Procès Colonna, sommaire à l’usage de tous
J’ai tenté ici de reprendre les divers éléments importants du dossier pour les faire sortir de la confusion qui règne autour de cette affaire. De nombreux aspects sont très simples, mais les mensonges et les zones d’ombre ont tendance à donner à tout cela une allure de complexité. Ce sommaire est à l’usage de chacun de nous, incluant les journalistes, les magistrats et tous ceux qui en ont marre de ne rien comprendre à ce défilé d’étrangetés.
Les désignations par les membres du commando
Les seuls éléments à charge que possèdent les parties civiles et le parquet contre Yvan Colonna, ce sont les "aveux" de quatre des six membres du commando (Didier Maranelli, Pierre Alessandri, Ottaviani, et Joseph versini) qui après plusieurs jours de garde à vue ont désigné Yvan Colonna comme étant le tireur. Mais chacun d’eux se rétractera par la suite. Interrogés sur leurs rétractations, ces derniers diront tous avoir subi des pressions policières pour donner le nom d’Yvan Colonna dans leurs dépositions. Certains parleront même de menaces pour leur famille. Malheureusement pour les tenants de la culpabilité d’Yvan Colonna, il y a eu effectivement des irrégularités au cours des interrogatoires. Ainsi Roger Marion, alors chef de la DNAT (Division Nationale Anti-Terroriste), poussé dans ses retranchements au cours du premier procès d’Yvan Colonna, a-t-il été obligé de reconnaître avoir montré la déposition de son mari à l’une des épouses d’un membre du commando, forçant ainsi celle-ci à entériner la version présentée (ce qui est bien-sûr illégal). Rien ne dit que le reste des aveux n’ait pas été obtenus de la même manière. Ce même Roger Marion avait écrit dans son livre avoir recueilli lui-même les aveux de Didier Maranelli (ce qui semblait logique puisque c’était lui qui avait signé le procès-verbal). Mais lors du procès, il déclare qu’en fait, il était parti chercher une bière et un sandwich lorsque les aveux ont été recueillis. Par ailleurs Georges Lebbos, un des policiers chargés de l’enquête, a lui aussi été pris en flagrant délit de mensonges, après avoir falsifié une commission rogatoire en la signant lui-même à la place de son collègue afin d’utiliser des moyens coercitifs contre l’épouse Colonna, avoir antidaté un procès verbal pour compromettre Jean Castella et Vincent Andriuzzi, innocentés par la suite... Ce même Georges Lebbos qui a envoyé un certificat médical diagnostiquant une dépression pour éviter d’avoir à se présenter devant la cour en appel. Au procès, chaque membre du commando a déclaré à nouveau qu’Yvan Colonna ne faisait pas partie du commando.
L’attaque de Pietrosella
L’arme utilisée pour assassiner le Préfet Erignac est une arme qui avait été volée lors de l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella, par le même commando. Tous les coupables de cette attaque ont été confondus, sauf un, d’après les enquêtes menées par les différentes polices. Yvan Colonna est accusé d’être ce dernier membre, ce qui bien sûr ferait de lui le coupable idéal pour l’assassinat du Préfet. Sauf qu’il n’y a ni preuve ni indice menant à sa culpabilité. De plus, les empreintes du dernier membre avaient été trouvées et conservées, et à la demande de la défense lors du procès en première instance, ont été comparées à celles d’Yvan Colonna. Et ce n’était pas les siennes.
Les témoins oculaires
Aucun des témoins oculaires n’a reconnu Yvan Colonna comme étant le tireur. Au contraire, ceux qui ont vu l’assassin sont formels, ce n’était pas Yvan Colonna. Marie-Ange Contart affirme que si dans dix ans on lui présentait l’assassin, elle le reconnaîtrait (ce qui n’est pas impossible puisque cette femme est croupière, donc professionnellement physionomiste), et devant la cour, en regardant Yvan Colonna, elle réitère ce qu’elle avait déjà dit en première instance, ce n’est pas lui.
Joseph Colombani, Inspecteur Général à l’assemblée Territoriale de Corse, ami du Préfet Erignac, qui a vu le tireur, sera lui aussi catégorique et disculpera Yvan Colonna. Il ajoutera "Je sais que ce que je dis est difficile à entendre par Dominique Erignac (épouse du préfet), mais j’applique la morale à laquelle tenait tant mon ami le Préfet Erignac… Je ne me laisse influencer par personne, je ne me fais acheter par personne. Je suis un homme honnête et je dis ce dont je me souviens."
Les rapports balistiques
L’expert balistique Guy Hémon, en charge de l’affaire, a toujours refusé de venir témoigner à la barre (et la loi sur l’obligation de témoigner ne s’applique pas aux experts). Son expertise indiquait un tireur de plus d’1m80. Le médecin légiste donnait la même conclusion en première instance devant les juges, et l’a répété lors de l’appel. Un autre expert en balistique est venu témoigner devant la cour d’appel pour donner sa version des faits. Même conclusion, l’assassin mesurait plus d’1m80. Yvan Colonna mesure 1m73...
Le cas Didier Vinolas
Didier Vinolas est commissaire de police, ancien secrétaire Général de la Préfecture de Corse, donc collaborateur du préfet assassiné. Il est venu à la barre déclarant qu’il avait depuis 2002 transmis des informations sur deux suspects présumés de l’attaque de Pietrosella qui n’ont pas été réellement prises en compte dans les investigations. Si ces deux suspects avaient été confondus, cela aurait pu innocenter Yvan Colonna. Il avait transmis ces informations en 2002 à Yves Bot, ancien Procureur général, qui lorsqu’il sera interrogé reconnaîtra la véracité de ces allégations. Il les avait aussi transmises au Président de la Cour d’assise le juge Wacogne, qui reconnaîtra avoir omis de les transmettre à la défense. Le fils du Préfet Erignac avait aussi été mis au courant de ces informations. Une grande confusion s’ensuit, puisque suite à cela Yves Bot dira que les informations ont été transmises à Claude Guéant et à Christian Lambert, ex chef du Raid (Brigades d’interventions) et que Christian Lambert niera ces faits (l’un des deux ment forcément), que l’informateur (un membre des RG) niera aussi, et que tout d’un coup Vinolas passe pour un homme affaibli par la mort de son collaborateur, ce que personne n’avait dit auparavant, puisqu’avant son témoignage, on s’attendait à ce qu’il témoigne contre Colonna, étant donné qu’il était cité par la partie civile.
Bref si vous ne me suivez plus c’est normal, parce qu’ici l’affaire ne sera pas traitée jusqu’au bout, le tribunal estimant qu’il n’y avait pas à revenir sur ces événements, que les deux suspects avaient été entendus dans le cadre des enquêtes et qu’ils avaient un alibi. La défense, elle, soutient que les suspects ont été uniquement interrogés de manière "périphérique".
Effectivement, on peut se demander pourquoi la cour n’a pas pris le temps de comparer les empreintes de ces deux personnes à celles relevées à Pietrosella. Si l’une d’entre elles avait correspondu, c’en était fini du procès et Yvan Colonna serait libre. Et quid des mensonges mis en évidence par cette épisode peu reluisant du procès en appel ?
Autres détails en vrac
Yvan Colonna a été le seul qui depuis le début a toujours nié sa participation à l’assassinat. A aucun moment on a trouvé d’indices le rattachant à l’affaire depuis le meurtre jusqu’aux "aveux" des membres du commando. Alors que chaque membre du commando a été localisé aux abords du lieu du crime le jour fatidique grâce à leurs portables, Yvan Colonna n’a jamais été localisé grâce à son portable et aucun indice ne porte à croire qu’il était sur place. Roger Marion a fait état d’écoutes judiciaires qui pour la défense innocenteraient Colonna, mais lorsque ces écoutes sont réclamées, elles ont disparu. Et il y a des tas d’autres détails que j’oublie, ou que je ne rajoute pas pour ne pas semer la confusion après cette tentative de clarification.
Pour finir
J’ai essayé de rester factuel. Certes, je ne cache pas ma conviction, mais je n’ai pas fait intervenir mes propres sentiments à l’égard de l’accusé. Et ce que je vois lorsque je le regarde. Bien sûr, j’ai plus confiance en ma vision qu’en celle de ceux qui ont déjà décidé de le condamner quoi qu’il arrive. Mais cela reste du domaine de l’intime conviction, et de celle-ci je préférerais ne plus entendre parler quand je vois ou elle mène dans ce genre de cas.
Quoi qu’il en soit, vu que tout le monde se rend maintenant compte de la dérive que constitue ce procès, il serait sage pour ceux qui tirent les ficelles de rendre une justice juste. S’il n’y a pas de preuves, libérons Colonna. La France y gagnera. Les gens seront soulagés et la justice retrouvera un peu de son prestige. Ceux qu’on a accusés (à tort ou à raison) de faire intervenir la raison d’état dans ce procès seront blanchis de fait et leurs détracteurs auront le clapet fermé. Et qui sait, peut-être même que personne ne cherchera les vrais responsables du meurtre. ceux-là aussi pourront peut-être dormir sur leur deux oreilles. Quoi que je doute que leur conscience leur en laisse le loisir. Et peut-être qu’un investigateur pugnace...
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