Un couac du Canard
Notre Canard navigue-t-il dans les eaux technophobes ?

Le Canard, est un géant de la république et de la francophonie. C’est mon seul lien avec la presse papier. En effet je suis abonné.
J’ai toutefois été assez consterné lorsque j’ai lu, dans le dernier Canard (11/03/2009) l’article de Jean-Michel Thénard, "Bouygues active ses relais pour sauver ses antennes". L’auteur accuse l’Academie de médecine de complaisance envers les opérateurs de téléphonie mobile. Il aime bien accuser, M. Thénard. Quand ce n’est pas l’antisémitisme qu’il fustige, à l’instar de son honorable confrère P. Val, il se lance dans une croisade contre les ondes.
Le démontage spectaculaire des 2 antennes de téléphonie mobile, il y a quelques jours, donne du baume au coeur à tous les ennemis des ondes électromagnétiques, et par extension, des solutions privilégiant le nomadisme moderne : le portable, wi-fi etc. Le Canard en fait malheureusement partie, son site minimaliste stipule que son "métier, c’est d’informer et de distraire (ses) lecteurs, avec du papier journal et de l’encre". Il s’est, pour une fois, joint à l’unisson des médias classiques pour diaboliser Internet, ce réseau de tous les dangers qui corrompt nos jeunes. Grand-bien lui fasse, je respecte son point de vue, je comprends très bien que le volatile défend bec et ongle son casse-graine. Je note tout de même que la moyenne d’âge des rédacteurs ne doit pas être parmi les moins élevées, ils sont pratiquement tous issus de la genération qui a connu De Gaulle au pouvoir, ce qui pourrait reléguer "Le Canard" au rang de média du siècle passé. Je fais moi-même partie de cette génération et je me rends compte que nombre de gens de mon âge adorent mettre en avant leur technophobie militante. Ma préférence affichée pour la lecture sur l’écran choque la plupart de mes contemporains. Quand j’argumente que c’est pratique de pouvoir agrandir les caractères pour les adapter à ma vue faiblissante, on m’oppose la beauté du rapport "charnel" à sa lecture, palper du papier et humer l’encre d’imprimerie (contenant tout de même du plomb et d’autres substances sympathiques), embellir son habitation avec de beaux livres, coûteux à fabriquer, mais ô combien emblématiques de la culture de leur propriétaire.
On ne peut que s’interroger sur les raisons de cette cabale anti-ondes. Qui aurait intérêt à diaboliser les ondes, a part, bien sûr, les marchands de câbles ?
Le gros problème avec les ondes c’est que l’on ne contrôle plus rien au niveau de l’individu. Une partie de la population risque de tourner nomade, c’est le cauchemar de tout gouvernement. Il y aura des gens qui ne chercheront plus à posséder, on ne pourra plus les tenir en laisse grâce à leur petit lopin de terre. Quand on aura son salon avec télé et sa bière partout où le chemin nous mènera, on se fichera de posséder une piaule sinistre dans une banlieue grise. Voilà le vrai danger des ondes, elles libèrent l’individu au delà de ce que les puissants peuvent admettre, et quand il s’agira de défendre sa propriété, armes à la main, il n’y aura plus personne. Le pourcentage croissant de télétravailleurs doit inquiéter au plus haut point dans les sphères du pouvoir. En effet, nous avons tous été eduqués à savoir que l’Empire Romain fut écrasé par une déferlante des populations nomades, qui se sont d’ailleurs sédentarisées à leur tour par la suite.
L’humanité utilise les ondes depuis plus d’un siècle. Curieusement, pendant cette période, l’espérance de vie a pratiquement doublé. Sans y chercher une relation de cause à effet, notons tout de même que c’est dans les pays les plus émetteurs que l’espérance de vie a augmenté le plus. Il s’agit, bien sûr, des pays riches, avec des moyens médicaux à la pointe du progrès. Mais, ce progrès serait-il aussi rapide sans les ondes ? Le fait que les chercheurs et les médecins communiquent entre eux, souvent par les ondes, a indiscutablement contribué à cette avancée spectaculaire.
Il y a eu une croissance pas toujours constante dans l’utilisation des ondes. Un exemple : les radions libres en France en 1980 ont été très certainement un important sursaut dans l’éther hexagonal. J’ai beau chercher, je ne trouve aucune étude épidémiologique pour cette période, relatant une augmentation des maladies pouvant être attribués aux ondes électromagnétiques. Mon bon sens me dit que ça ne doit tout de même pas être si dangereux que ça, sauf, évidemment pour les personnes utilisant des prothèses vitales contenant des métaux, comme des stimulateurs cardiaques par exemple.
Mais, se battre contre les opérateurs mobiles, des mastodontes économiques comme Orange, Bouygues ou SFR , qui savent mieux brasser le vent que quiconque, confère une aura de sainteté au courageux résistant. Du moment que la justice donne raison aux Robins des toits, n’importe qui peut alors vendre son eléctrosensibilité - combien Orange est prêt à me verser pour oublier mes céphalées lorsque je m’approche de leur antenne ?
Malheureusement, les opérateurs officiels rapportent à l’Etat un joli pactole - il sera donc assez difficile de les déloger. Pas grave, si les Robins vont trop loin, on s’arrangera à les diaboliser. Mais attention ! La vraie cible de cette lutte acharnée contre les ondes est le Wi-Fi public. La multiplication des commerces offrant à leurs client une acces au Réseau durant leur visite doit inquiéter nos puissants. Rien que dans ma proximité immédiate, à Nice, il y a au moins 3 restaurants qui affichent leur Hot-spot, sans parler d’une laverie automatique qui permet à ses clients de surfer sur Internet au lieu de regarder tourner le tambour. A quoi servira Hadopi, si, en cas de coupure suite au téléchargement illégal, je peux me connecter chez le voisin, qui a eu la délicatesse de ne pas verrouiller sa connexion Wi-Fi ?
L’intérêt public et économique majeur serait sans doute l’Internet libre sans fil, avec une couverture nationale, à l’instar de la téléphonie mobile. Cela équivaudrait, en terme de communications, à la construction des milliers de kilomètres de routes. Ce serait aussi une issue certaine de la crise économique ; l’explosion du télétravail que cela engendrerait se traduirait par une économie substantielle de la consommation pétrolière. Ce serait, par contre, une catastrophe pour les opérateurs mobiles, fournisseurs d’accès Internet, industrie automobile et pétrolière, presse papier, chaines de télévision et des stations de radio. Tout ce beau monde, qui rapporte aujourd’hui de la monnaie sonnante et trébuchante dans les caisses de l’Etat serait déchu de son rôle dominant et, à terme, jeté aux oubliettes
Les puissances économiques tremblent de panique devant ce séisme en perspective, dont les premiers soubresauts se font sentir déjà depuis quelques années. Elles auraient donc intérêt à entretenir certaines croyances concernant des ondes, tout en affichant en façade une confiance à la science. Exactement comme les religions.
Que le couac de mon volatile préféré se joigne à la litanie de ceux qui essaient sournoisement de limiter et freiner cet élan de liberté nouvellement acquise, parce que ça cadre mal avec leurs intérêts économiques, m’embête tout de même un peu. Est-ce de la naiveté ? Je l’espère, parce que dans le cas contraire ça voudrait dire que le palmipède s’est malheureusement déjà pris les pieds dans le même filet que le reste de la presse papier : se faire acheter par un puissant qui imposera à terme sa ligne éditoriale.
61 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON