalisme est devenue bien curieuse dans l’esprit de ce leader syndical. Un petit retour sur l’Histoire romaine lui serait utile : les tribuns de la plèbe qui jouaient grosso modo un rôle comparable de contre-pouvoir, avec droit de veto et immunité dans l’exercice de leurs fonctions, étaient systématiquement ou corrompus ou assassinés par les patriciens. Qu’on se souvienne des deux frères Tiberius et Caius Gracchus ! On reste donc confondu par les croyances ingénues que le secrétaire général de la CFDT affiche sans craindre de se discréditer davantage.
1- Croire à la négociation sans rapport de forces favorable
Il se flatte de vouloir développer « la culture du dialogue et de la négociation ». Or, il semble l’oublier, cette culture ne se décrète pas : elle se pratique et éventuellement s’inscrit dans la durée pourvu qu’un rapport de forces équilibré y contraigne les parties. Il faut croire que le gouvernement a jugé que le rapport de forces lui était favorable pour oser ce coup de force.
Un responsable syndical peut-il être pris au dépourvu à ce point ? Il est vrai qu’une vie douillette de permanent, érigé en interlocuteur des princes, avec voiture de fonction et chauffeur, qu’il y ait ou non « fluidification sociale » à la UIMM, ne prédispose pas à la méfiance envers le pouvoir qui a toute raison de chérir un auxiliaire aussi empressé. Mais il arrive que le rapport de forces qui importe seul au pouvoir, conduise celui-ci à quelques brutalités sans égards pour le délicieux partenaire syndical qu’il était devenu. Est-ce nouveau ?
2- La recherche insensée du compromis
Étonnante aussi ce que devient dans l’esprit d’un apparatchik la définition d’ « un syndicat responsable » quand on l’entend dénoncer « des syndicats peu responsables parce que peu responsabilisés, adoptant une attitude de rejet plutôt que de recherche de compromis. » On ne saurait mieux diagnostiquer ce qui fait la faiblesse de ce syndicalisme de compagnie dont a profité aussitôt le gouvernement car un syndicat responsable, selon M. Chérèque, écarte le rejet et privilégie le compromis.
Bien au contraire, l’irresponsabilité d’un syndicat au regard des intérêts de ses adhérents n’est-elle pas dans la recherche insensée du compromis à tout prix quand tout ou presque est à rejeter ? Il est pathétique d’entendre le secrétaire général de la CFDT reprocher au gouvernement de « (renvoyer les syndicats) à (leurs) banderoles » et à « une seule posture possible, celle de la contestation ». N’est-ce pas la fonction même d’un contre-pouvoir dont ce leader syndical a oublié jusqu’à l’idée ? Et pour cause, sa dernière manif lui a laissé un souvenir cuisant.
On le comprend. Le pauvre homme ne sait plus à quel saint se vouer. D’un côté, des manifestants le huent, et de l’autre, le pouvoir se moque de lui. Ce n’est peut-être pas plus mal. Qui sait si ne vont pas enfin s’ouvrir des yeux qui restaient rigoureusement fermés depuis des années sur les atteintes aux droits de la Personne et sur la suppression méthodique des moyens légaux de les prévenir ou de les réprimer, de la négociation au recours juridictionnel ? Tantôt la loi a été vidée de son contenu, tantôt elle a été rendue inoffensive, tantôt elle n’a pas été appliquée. Cette nouvelle ruse gouvernementale peut être salutaire si elle contraint le syndicalisme fourvoyé dans une illusoire alliance de l’eau et du feu , à abandonner le rôle de supplétif du pouvoir pour retrouver celui de contre-pouvoir qui est le sien. Paul Villach
(1) « Chérèque fuit en courant une manifestation syndicale : image symbolique du conflit ? » , AGORAVOX, 21 novembre 2007.
(2) Dans Challenge du 4 octobre 2007, Denis Kessler écrit notamment :
« Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde !
Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. (…) Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme…
A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
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