Notaires-SAFER connexions à défaire
ll s’en passe parfois de drôles, voire de très étranges en France entre certains notaires et des SAFER, des structures de droit privé accomplissant des missions de service publics au compte, selon la loi, de l’aménagement de nos belles campagnes.
Nous allons ici conter une mésaventure instructive qui démontre que, parfois, dans notre République nullement bananière, il existe des pratiques qui fleurent bon une sympathique amitié, qui, certes, paraît ne choquer ni les députés, ni la Justice, bien que les limites de la raison, du droit et de l’indépendance réciproque entre certains notaires et certaines SAFER départementales puissent interroger les esprits attachés aux principes d’égalité de traitement des citoyens sans discrimination aucune (y compris par l’argent) et de séparation des pouvoirs entre Officiers notariaux et services des SAFER en charge de l’intérêt public dans les campagnes.
Plongée dans les petits liens entre des notaires et des SAFER au cœur de la France rurale en crise, au moment de plus où le marché immobilier et du sol s’écroule.
La France rurale se désertifie : les SAFER, pour quoi faire ?
Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) sont officiellement et curieusement des sociétés anonymes de droit privé qui ont des missions de service public encadrées par la loi (ici le Code Rural).
A l’évidence, il semble que les SAFER, qui sont organisées au niveau départemental, aient parfois, ici ou là, quelques difficultés à établir des frontières claires entre leurs missions d’intérêt public et certains intérêts privés.
Ces difficultés pourraient trouver leurs racines dans le statut particulier , voire ambigu des SAFER qui ne peut qu’encourager, selon de nombreux observateurs, des dérapages difficiles à réguler ou à maîtriser dans la clarté.
Les liens suivants donnent quelques informations sur des faits ennuyeux qui concernent certaines pratiques que certaines SAFER ont connus et qui parfois arrivent, lorsque la Justice parvient à y mettre son nez, jusqu’à des jugements parfois mémorables autant que mérités.
http://www.ifrap.org/Encore-une-SAFER-prise-les-mains-dans-le-beurre,0155.html
http://www.ifrap.org/SAFER-temoignages-et-jugements,0200.html
Les actions de vente-achat de biens agricoles (terres et bâtiments) qui sont au centre des activités des SAFER soulèvent parfois des critiques, voire génèrent des procès, et il arrive que les citoyens dénoncent, ici et là, des liaisons dangereuses, voire des collusions nuisibles à l’accomplissement sincère et efficient des missions publiques confiées par la loi aux SAFER.
Certes, il ne faut pas généraliser, mais il serait tout aussi dangereux de nier, taire ou cacher les problèmes existants.
Sont notamment pointés ici des liens qualifiés par certains de « problématiques » entre des notaires et des SAFER.
Le cas que nous abordons dans cet article est édifiant et pose effectivement des questions juridiques, éthiques, économiques et politiques qui doivent obtenir des solutions adaptées, justes et durables.
Un cas d’école qui résume bien une situation qu’il urge de modifier radicalement
Voici peu, un couple venant d’une grande ville décide d’acheter une grange ancienne splendide dans un secteur viabilisé (donc disposant des réseaux d’eau potable, d’électricité, de téléphonie et d’évacuation des eaux usées) dans une petite commune de Haute Vienne, à 40 km de Limoges.
Très vite, en accord concerté avec le couple vendeur, les deux acquéreurs potentiels se rendent chez une notaire du département afin de signer les documents d’engagement de vente sous réserve d’un certificat d’urbanisme de la DDE (Direction Départementale de l’Equipement ) 87 et d’une Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) avec mention de non-préemption par la SAFER 87.
Jusque là, tout se passait bien.
Mais, les acheteurs ont des impératifs de temps et souhaitent que l’acquisition se passe rapidement. Pour cela, ils prennent contact avec la DDE 87 et la SAFER 87. Avec la DDE 87, aucun problème : leur interlocuteur est attentif à leur souhait et indique qu’il est au service du public et fera les diligences naturelles dans le cadre de la loi, dès lors que les pièces justificatives lui auront été transmises.
C’est avec la SAFER 87 que les choses bloquent : celle-ci, sollicitée par courriel car injoignable durant trois jours par téléphone, dépose un message sur le répondeur téléphonique des acheteurs : en résumé, la personne parlant au nom de la SAFER 87 indique que, si les acquéreurs veulent un achat rapide, ils doivent se rapprocher de leur notaire et payer 100,46 euros dans la cadre de ce qu’elle appelle « la procédure accélérée ».
Les acheteurs, interloqués et choqués par ce message, saisissent de nouveau par courriel la SAFER 87 ET la Direction de la Fédération Nationale des SAFER à Paris. Ils font état de leur indignation à cette annonce et de leur suspicion sur le caractère légitime et sain de la proposition qui leur a été faite au nom de la SAFER 87.
Le résultat est rapide : la même personne les rappelle par téléphone et leur explique en détail, d’un ton très agressif, que ces 100,46 euros versés à une tierce personne, la notaire en charge du dossier, sont la solution unique si les acheteurs veulent que la SAFER 87 traite au plus vite la demande de leur notaire, le DIA avec avis de non-préemption !!!
En réaction, ceux-ci contactent Justice, police et gendarmerie. La Justice- Parquet de Poitiers en l’occurrence- est à l’écoute et considère que la démarche de la SAFER 87 en faveur d’un paiement à une tierce personne en échange de son action rapide peut en effet être punissable si les acheteurs déposent plainte au Parquet de...Limoges.
La gendarmerie, jointe par téléphone, se défile prudemment en affirmant qu’elle n’a pas compétence sur ce type d’affaires.
Quant à la police nationale- commissariat de Poitiers sud- un de ses haut gradés explique, d’un ton assez emporté aussi (on constatera que les interlocuteurs du couple urbain dans ce dossier sont souvent assez agressifs dans leur langage comme si l’on voulait les convaincre de la normalité des faits qu’ils dénoncent), que ces pratiques ne peuvent faire l’objet d’une plainte, la SAFER ayant, selon ce fonctionnaire, des règlements et compétences départementales variables.
Ce haut gradé de service ne semble pas alors « saisir » que c’est bien la SAFER 87 qui demande aux acheteurs de payer le notaire pour un acte dont elle a la charge de mission publique et que cette exigence peut naturellement et légitimement soulever de nombreuses questions.
Justement, dans ce dossier, c’est la notaire qui est la plus transparente et pour ainsi dire objective dans l’information : interrogée par le couple, elle répond qu’il existe bien AVEC LA SAFER 87 une « procédure accélérée » du prix indiquée, mais que cette procédure coûteuse n’offre AUCUNE GARANTIE que le traitement du dossier soit accéléré !!!
En résumé, les acheteurs de la grande ville découvrent que la SAFER 87 leur a proposé de payer une somme d’argent en échange d’un traitement POSSIBLE, mais NON CERTAIN, rapide de leur dossier.
Les problèmes juridiques, éthiques, économiques et politiques que pose cette pratique reconnue de la « procédure accélérée » entre notaires et SAFER
Il n’échappe à personne que ces pratiques entre notaires et SAFER induisent diverses questions qui nécessitent des réponses appropriées.
Selon le Code Civil français, quand on paye un bien ou un service, on acquiert le droit à la propriété du bien ou à l’obtention du service rémunéré.
Dans le présent cas prévu par la procédure accélérée à l’initiative d’un notaire en direction de la SAFER, le paiement de la somme demandée pour mettre en œuvre cette procédure accélérée POSSIBLE, mais NON CERTAINE ne répond pas aux obligations définies par le Code Civil.
Pire encore, dans le cas de la demande d’un certificat de non-préemption, la SAFER agit là dans la cadre de la loi et d’une mission publique, comme le ferait une mairie en milieu urbain. La SAFER doit donc, comme un service d’urbanisme municipal, traiter ses dossiers dans la sérénité et avec efficacité, hors de toute pression extérieure, directe ou indirecte.
Par ailleurs, la chose est encore plus complexe au niveau du résultat présumé du paiement demandé car la SAFER peut, soit ne pas préempter, soit PREEMPTER, ce qui, en un tel cas, revient à anéantir les souhaits des acheteurs potentiels, donc des payeurs de ladite procédure.
Autre point qui interroge : pour quelles raisons une SAFER devrait-elle accepter de se dépêcher plus pour une demande qui aurait valu une dépense des acheteurs potentiels au bénéfice d’un notaire ? Si en effet la procédure accélérée ne sert donc à rien de concret pour les acquéreurs, quelle est alors sa base juridique et sa fonction sociale effective ?
S’agit-il de faire seulement donner de l’argent à des notaires, en opposition complète aux règles du droit commercial et civil en vigueur, pour ne rien obtenir en échnage, ou pire, un résultat inverse à celui souhaité à l’origine de la demande ?
Les SAFER ont, nous l’avons dit, un rôle qui est prescrit par la loi et leur action est encadrée par la loi. A travers la procédure accélérée, même sans garantie aucune, ne peut-on croire qu’une certaine pression indirecte pourrait s’exercer sur les actes de la SAFER et sur la bonne exécution de ses missions de service public ?
En effet, faute de règles définies pouvant permettre à la SAFER d’agir directement, dans un cadre juridique clair et précis, en cas de demandes à caractère urgent, la procédure accélérée devient soit une forme de pression sur la SAFER (chose que la loi interdit et sanctionne), soit une infraction manifeste commerciale et civile puisque la somme déboursée ne correspond à AUCUN SERVICE RENDU.
Sous divers angles, cette procédure accélérée pose de véritables interrogations en termes d’éthique, et de droit, alors qu’elle est aussi une possible matrice de difficultés sur le plan de la politique des SAFER, donc sur le terrain économique, car pouvant influer sur le comportement et/ou des décisions des SAFER dans leur champ de compétences au service de l’intérêt public.
Des possibles solutions aux questions soulevées
Au constat de ces problématiques différentes, mais ennuyeuses, à la fois pour le travail et l’image tant des SAFER que des notaires en milieu rural, plusieurs solutions peuvent être élaborées et proposées à ces maux :
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d’abord, une amélioration et un renforcement des structures de contrôle de l’activité neutre, publique et transparente des SAFER, en toute indépendance par rapport à tout autre interlocuteur ou acteur dans le domaine concerné. C’est une exigence qui ressort des faits si l’on ne veut pas voir la confiance du public envers les SAFER s’effriter, voire les contentieux se multiplier du fait de zones d’ombre juridique propices à des pratiques discutables à plusieurs niveaux.
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La suppression de toute procédure accélérée payante au profit des notaires, sources de conflits et de mésententes, voire de contentieux aussi. Mieux vaut établir des critères clairs, publics, précis et délimités par les textes, sur les situations d’urgence quant aux décisions des SAFER en fonction des situations identifiées justifiant alors une réaction plus prompte.
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Réaffirmer le rôle et les missions d’intérêt public des SAFER et rendre leur fonctionnement interne plus transparent, plus équilibré et plus soumis à un contrôle régulier d’une autorité publique validant ses activités et son mode d’organisation.
Telles sont les réformes nécessaires immédiates afin de garantir indépendance et efficience des SAFER au service exclusif de leur rôle dans la mise en œuvre de la politique économique rurale du pays.
Faute de ces mesures simples et indispensables, le risque est grand de voir malheureusement la méfiance s’installer et croître à l’égard des SAFER, de leur action et de leur rôle objectif et pertinent.
Si cette méfiance se pérennisait, elle générerait une situation lourde de conflits, de critiques et de dérives possibles dont la politique d’aménagement foncier rural, donc derrière l’agriculture du pays, serait la principale victime.
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