PISA 2012 : Echec en maths pour la France
Ca y est le PISA nouveau est arrivé. Et ça fait mal à la France : 25ème sur 65, dans notre discipline d'excellence que sont les Mathématiques, (-16 points par rapport à 2003, 495 contre 511 ). Notre Ministre de l'Education Nationale a beau jeu d'attribuer cet échec à l'ancienne majorité politique qui, entre autre, avait supprimer la formation initiale des enseignants. Mais au delà du classement, les résultats en terme d'inégalités des jeunes dans l'acquisition des connaissances est bien réelle. Le collège unique se révèle n' être qu'une machine à trier, à sélectionner les meilleurs et à stigmatiser l'échec. D'unique, le collège n'est plus qu'un système inique. (1)
PISA 2012 : DES PAYS PARTICIPANTS DIVERS ET VARIES
Les 65 pays participants, par leurs différences sociologiques, biaisent les résultats. Ainsi il n'est pas étonnant que les premières places en Mathématiques , matière très corrélée avec les origines sociales, soit prises par des villes comme Shanghaï , métropole où 80 % des bacheliers poursuivent leurs études, (qui obtient la première place à PISA 2012 avec seulement 4 % d'élèves "peu performants" ) ou par des micro-Etats comme Singapour, Hong-Kong, Taïpei, Macao ou plus près de nous le Liechtenstein, pays où la composition sociologique des habitants est sans commune mesure avec celle d'un pays comme la France. Si l'échantillon était limité aux établissements parisiens, nul doute que le classement serait très différent.
Un autre paramètre est à intégrer dans l'étude, c' est l'hétérogénéité des parcours scolaires de l'échantillon. Ainsi, en France,en 2003, 40 % des élèves de 15 ans participant aux tests n'avaient pas encore intégré le lycée et étaient " en retard". La diversité des parcours, et l'inégalité des niveaux de connaissances et de compétences sont à prendre en compte dans l'interprétation des résultats. Les résultats de la confrontation d' un élève en classe de 1 ère scientifique et d'un élève en SEGPA sont connus d'avance et certians se désoleront, comme le font certains commentateurs, en concluant que les élèves en échec ou en "structures adaptées" plombent encore les résultats.
Cette diversité de niveau scolaire est aussi en soi révélatrice du caractère particulièrement inégalitaire de notre système qui condamne, par le redoublement, ou la relégation de trop nombreux élèves à un retard dans leur parcours scolaire qui se transforme en handicap pour la suite de leur avenir. L'analyse des résultats de l'étude le confirme.
QUE REVELE PISA 2013 POUR LA FRANCE ?
Voici les extraits du rapport sur la France (FRANCE –Note par pays –Résultats du PISA 2012)
- Par rapport aux résultats de 2003, il y a à peu près autant d’élèves très performants (niveau 5 ou 6 de compétence) en France, mais surtout beaucoup plus d’élèves en difficulté (sous le niveau2 de compétence), ce qui sous-entend que le système s’est dégradé principalement par le bas entre 2003 et 2012.
- L’écart de performance en mathématiques entre les garçons et les filles en France (9 points) se situe légèrement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (11 points) et est resté stable depuis 2003, masquant en fait un recul similaire des résultats des garçons et des filles.
- Le système d’éducation français est plus inégalitaire en 2012 qu’il ne l’était 9 ans auparavant et les inégalités sociales se sont surtout aggravées entre 2003 et 2006 (43 points en 2003 contre 55 en 2006 et 57 points en 2012). En France, lorsque l’on appartient à un milieu défavorisé, on a clairement aujourd’hui moins de chances de réussir qu’en 2003.
- Les élèves issus de l’immigration sont au moins deux fois plus susceptibles de compter parmi les élèves en difficulté. La proportion d’élèves issus de l’immigration se situant sous le niveau 2 en mathématiques lors du cycle PISA 2012 ne dépasse pas 16 % en Australie et au Canada, mais atteint 43 % en France et globalement plus de 40% uniquement en Autriche, en Finlande, en Italie, au Mexique, au Portugal, en Espagne et en Suède.
- En France, les élèves issus d’un milieu socio-économique défavorisé n’obtiennent pas seulement des résultats nettement inférieurs, ils sont aussi moins impliqués, attachés à leur école, persévérants, et beaucoup plus anxieux par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE.
- En France, la corrélation entre le milieu socio-économique et la performance est bien plus forte que dans la plupart des autres pays de l’OCDE, et pourtant le score obtenu en mathématiques demeure quant à lui au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE.
- La performance des élèves en mathématiques varie selon leur milieu socio-économique dans la plupart des pays participants, mais la France est le pays de l’OCDE où les écarts sont les plus grands.
- Le manque d’équité du système français se traduit, en termes de classement dans l’enquête PISA, par un écart de 20 places si l’on compare les performances des élèves issus des milieux les plus favorisés à celles des élèves issus des milieux les plus défavorisés. Ainsi, lorsque l’on compare lors du cycle PISA 2012 uniquement les performances en mathématiques des élèves les plus favorisés (ceux du 1er quartile de l’indice), la France se classe en 13e position sur les 65 pays.En revanche, si l’on compare uniquement les performances en mathématiques des élèves les plus défavorisés (ceux du dernier quartile de l’indice), la France n’arrive qu’en 33e position, soit 20 places de moins, ce qui représente l’écart le plus marqué de tous les pays et économies participant au cycle PISA 2012
- La France compte parmi les pays où les élèves ont le moins confiance en eux concernant leurs compétences en mathématiques et font le moins preuve de persévérance pour résoudre des problèmes de mathématiques.
- En 2012, la France se classe toujours parmi les pays de l’OCDE où le niveau d'anxiété est le plus élevé, même si ce niveau n’a pas changé depuis 2003.
- Le nombre de redoublants a diminué en France depuis 2003, mais reste toutefois très élevé.L’enquête PISA montre que les systèmes qui regroupent les élèves selon leurs aptitudes dans différents établissements et programmes, ou qui utilisent le redoublement, n’affichent pas de meilleurs résultats que les systèmes ne recourant pas à ces pratiques.
- La France est aussi le pays qui demande le moins de retour d’information de la part de ses élèves sur les leçons, les enseignants et les ressources, et où le tutorat pour les enseignants est le moins développé de tous les pays participants.
En conclusion l'enquête confirme le caractère profondément inégalitaire de notre système scolaire orienté vers l'émergence d'une élite et qui continue à consacrer ses moyens humains à la réussite des meilleurs aux dépends de l'acquisition par tous d'un socle de connaissances fondamentales. Système inique qui transforme le collège en machine à trier et à sélectionner les meilleurs, en tournant le dos à ceux qui à un moment où un autre éprouvent des difficultés.
REFONDER LE COLLEGE UNIQUE : UNE IMPERIEUSE NECESSITE
La mission donnée à l'école élémentaire et au collège, d'être le lieu des enseignements fondamentaux, a été au fil du temps et des réformes discrètement abandonnée. Peu à peu, face aux difficultés liées à la massification et à la diversité des origines sociales et culturelles des élèves et collégiens d'aujourd'hui, on a renoncé à apprendre à penser et à amener toute une classe d'âge à la maîtrise d'un "socle commun de connaissances". Dans les quartiers difficiles, on s'est mis à distraire les élèves. On est passé de l'écoute à l'action, du cours à l'exercice, de la transmission de connaissances à l'acquisition de compétences comme si l'éducation devait se résumer à du training en salle. Pendant que l'institution s'agite, les élites à coup de cours particuliers, de dérogation pour l'accès aux établissements dits "d'excellence", se préparent à des études longues.
Les résultats de l'enquête PISA 2012 ne font que confirmer cette tendance d'un système qui consacre ses moyens les plus importants pour dégager à chaque niveau les meilleurs et qui renoncent à aider ceux qui éprouvent des difficultés. Il y a certes les exercices et les devoirs mais la dictature des notes prend le dessus sur l'acquisition de connaissances en stigmatisant sans essayer de remédier, il y a les classes de niveaux, discrètes mais efficaces pour regrouper les meilleurs, il y a les redoublements sanctions en fin d'année, les orientations précoces vers les filières de relégations pour les uns, l'orientation vers les lycées de centre-ville pour les autres. On discrimine les zones urbaines et on catégorise les établissements : classé ZEP ou non. Il y a les cordées de la réussite pour faire entrer dans la cour des grands quelques réussites individuelles qu'il faut s'empresser d 'exfiltrer des établissements "poubelles" des quartiers populaires. On trie sans cesse, sans se préoccuper de ce que chacun acquiert réellement. Mais comme il est impossible de faire disparaître ceux que l'échec à reléguer, le résultat d'ensemble de ce système inégalitaire et élitiste ne peut que se détériorer au fil du temps.
Pour que notre pays progresse dans son ensemble, en terme d'acquisition d'une culture scientifique et littéraire commune, il faut se donner les moyens pour enfin pouvoir poser des actes à la parole des discours politiques et aux mots des directives ministérielles. Il faut pouvoir mettre en pratique la volonté du Haut Conseil de l'Education, dans le rapport 2010 sur le collège, qui affirme que dans le prolongement de l’école élémentaire, le collège doit achever l’acquisition par toute une classe d’âge des connaissances et des savoir-faire indispensables à la vie dans la cité aujourd’hui.
Des moyens sont nécessaires, mais il faut aussi changer le regard porté sur la classe. Elle doit accueillir des élèves regroupés sans aucun autre critère que le hasard et doit avoir pour seul objectif de conduire tous les élèves embarqués dans ce même bateau,pour une période impartie ( le trimestre, l'année ), à la maîtrise de savoirs et de connaissances , en mettant en oeuvre des moyens adaptées aux difficultés que chacun rencontre. On ne peut pas ni ne doit négocier sur les connaissances à acquérir jusqu'à la fin du collège, c'est sur les moyens à mobiliser pour chacun des élèves que doit se faire la différenciation. A chacun son chemin pour arriver au même but.
Suscitons l'émulation des élèves vers la réussite collective de la classe dans des évaluations nationales régulières, constatons les difficultés, bannissons les redoublements et les orientations précoces et persévérons dans l'accompagnement des élèves jusqu'à la réussite. Il ne fait pas de doute que dans cette dynamique de la réussite de l'ensemble de la classe les bons élèves s'investiront et se réjouiront d'y prendre part. La réussite de notre pays à donner à chacun son lot de savoirs et de connaissances qui l'accompagneront et l'aideront à s'émanciper est à ce prix.
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(1) Voir l'article :le schema actanciel vive le college pour tous
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