Réponse à l’analyse dite objective du « cas Mélenchon »
Il s’agit là de ma réponse à l’article de Monsieur Elie Arié, paru sur son blog et intitulé « Analyse objective du « cas Mélenchon » », que vous trouverez en cliquant ici.
Tout d’abord, l’article et le blog de l’auteur auquel je réponds font part de son appartenance au « chevènementisme », ce qui est un engagement que je trouve fort honorable.
J’ai moi-même voté Chevènement en 2002, et Mélenchon en 2012, preuve que nous ne sommes pas seuls à penser qu’il puisse y avoir des accointances entre ces deux grands républicains dans leur vision du Monde. Ce n’est pas un hasard si tous deux ont appartenu à la gauche du PS, le premier avec le Ceres, le second avec la gauche socialiste puis Nouveau Monde. Des accointances de vue donc, mais avec des nuances dont il ne sera pas question ici car ce n’est pas l’objet de ma réponse.
En revanche, j’insisterai sur un certain nombre de choses qui surprennent dans cet article ! Et laissent un doute quant à « l’objectivité » de l’analyse qui en découle…
Un vote « par défaut » pour Mélenchon… mais rien pour qualifier celui pour Hollande !
D’abord, Monsieur Arié parle de son vote pour Mélenchon au premier tour, dont on comprend qu’il est un peu par défaut (même si au premier tour, on choisit et au second, on élimine) puisque, précise-t-il, « Chevènement n’ayant pas été candidat, j’ai voté Mélenchon ». Mais quid de son vote de deuxième tour ? Bien sur, il fut pour Hollande, mais avec quel degré de conviction voire d’adhésion ? Ce vote de second tour, par défaut (sinon, Hollande aurait été le choix de premier tour) fut-il d’un degré de défaut supérieur ou inférieur au vote par défaut du premier tour ? Voila une question qu’il aurait été instructif de traiter. Et à la lumière de la politique actuelle de M. Hollande, dont le moins que l’on puisse penser est qu’elle ne satisfasse pas pleinement Monsieur Chevènement (voir deux articles de décembre 2013 sur son blog : « La monnaie unique est une fausse bonne idée » et « Europe ? Hors des nations, point de salut ! »), pourquoi axer cet article sur le « cas Mélenchon » ? Notons d’ailleurs au passage que qualifier un leader politique de « cas » n’est pas très fairplay, peut-être même à la limite de la courtoisie voire de la politesse. Que n’aurait-on entendu si Monsieur Mélenchon avait parlé du « cas untel » ou « unetelle » ! Déjà qu’il ne peut plus prononcer le mot balai sans que l’on s’en offusque… .
Bref, le « Mélenchon bashing » semble porteur en cette période, provenant de toute part et étant plus à la mode encore que le « Hollande bashing », qui n’empêche pas à ceux qui s’en désolent de pratiquer le premier… participant à la diabolisation de Mélenchon quand parallèlement, qui l’on sait est dédiabolisée… . Il est vrai que pour le PS, affronter au second tour une candidate FN parait plus prometteur de victoire que d’affronter un candidat de droite dite républicaine… . C’est ce qui s’appelle jouer avec le feu mais je m’éloigne là un peu (peut-être) des motivations de l’article de Monsieur Arié.
Car ce qui surprend le plus dans cet article est le doute exprimé sur la sincérité de l’anti-libéralisme (l’anti-capitalisme) de Mélenchon, qui est purement et simplement mise en cause !
Mélenchon : contre le capitalisme et la finance depuis toujours
Cette mise en doute étonnante au motif que Monsieur Mélenchon a participé au gouvernement de Lionel Jospin, gouvernement qui a, comme le rappelle justement Monsieur Arié, le plus privatisé depuis la Libération, qui a ratifié les accords de Nice et Amsterdam, encore plus libéraux que celui de Maastricht (ce qui relativise « l’abomination » du OUI de Mélenchon à ce dernier traité, ce qu’oublie de préciser l’auteur qui ne s’épanche guère sur le traité de Lisbonne porté haut et fort par les socialistes solfériniens dont le leader a vraisemblablement reçu son vote de second tour… - voir plus haut -). Marie-Noëlle Lienemann en a aussi fait partie, en même temps que Mélenchon, mais sa crédibilité à elle ne semble pas atteinte aux yeux de Monsieur Arié (voir plus loin). C’est ce qui s’appelle une analyse partiale.
Bref, Mélenchon est quasiment accusé de toutes les dérives libérales de Lionel JOSPIN ! Doit-on accuser Christiane Taubira de la politique de Ayrault et Valls sur les Roms et des saillies douteuses du ministre Michel Sapin parlant de « racaille » lors d’une cérémonie en présence d’Inspecteurs du travail (cliquez ici) ou de François Hollande lors de son discours aux 70 ans du CRIF (cliquez ici) au prétexte qu’elle appartient au même gouvernement ?! La ficelle est un peu grosse…
Oser mettre en doute l’anti-capitalisme de Mélenchon, c’est méconnaitre totalement (ou occulter sciemment) son parcours au sein du PS ! Créateur de la gauche socialiste avec Marie-Noëlle Lienemann et Julien Dray en… 1991, notamment parce qu’ opposés à la guerre du Golf (comme Chevènement), c'est-à-dire il y a 22 ans (on est bien loin de quelqu’un de « brusquement touché par la grâce » !), co-animateur du courant Nouveau Monde avec Henri Emmanuelli une dizaine d’années plus tard, sans être exhaustif, avec en gras le nom des personnalités à la gauche du PS citées par Monsieur Arié dans son article, comme personnalités à suivre car souhaitant agir de l’intérieur pour modifier la ligne du PS. Mais, Monsieur Arié (c’est sur son blog) a été lui-même membre du PS pendant… 30 ans avant de rejoindre Monsieur Chevènement. N’est-ce pas par incapacité à bouger les lignes de l’intérieur ? Notons que quand on a, pour tirer à gauche le PS, des personnalités telles Henri Emmanuelli qui en arrivent aujourd’hui à dire que « puisqu’on vit plus de 100 ans il est normal d’allonger l’âge de départ à la retraite » (cliquez ici), il y a de quoi avoir envie de partir !
Qui peut croire, aujourd’hui, qu’un gouvernement PS/EELV qui pactise avec le MEDEF (ANI), fait passer le TSCG sans avoir modifié d’un iota le traité Merkozy, met à mal le code du travail, raccourci la retraite (!) alors qu’il est prouvé que la longévité en bonne santé diminue (cliquez ici), etc…, soit modifiable de l’intérieur ?! Je n’ai pas vu le résultat de la campagne de Gérard Filoche pour le maintien de l’âge de la retraite sur la décision du gouvernement… et le déplore.
Alors… Mélenchon a-t-il procédé à une conversion ? Non ! Si conversion il y a eu, c’est bien celle du PS et de ses alliés satellites (PRG, EELV) qui s’éloignent de plus en plus des idéaux qu’ils sont censés porter (voir à ce sujet l’excellent ouvrage de mon ami Jacques Fleury, élu PS de mon département, dans les indications bibliographiques en fin d’article et intitulé « Le socialisme, c’est quoi ? »). D’ailleurs, l’idéal ne fait plus partie de leur vocabulaire, puisque ce sont des gestionnaires. De mauvais gestionnaires…
Amusant, au passage, que la critique d’une stratégie tacticienne pour « occuper le créneau » provienne d’un chevènementiste ! Monsieur Chevènement aurait-il donc seul le monopole de la vertu ? Tous les départs du PS pour dérive libérale et atlantiste du parti ne sa vaudraient donc pas ? A ce sujet, les débats à venir sur le traité transatlantique devraient, je l’espère, rapprocher Monsieur Chevènement des positions de Jean-Luc Mélenchon plutôt que de celles des solfériniens ou des sociaux-libéraux d’outre-rhin (voir l’article du Monde Diplomatique sur la question de ce traité, qualifié de typhon et de menace : cliquez ici).
Il y a donc beaucoup à redire à la lecture de cet article ! La fin de celui-ci s’apparente davantage à une mauvaise caricature, digne des journaleux de la presse aux ordres où l’on retrouve le terme de « populiste » pour qualifier Mélenchon, alors que Jean-Luc Mélenchon est (certainement avec Jean-Pierre Chevènement) l’un des derniers intellectuels en politique, avec ce soucis constant de tirer vers le haut et d’être pédagogue quand les autres nous enfument de formules alambiquées et mensongères (le dernier exemple en date est le commentaire de Michel Sapin sur la courbe du chômage qui monte… se félicitant que le pari de la faire baisser soit presque gagné). En réalité, Jean-Luc Mélenchon est contre le capitalisme financier depuis toujours. Je renvoie en fin d’articles à quelques lectures.
Mélenchon : internationaliste et universaliste
Quant à la soi-disant posture nationaliste de Mélenchon, il a pu échapper à l’auteur que dans le cadre des élections européennes qui se tiendront dans 5 mois, la gauche européenne avait décidé, avec le Parti de Gauche, de présenter à la Présidence de la Commission européenne Monsieur Alexis Tsipras afin de succéder à Manuel Barroso (cliquer ici), l’enfant chéri des sociaux-libéraux et de Madame Merkel.
Voyez que les initiatives de Monsieur Mélenchon et des siens dépassent le cadre national. D’ailleurs, Monsieur Mélenchon, à l’heure où était écrit cet article objectif (sic), se trouvait bien seul au fin fond de l’Equateur, pour dénoncer l’affaire Chevron, véritable crime écologique contre l’Humanité (cliquez ici). Mais visiblement, chacun voit ce qui l’arrange.
Enfin, en parlant du « plafond de verre des 10 % » qui affecterait les partis équivalents à ceux du Front de Gauche, il convient de ne pas oublier le score de Syriza en Grèce, deuxième force politique du pays l’an dernier (une telle omission en devient suspecte…), avec 26 % aux législatives de 2012 et dont le leader est Alexis Tsipras, déjà évoqué plus haut. Comme il conviendra d’être attentif aux prochains résultats dans ce pays. Et doit-on déjà oublier que les dernières élections allemandes donnaient la majorité aux sociaux-démocrates + aux Verts + à Die Linke (l’équivalent allemand du Parti de Gauche) sur la droite… mais le SPD a préféré faire alliance avec Madame Merkel. Par soucis de « réalisme » sans doute, puisque ce terme semble si important. Il est grand temps de remettre à l’ordre du jour un slogan attribué au Che (pas Chevènement, l’autre) : « soyons réalistes, demandons l’impossible »… c’est quand même le meilleur moyen que nous avons qu’il arrive. Ou alors continuons ainsi et « tirons » à boulets… rouges (?) sur les rares qui aspirent vraiment à changer durablement les choses.
Voilà les nombreuses mises au point qu’imposait cette analyse objective. Je n’ose imaginer ce qu’il en aurait été si elle ne l’avait pas été.
Bibliographie indicative :
Alemagna L. et Alliès S. (2012), Mélenchon, le plébéien, Ed. Robert Laffont, 371 p.
Desportes G. et Mauduit L. (2002), L’adieu au socialisme, Grasset, 361 p.
Fleury J. (2006), Le Socialisme, c’est quoi ? Ed. Bruno Leprince, 206 p.
Mauduit L. (2013), L’étrange capitulation, Ed. J-C. Gawsewitch, 303 p.
91 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON