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Ses idées font leur chemin. Sur l’Europe notamment. Ségolène (comme Voynet chez les Verts) prend des accents « fabusiens »... Qui ne préfère pas l’original à la copie, comme le disait Le Pen sur d’autres sujets ?
Les « dérives droitières » de Ségolène renforcent l’idée que Fabius peut être le mieux placé pour assurer une indispensable « Union des gauches » au deuxième tour des présidentielles. Fabius en a bien conscience. Une de ses boutades révélatrices qui font mal à Ségolène : « Il ne faut pas courir après Sarkozy qui court après Le Pen »...
Les effets « femme » de Ségolène semblent s’atténuer, dans leurs deux dimensions : empathie (chez les hommes comme chez les femmes) et réactions machistes, dans une classe politique qui demeure très « mâle(adroite) ».
La séduction s’érode, ne serait-ce que parce que trop d’images tue l’image, surtout quand elles révèlent des artifices de maquillage : pour réussir en politique, il importe d’être séduisant ou séduisante, plus que séducteur ou séductrice.
Dans bien des circonstances, Ségolène affiche des sourires de façade qui cachent de moins en moins un autoritarisme « thatchérien » qui n’a rien à voir avec l’autorité, et des mouvements d’humeur qui ne pardonnent pas, ni chez les hommes (Sarko a le même défaut), ni chez les femmes...
Ses poses en victimisation (« parce que femme »), dont elle a usé et sans doute abusé, passent de moins en moins bien. Un détail : Etat de grâce, la (petite) série de France 2 qui aurait pu la servir, ne lui rend pas service.
A la popularité de Ségolène, Fabius oppose l’image de la crédibilité d’Etat. Et dans les débats qui viennent (que Ségolène menace de « bouder »), il sera sans doute meilleur orateur, dans la forme et sur le fond, que Royal (comme DSK, d’ailleurs). De quoi faire bouger les lignes. La petite phrase assassine de Fabius sur : « Moi, je dis Voici mon programme, je ne dis pas mon programme, c’est Voici » revient dans les têtes chaque fois que Ségolène confond démocratie d’écoute, de concertation et de participation, avec cette démocratie d’opinion, cette « doxocratie », qui est à la démocratie représentative ce que la « réclame » est à l‘information. Fabius a plus médité Jean Jaurès et Pierre Mendès France que Ségolène.
Les rapports de force internes sont en train de se modifier, en faveur de Fabius au sein du PS. Les jospinistes ne voteront pas Royal (pour attaquer Hollande, par procuration et par dépit) et ils refuseront de voter DSK, auquel ils reprochent son « non-désistement » en faveur de Jospin. Jack Lang vient d’avouer (sur France 5) qu’il ne s’est pas présenté parce que « Hollande n’a pas tenu ses promesses à son égard (en fait, il n’a pas eu toutes les signatures requises !) : de quoi nourrir des rancunes, dont Ségolène risque de faire les frais... Malgré les soutiens massifs des responsables des fédérations du PS en faveur de Ségolène, les réseaux Fabius restent forts. Ils se renforcent même. De bons connaisseurs de la vie du PS estiment que Fabius arrivera deuxième au premier tour de la consultation, donc devant DSK... dont les supporters sont plus portés à soutenir la crédibilité qu’à suivre la popularité.
Paradoxe (parmi d’autres) : la « gazelle » faisait figure de « jeune » et affichait une belle fraîcheur face aux « éléphants » du PS (dont Fabius)... Mais certains soutiens dont elle dispose dans les structures du parti et chez quelques « dinosaures » (Pierre Mauroy, par exemple) se retournent progressivement contre elle. Fabius, lui, a réussi à rester dans « l’appareil » en se dégageant de l’image de « l’homme d’appareil ». C’est peut-être injuste et faux, mais c’est ainsi. Alchimie du positionnement politique... Et de la « politique-marketing ».
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Alors ? Les commissions de surveillance font bien de mettre en garde sur la fiabilité des sondages publiés sur le PS, et de rappeler que seuls les « militants » du parti voteront... Une victoire de Fabius au PS ferait, bien sûr, le jeu de l’UMP (dont une frange de l’électorat pourrait être séduite par Ségolène) et, surtout... de Bayrou.
Mais analyse n’est pas pronostic. Et constat n’est pas vœu ni souhait. Confidence : j’ai trop combattu, personnellement, Fabius lors de la campagne sur le référendum européen pour le soutenir aujourd’hui... Mais « les faits sont têtus », et l’éditorialiste, même chargé d’idéal, doit d’abord tenter de cerner les réalités avec le maximum de... réalisme.
Rien n’est joué. Faites rouler les dés... D’autres surprises peuvent changer toutes les donnes, et pas seulement au PS...