Pourquoi pas le Socialisme ?
En effet, comment se fait-il que ceux, chez qui subsisterait la moindre parcelle de bon sens et qui ne feraient pas partie du petit pourcentage d'exploiteurs, ne se rallient pas comme un seul homme au socialisme dont le fondement est : partage et liberté ?
Nombreux sont ceux qui, à cette assertion, répondront que j'enfonce une porte ouverte ou bien que les gens sont des veaux ou bien qu'ils ont le cerveau lavé par la propagande libérale. Ils auraient peut-être raison, néanmoins peut-on se résoudre à ne jamais poser cette question, accepter cette réalité comme un état de fait, une vérité incontournable, comme qui dirait naturelle ?
Ma lecture récente de « Quai de Wigan » de George Orwell, m'a remis ce problème en tête. Et il est incroyable de voir que les arguments qu'il donne, en 1936, restent inchangés à ce jour ; percutants.
Oui donc, pourquoi n'y a-t-il pas un ralliement général ?
Outre le fait qu'on n'aime guère s'aventurer dans un inconnu, à l'aveuglette, ceux qui servent d'éclaireurs ne font pas l'unanimité ! Même Jésus, le Bouddha ou Mahomet n'ont pas réussi cet exploit. Nous devrions en conclure qu'il est vain d'attendre celui (ou ceux ) qui nous convaincra ; si la conviction n'est pas ancrée en nous, il y a peu de chances d'agrandir les troupes. Or cette conviction devrait se faire sur le but à poursuivre et non pas sur les belles paroles ou sur les arguments, ponctuels ou événementiels.
Ceux qui sont convaincus ne le sont pas de la même manière ni au même degré ; cela dépend bien entendu de la classe sociale à laquelle ils appartiennent ( et ce n'est pas un hasard si le PS aujourd'hui n'a plus rien de socialiste mais se vautre dans le capitalisme le plus dévergondé) ; cela dépend de leur histoire personnelle, de leur sensibilité, de leur intelligence ; bref, un panel impressionnant de différences ! Mais la plupart des convaincus le sont principalement dans leur tête et bien peu dans leur chair, aussi prennent-ils plus de temps et de plaisir – pour ne pas dire tout leur temps et tout leur plaisir- à haïr la classe dirigeante, la dénigrer, ce qui est logique et bienvenu parfois, mais qui ne se lassent pas de tourner indéfiniment en rond dans le même bocal . Seuls les élites de parti, ceux qui s'engagent parfois jusqu'à faire métier de la politique, exhibent un programme, forcément coupés en petits bouts selon les problèmes du moment et ces petits bouts, pris un par un, provoquent l'adhésion de quelques-uns, sur ce sujet précis mais en éloignent d'autres ! Ainsi, sur l'école par exemple, le projet du parti, déplaira à l'un ou l'autre, pourtant socialiste de cœur, parce que justement, sur ce sujet là, il a d'autres vues. Et ceci, dans tous les domaines que l'on puisse trouver !
Si bien que les commentaires et les critiques prennent cette forme : « Mélenchon ? Ah, non, tu as vu sa position sur la politique extérieure ? ». Argument ou prétexte, nul ne le sait !
Pour en revenir à l'école, et si ce n'est pas un hasard qu'elle coalise tous les problèmes de société, elle devrait pourtant être pour tout socialiste, le lieu d'un engagement de la part de toutes ses composantes : enseignants, administratifs, élèves et parents. Cela fait pas mal de monde tout compte fait ! Elle devrait être là pour éduquer et instruire une jeunesse qui sera l'avenir, cet avenir qu'on espère meilleur. Mais tout le monde chipote et comme il est acquis que tout passe par l'argent, et puisque le gouvernement affirme qu'il n'y a plus d'argent, alors tout part à vau-l'eau. Certains pensent avec raison que de l'argent il y a, mais qu'il n'est pas dans les bonnes poches ; avant de faire quoique ce soit pour l'école, il faut donc résoudre ce problème ! En attendant on ne fait rien car l'argent seul sait faire naître des vocations.
Le talent et la passion de la pédagogie, alliés à la détermination et au savoir ont toujours été chose rare !
Connaissant, comme beaucoup, des enseignants, étant même tombée dedans quand j'étais petite, j'entends les plaintes et les lamentations ; je vois les dépressions et même des démissions ; cependant une constatation nouvelle apparaît : les jeunes profs ou instits n'en ont rien à foutre ! Ils font leurs heures, bien contents s'ils ont réussi à maintenir un semblant de discipline, attendent les vacances et se fichent éperdument des résultats ; leurs aînés qui ont passé leur carrière à y croire sont désabusés, fatigués. Les bons profs étaient rares mais chaque élève avait une chance d'en rencontrer un au cours de sa scolarité, il semble qu'aujourd'hui ce ne soit plus le cas ! On me dit que mieux payés, travaillant moins, les nouveaux arrivants deviendraient bons ! Peut-être, je ne saurais me prononcer sur cette question tant elle est éloignée de mon mode de pensées.
Dans le monde paysan, on dit qu'il faut être vraiment acculé ou stupide pour manger sa propre semence. Nous devons donc en être là ! Ne pas semer pour l'avenir c'est se contraindre à une mort certaine. Là comme ailleurs tout le monde compte sur les autres pour améliorer son sort et pourtant vote mal !
Donc, les programmes des partis politiques, contraints pour élection d'être le plus précis possibles, évidemment ne rassemblent pas !
Les militants et sympathisants actifs, de leur côté, font apparemment tout pour faire fuir ! Ils n'ont de cesse, d'une part, je l'ai dit, de dénigrer le gouvernement, de rabâcher toutes les vilenies, toutes les injustices qu'il nous inflige, comme si, sans eux, nous ne nous en apercevrions pas, comme s'ils voulaient attiser la haine de malandrins pour fomenter une revanche, et d'autre part d'apostropher ceux qui sont dans le même combat mais sous d'autres étiquettes ! Sans compter bien sûr les attaques des autres formations ; cela fait partie du jeu, ne choque ni n'amuse plus.
Je voudrais faire juste une parenthèse sur une observation personnelle : dans une région donnée, le fait de finalement s'engager dans un parti ou un autre- de même obédience tout de même , me fait furieusement penser aux concessionnaires de véhicules et leur résultat de vente ; dans une ville ou Opel ou Toyota a trouvé de bons vendeurs, on verra beaucoup d'Opel ou de Toyota ; dans une autre, si c'est chez Ford ou Nissan qu'il y a des battants, on verra beaucoup de Ford ou de Nissan.
Il semble que PC soit très prosélyte ; PG un peu moins mais dans une région ou un quidam voulait être NPA, après avoir payé sa cotis', s'il se retrouve seul, il finira par rejoindre le PG mieux vendeur sur le coin ! Et inversement bien sûr.
Ce qui prouve que tous ces gens veulent la même chose ; une bonne bagnole, ou un bon parti et qu'ils prennent ce qu'il y a. Ce qu'on lui vante le mieux ?!!!
Les arguments sont imparables : Mélenchon a un ego en béton armé et il est arriviste ! On ne va pas aller voir ce que recèle le programme qu'il « vend » si mal aux yeux de ceux qui le dénigrent.
Poutou a séduit, à la télé, le dernier soir ; il a récolté quelques voix inespérées ! Ce nouvelles voix ignoraient très probablement le contenu de son programme !
Tout cela renifle fort la bêtise, non ? Car un homme est éphémère, les idées, la volonté d'un avenir plus juste, non.
Je ne suis même pas sûre que l'on puisse arguer du fait que le citoyen soit devenu un consommateur : il me semble que ce problème est bien antérieur. Bien sûr accentué par un mode de vie où tout le temps libre est utilisé à choisir parmi ce que l'on nous propose.
Mais le problème se corse quand on s'intéresse à celui du principal intéressé : l'exploité. Il n'est pas si con que d'aucuns veulent bien le dire puisqu'il a déserté depuis longtemps le PS !
Mais devant la foire d'empoigne de ceux « qui ont toujours une maxime de Marx disponible dans la poche » et un parti unique sans maxime, son choix se fait assez vite. Entre la suspicion de se faire entuber par telle ou telle tendance, hargneuse à souhait à l'égard de tous les autres, ou la voix charmeuse du démagogue, près de ses problèmes très basiques de fric et de mal-être, n'ayant ni l'envie ni le courage de s'engager personnellement dans une idéologie qui ne s'acquiert que par l'instruction, son choix se fait tout doucement, puis se revendique.
Dans notre histoire récente, le fascisme a toujours triomphé du socialisme !
Il est fini le temps où les classes laborieuses s'éduquaient politiquement dans un communisme de conquête ; il y a tous les problèmes que vous connaissez, d'atomisation des travailleurs qui l'empêchent, toutes les fractures opérées pour diviser, restreindre puis anéantir ces combats : le nombre est notre force ; la seule. Se disperser, s'abstenir ou se retrancher, se haïr, font le jeu et le bonheur des profiteurs !
Il nous faut donc, non seulement ne pas négliger le fascisme, mais ne pas l'attaquer de front comme s'il s'agissait d'une bête fauve à abattre !
« En règle générale, les marxistes ne sont pas très habiles pour ce qui est de lire dans la pensée de leurs adversaires... en possession d'une technique qui, semble-t-il, fournit réponse à tout, ils ne se soucient guère de chercher à savoir ce qui se passe dans la tête des autres. » nous dit Orwell ( page 210, le qui de Wigan, éditions Ivréa).
Prenons-en note, c'est important et, si juste.
Si beaucoup se jettent dans les bras de la famille Le Pen, gageons que ce n'est que parce que le socialisme semble s'attaquer à des valeurs « qui ont des racines plus profondes que la raison économique ».
Le rejet intellectuel et idéologique du socialisme est une réaction puissante et répandue.
Le socialisme semble être vu comme une intercommunication constante qui lisse les spécificités des nations, un échange perpétuel qui peut se muer en menaces, une volonté d'égalité qui glisse vers l'uniformité et annihile toute volonté personnelle d'entreprendre... ainsi le monde tel que voulu par les socialistes semble devoir être « un monde ordonné et fonctionnel » ; cela bien sûr hérisse le poil de toutes les individualités qui veulent garder leurs chances de s'exprimer. Ce conservatisme viscéral tend tout naturellement à se mobiliser contre le socialisme.
On peut ajouter à ceux-là, le pauvre péquin qui a quelques économies et qui est convaincu, par désinformation, que le danger est plus grand avec le pays aux mains des socialistes qu'il ne l'est aujourd'hui ou le serait, demain, aux mains des fascistes !
Je tais volontairement, non pas parce que j'y accorde aucune importance, mais parce que c'est la seule chose exposée : la faute à qui ? La faute à l'autre ; Et qui est l'autre ? Le patronat ? La finance ? Non, l'autre est le plus pauvre que toi, surtout s'il est étranger ; l'autre est celui qui resquille, de haut en bas de l'échelle ! L'autre est celui que semble protéger le socialisme ! Car il apparaît que le prétendant à l'extrême-droite – puisqu'elle veut taire son nom, son origine, consciente en cela de l'histoire lourde qu'elle traîne derrière elle- se sente plus proche du patron qui l'exploite, parce qu'il est français, que du maçon, par exemple, qui travaille avec lui, parce qu'il est algérien. Et il trouvera à redire si ce dernier trime, pendant que lui renarde ou bien s'il fait juste ce qu'il faut pendant que lui fayotte.
Ainsi, il « s'agit à présent de fabriquer des socialistes, et vite. Or les socialistes, trop souvent, ce sont des fascistes qu'ils fabriquent ».
« Le socialisme est le seul véritable ennemi que le fascisme ait à affronter. Il ne faut pas compter sur les gouvernements impérialistes-capitalistes pour lutter avec quelque conviction contre le fascisme en tant que tel. ». Il n'est qu'à voir les gouvernement d'Europe du sud qui préfèrent vendre leur pays aux plus offrants, quels qu'ils soient, plutôt que d'y voir s'instaurer le socialisme. Qui préfèrent voir monter l'extrême-droite que la gauche ! Il nous faut donc, socialistes, donner du fil à retordre aux fascistes autrement qu'en les injuriant !
Pour conclure, je cite Orwell, dans le texte :
« L'heure est grave, très grave . A supposer qu'aucune plus grande catastrophe ne s'abatte sur nous...il y a le danger d'une mainmise fasciste sur l'Europe. Et, à moins que la doctrine socialiste ne connaisse une diffusion très large et très rapide dans une formulation efficace, rien n'autorise à penser que le fascisme sera un jour vaincu.... Il était facile de rire du fascisme quand nous nous imaginions qu'il était fondé sur une hystérie nationaliste, parce qu'il paraissait alors évident que les États fascistes, se considérant chacun comme le peuple élu, allaient se déchirer les uns les autres . Mais le fascisme est aujourd'hui un mouvement international, ce qui veut dire que non seulement les nations fascistes peuvent s'associer et tendre, d'une manière qui n'est pas encore absolument concertée, vers l'instauration d'une hégémonie mondiale. Car à l'idée d'un État totalitaire commence à se substituer sous nos yeux l'idée d'un monde totalitaire. Le progrès de la technologie doit en fin de compte conduire à une forme de collectivisme mais sous une forme qui ne sera pas égalitaire... N'en déplaise aux économistes, il est très facile d'imaginer une société mondiale...mais où tout le pouvoir politique, militaire et pédagogique se trouverait concentré entre les mains d'une petite caste de dirigeants et d'hommes de main. Une telle société, ou quelque chose de très voisin, voilà l'objectif du fascisme. Et cette société, c'est bien sûr l'État esclavagiste, ou plutôt le monde esclavagiste. Ce serait vraisemblablement un monde stable et, si l'on considère les immenses richesses que recèle un monde scientifiquement mis en valeur, on peut penser que les esclaves seraient convenablement nourris et entretenus de manière à être satisfaits de leur sort. On a l'habitude d'assimiler l'ambition fasciste à la mise en place d'un État-ruche – ce qui est faire gravement injure aux abeilles. Il serait plus approprié de parler d'un monde de lapins gouvernés par des furets. C'est contre cette sinistre éventualité que nous devons nous unir.
La seule chose au nom de laquelle nous pouvons combattre ensemble, c'est l'idéal tracé en filigrane dans le socialisme : justice et liberté. Mais ce filigrane est presque complètement effacé. Il a été enfoui sous des couches successives de chicaneries doctrinales, de querelles de parti et de « progressisme » mal assimilé, au point de ressembler à un diamant caché sous une montagne d'excréments. La tâche des socialistes est d'aller le chercher où il se trouve pour le mettre à jour. Justice et liberté ! Voilà les mots qui doivent résonner comme un clairon à travers le monde. Depuis un bon bout de temps, le diable s'est adjugé les meilleurs airs. »
« Au bout du compte, que faire ? De toute évidence l'objectif prioritaire est d'emporter l'adhésion de ces gens normaux et convenables avant que le fascisme ne puisse abattre sa carte maîtresse. Il faut préparer les gens à agir en socialistes. Il y a, je crois, des millions d'individus qui, sans en avoir conscience, approuvent les buts essentiels du socialisme et que l'on pourrait convaincre presque sans combat, pour peu que l'on trouve les mots qui les touchent. Tous ceux qui savent ce qu'est la misère, tous ceux qui ont la haine sincère de la tyrannie sont, potentiellement dans le camp socialiste. » ( Le Quai de Wigan 1937 ; aux éditions Ivrea, 1995)
En à peine quatre-vingts ans, la seule chose qui a changé, c'est qu'on ne se donne même plus la peine d'imaginer nourrir convenablement les esclaves !
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