Obama se déclare ennemi des pays d’Amérique latine qui ont déclaré leur indépendance des Etats-Unis, comme le Venezuela de Chavez et la Bolivie d’Evo Morales. Il affirme sur son site de campagne que G.W. Bush n’a pas été efficace vis-à-vis des « démagogues » du sous-continent et qu’il fera tout pour rendre la liberté à Cuba, à commencer par la libération des prisonniers politiques : les Etats-Unis doivent y exporter la démocratie (comme en Iraq ?). Il est pour le maintien de l’embargo.
Des promesses en matière de politique intérieure impossibles à tenir
Si la politique extérieure reste aussi agressive que celle de ses prédécesseurs, on se demande où Obama trouvera l’argent pour rétablir un minimum de justice sociale dans son pays. Les sept années de croissance ininterrompue des Etats-Unis n’ont profité qu’à la petite minorité des plus riches, au détriment des travailleurs pauvres, des chômeurs, des Africains-Américains et de tous ceux qui sont expulsés par milliers de leur maison qu’ils ne peuvent plus rembourser. Les inégalités se sont creusées et les conditions de travail se sont détériorées. C’est pourquoi beaucoup de pauvres, parmi lesquels de nombreux anciens électeurs républicains, ont placé tous leurs espoirs dans Barack Obama, bien qu’il ait voté avec les Républicains pour le plan Paulson, ce cadeau monstrueux de 700 milliards de dollars fait aux « banksters » - la plus grande escroquerie financière de l’Histoire.
Bill Clinton avait promis une couverture de santé pour les plus démunis et une redistribution sociale plus équitable au cours de sa campagne de 1991. Mais, pendant ses deux mandats, il a remis en cause des acquis sociaux existants, cependant qu’il augmentait le budget militaire.
Obama n’est pas partisan de l’Etat-Providence, il ne s’adresse pas aux classes pauvres, mais aux classes moyennes, en voie de paupérisation. Il n’est pas partisan d’une couverture médicale universelle. Il veut rendre les travailleurs « plus mobiles et moins résistants aux changements ». Selon lui, les inégalités seraient dues à des différences dans les niveaux de formation et de compétences, et non à « un transfert radical et historiquement sans précédent de la richesse, des travailleurs vers les propriétaires du capital », note Bill van Auken, qui poursuit : « L’essence de l’approche d’Obama sur les questions économiques, comme l’ensemble de sa candidature, est de chercher à réconcilier l’irréconciliable. Il dit avoir de la sympathie pour les chômeurs, ceux qui n’ont pas de couverture-maladie… sans exprimer la moindre hostilité envers les parasites financiers responsables de ces conditions : les PDG aux salaires mirobolants, les gestionnaires de fonds de placement à risque, les investisseurs banquiers et les spéculateurs de biens de consommation ».
Après Albert Gore (pressenti pour être en charge des questions environnementales dans la nouvelle administration), qui avait vanté les vertus écologiques de l’énergie nucléaire dans son livre « Earth in the Balance », le manifeste du parti démocrate sur le sujet en 2000, Obama estime que cette source d’énergie reste d’actualité dans le contexte du changement climatique.
Par ailleurs, il veut préserver le 2e amendement de la Constitution américaine, qui autorise le port d’armes, et il est partisan de la peine de mort dans certains cas, comme le viol d’enfants.
Les Etats-Unis gouvernés par un parti unique : les « Republicrats », à la solde du complexe militaro-industriel, des grandes corporations et d’Israël
Plus que jamais, la collusion des deux grands partis, qui forment une « hydre à deux têtes », selon la formule de Ralph Nader, est patente. Barack Obama a obtenu le 18 octobre dernier, après l’avoir courtisé pendant des mois, le soutien de Colin Powell, ancien chef d’état-major des armées américaines, ancien secrétaire d’Etat de Georges W. Bush. C’est le discours de Powell devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, le 5 février 2003, qui a permis à l’administration Bush de déclencher l’agression contre l’Iraq, à l’origine de plus de 1.200.000 morts (The Lancet) et d’éradiquer quasi totalement l’Iraq de la carte du monde. « Ce matin, un grand soldat, un grand homme d’Etat et un grand Américain s’est rallié à notre campagne pour changer l’Amérique”, a déclaré Obama (Les Echos, 27 octobre 2008). Avant l’Iraq, ce « grand homme » s’était également distingué en faisant tout pour dissimuler le massacre de My Lai au VietNam.
De nombreux autres Républicains, souvent anciens membres de l’administration Bush ou Reagan, se sont ralliés à lui, et il existe même des sites de « Républicains pour Obama ». La femme de Cheney, autre grand criminel de guerre, a révélé à la télévision que son mari était « un cousin au 8e degré » d’Obama, qui s’est empressé cette annonce, parlant de « Dick Cheney, mon cousin ». Dans son brillant livre-programme, L’Audace d’espérer, « Barack Obama dit des Républicains « comprendre (leurs) motivations et reconnaître chez eux des valeurs [qu’il] partage ». Il a rendu hommage à l’ancien président Bill Clinton pour avoir « extirpé du Parti démocrate certains des excès qui l’empêchaient de gagner les élections » (cité par Serge Halimi, Le Monde Diplomatique, septembre 2008).
Le Congrès, à majorité démocrate depuis les élections de 2006 grâce aux voix des pacifistes, a approuvé le financement des guerres contre l’Afghanistan et l’Iraq, permis la construction de l’ambassade des Etats la plus grande dans le monde à Bagdad ainsi que l’installation de bases permanentes en Iraq, et refusé de lancer une procédure d’Impeachment contre « les criminels récidivistes » (Ralph Nader) Bush et Cheney.
Lors de son premier débat avec John McCain, le 26 septembre, Barack Obama a déclaré qu’il voulait « restaurer la position des États-Unis dans le monde » et qu’il fallait que les Américains comprennent que « la perception entretenue par le monde à l’endroit des États-Unis allait faire la différence dans la capacité de travailler ensemble, notamment pour déraciner le terrorisme ». Dès mars 2008, il annonça : « Ma politique étrangère se veut un retour à la politique réaliste et bipartisane du père de George Bush, de John Kennedy et, à certains égards, de Ronald Reagan ».
Une machine de propagande gigantesque pour Obama, et un black out total sur les autres candidats
De même que lors des primaires, les candidats à l’investiture des deux grands partis, comme Ron Paul (Républicain anti-guerre) ou Dennis Kucinich (aile gauche des Démocrates, le favori des pacifistes) avaient été occultées pendant les primaires, les « troisièmes » candidats ont été totalement ignorés : Ralph Nader, Cinthya MacKinney (la candidate des Verts, ancienne sénatrice démocrate anti-guerre africaine-américaine), Bob Barr (parti libertarien), Jerry White (Socialist Equality Party)...
La machine de propagande du candidat Obama était extrêmement puissante… Le coût de la campagne de 2008 devrait coûter au total plus de deux milliards de dollars » (selon le Center for Responsive Politics), le candidat démocrate ayant bénéficié du double de la somme de son concurrent, soit 639,2 millions de dollars, dont seul un quart seulement proviendrait de petits donateurs. En fin de campagne, Barack Obama a fait diffuser un publi-reportage de 30 minutes de trois millions de dollars sur sept grandes chaînes de télévision nationales. Ses spots publicitaires ont été quatre fois plus nombreux que ceux de McCain dans les dix-huit « Swing States » (Etats où sont élection n’était pas assurée). Obama, a orienté ses clips de campagne sur Internet (qui a joué un rôle important dans l’élection) essentiellement en direction des jeunes et des minorités raciales, alors que l’Amérique blanche est en passe de devenir minoritaire aux Etats-Unis. Il aurait ainsi obtenu 70% des votes chez les nouveaux électeurs. (1)
Face à ce déluge de dollars distribués au parti unique par les grandes corporations, les candidats des petits partis, dont la plupart des électeurs américains ne connaissaient même pas l’existence, n’avaient aucune chance d’obtenir un score honorable. Par exemple, Ralph Nader, uniquement financé par des petits donateurs et l’aide légale de l’Etat, a collecté au total 4 millions de dollars soit l’équivalent de ce qu’Obama a recueilli en moyenne par jour !
En outre, depuis que l’outsider Ross Perot a obtenu plus de 18% des voix en 1992, les petits partis sont exclus des grands débats télévisés, qui ont un poids déterminant dans le résultat final.
L’élection d’Obama aurait-t-elle été programmée de longue date ?
Pour conserver leur hégémonie dans le monde, les Etats-Unis ont besoin de redorer leur image, très dégradée par les deux mandats de « Bush l’idiot », le président le plus impopulaire de toute l’histoire des USA. Le choix de MacCain, un candidat âgé, falot, peu brillant, peu avenant et homme du passé (associé à la guerre du VietNam), dans lequel ne pouvaient se reconnaître les nouvelles générations d’Américains, a inéluctablement favorisé l’élection de Barack Obama. MacCain et sa colistière extrémiste Sarah Palin auraient pu être utilisés comme repoussoirs pour mieux faire élire le candidat démocrate.
D’autant que les Américains sont préoccupés plus que jamais par leur situation sociale, depuis la « crise financière » - survenue à un moment fort opportun pour le candidat démocrate-, et qu’ils sont opposés à une large majorité (deux tiers) à des interventions à l’étranger, qui grèvent lourdement le budget de l’Etat alors que toutes les infrastructures du pays se dégradent (dans les secteurs-clefs comme l‘éducation, la santé, les transports…). C’est ce courant majoritaire anti-guerre qui avait permis aux Démocrates de reprendre le contrôle du Congrès en novembre 2006.
D’autres questions se posent auxquelles il est difficile actuellement de trouver des réponses : pourquoi le même Colin Powell a-t-il prévu des « événements très graves » qui se produiraient en janvier 2009 pour « tester » le nouveau président ? Cela a-t-il un quelconque rapport avec le soutien de Powell qui était convoité par Obama ? Joseph Biden a prévu lui aussi des événements graves dans les mois suivant l’élection. Par ailleurs, John Bolton, l’ancien ambassadeur aux Nations Unies, un faucon notoire, a prédit qu’Israël pourrait attaquer l’Iran après l’élection, avant l’intronisation du nouveau président (The Daily Telegraph). Faut-il alors redouter de nouveaux attentats terroristes qui fourniraient l’alibi idéal à Obama pour ne pas suivre son programme (celui des primaires, conçu pour conquérir les progressistes, qui sont depuis restés subjugués par le candidat, en dépit de sa radicalisation à la droite extrême).
Comme l’écrit justement Serge Halimi : Obama « paraît donc mieux armé qu’un autre pour « renouveler le leadership américain dans le monde ». C’est-à-dire réhabiliter la marque Amérique, rendre plus performantes parce que mieux acceptées — et plus accompagnées — les interventions des Etats-Unis à l’étranger… Pour ceux qui rêvent encore qu’un président « multiculturel » né d’un père kenyan serait le signe de la venue d’une Amérique new age et la farandole d’une ronde où tous les gars du monde se donneraient la main, le candidat démocrate a déjà dit qu’il s’inspirerait moins des Pink Floyd ou de M. George McGovern que de la politique étrangère « réaliste et bipartisane du père de George Bush, de John Kennedy et, à certains égards, de Ronald Reagan »(2).
Avec Barack Obama, la fin de l’hégémonie des Etats-Unis dans le monde n’est pas pour demain, et le mouvement pacifiste n’est pas près de renaître de ses cendres…
Joëlle Pénochet