Revoir les conditions d’évacuation en cas de catastrophe nucléaire
Ce 11 mars 2011, 3ème anniversaire de la catastrophe de Fukushima, nous apprenons aussi, à l’occasion d’un pic de pollution dans la région parisienne, que la pollution atmosphérique conduirait à une perte d’espérance de vie de 6 mois. Ceci étant, la population parisienne ne semble pas tétanisée et les parisiens, même si c’est en pestant contre les limitations de vitesse, continuent à vaquer à leurs occupations, pensant être suffisamment adultes et responsables pour gérer ce risque et l’assumer.
De son côté le gouvernement japonais, obéissant aux normes érigées par la CIPR (Commission Internationale de Protection contre les Radiations), envisage d’autoriser les populations à se réinstaller autour de Fukushima dans des zones caractérisées par une radioactivité inférieure à 20 mSv/an. Rappelons que 110000 personnes ont été évacuées sans autre forme de procès à la suite de la catastrophe. Devant la différence de traitement dans le cas de la pollution atmosphérique et dans celui de la pollution radioactive, on s’attend à ce que le danger de celle-ci soit beaucoup plus important que celui de celle-là. Or, pour atteindre la même perte d’espérance de vie acceptée par les Parisiens, il faudrait qu’une population soir soumise pendant 5 ans à une dose d’irradiation 100 fois plus élevée que la norme (1 mSv/an) et 5 fois plus élevée que la limite de 20 mSv/an vers laquelle tendent les autorités japonaises. Le calcul de la perte d’espérance de vie par suite d’irradiation est disponible sur le site http://vizille-sciences.org/perte_de_vie.php.
Si on peut estimer assez facilement la perte d’espérance de vie due à un supplément d’irradiation (ce qui ne semble, d’ailleurs, jamais fait ni par les autorités ni par les médias) il est plus difficile d’estimer les conséquences sanitaires de l’évacuation elle-même. L’évacuation des populations des environs de Tchernobyl, les arrachant à leur cadre de vie et leur faisant perdre leur emploi, a eu des conséquences durables et considérables : dépressions, troubles psychosomatiques, addictions à l’alcool et aux drogues, désintégration des familles. Une évolution similaire semble se reproduire autour de Fukushima. Toutefois les autorités japonaises envisagent le retour d’une partie des populations, tout en donnant aux candidats au retour les moyens d’évaluer le risque d’irradiation auquel ils seraient soumis. Cette démarche va dans le bon sens, mais pourquoi avoir attendu si longtemps et pourquoi fixer arbitrairement une valeur maximale de l’irradiation à 20 mSv/an ?
Il faut absolument que les dégâts humains des politiques d’évacuation soient évalués. Si, dans le cas d’une catastrophe nucléaire, on peut envisager une évacuation de courte durée (typiquement un mois) en attendant que la situation se stabilise le maintien des mesures d’évacuation doit faire l’objet d’une véritable analyse en termes de coûts et de bénéfices et cette politique doit être discutée par les populations et les individus concernés directement. Certains d’entre eux, après avoir été dûment informés des risques encourus, pourraient décider de rester sur place, d’autres, au contraire, pourraient quitter la région contaminée et être réinstallées ailleurs dans de bonne condition.
Cette réévaluation des politiques d’évacuation se fera d’autant plus vite que les évacués engageront des procédures contre les responsables de ces politiques, comme cela semble se produire au Japon.
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