Influence du taux d’imposition global sur les principaux indicateurs socio-économiques des membres de l’OCDE
« Nous payons trop d’impôt ! » Voilà un poncif que l’on entend souvent, surtout en période préélectorale. Il convient donc, comme pour tous les clichés, de le passer au crible de l’analyse scientifique pour en extraire le fait, et se débarrasser définitivement des perceptions irrationnelles. Je me propose donc, en utilisant les statistiques établies par l’OCDE, d’étudier les corrélations entre le taux d’imposition global et la richesse (PIB), la croissance, le chômage, le niveau scolaire, et la pauvreté. Cette étude concerne vingt-cinq pays membres de l’OCDE (1) pour lesquels les statistiques étaient disponibles.
De toute évidence, le taux d’imposition en France est parmi les plus élevés des membres de l’OCDE (2) comme le montre la figure 1.
Avec 43,1% la France est le 4e pays le plus taxé du groupe, après la Suède (50,6%), le Danemark (48,3%), et la Finlande (44,8%). L’Autriche (43,1%), l’Italie (43,1%) et le Luxembourg (41,3%) ont des taux d’imposition très proches de celui de notre pays. Parmi les pays possédant les taux d’imposition les plus bas on retrouve : le Mexique (19%), le Japon (25,3%), et les USA (25,6%). Viennent ensuite la Suisse (29,5%) et l’Irlande (29,7%).
Afin d’étudier les corrélations entre le taux d’imposition global et les indicateurs cités plus haut, j’ai réalisé cinq diagrammes représentant le taux d’imposition global en abscisse, et l’indicateur concerné en ordonnée. J’ai ensuite effectué une régression linéaire afin de déterminer la dépendance entre ces deux données. Les croix représentent la situation des vingt-cinq pays étudiés sur ces diagrammes, et la droite, la tentative de régression linéaire. Deux faits importants doivent être énoncés afin de bien comprendre les diagrammes : l’essentiel des informations provient de la pente de la droite et de son écart-type, c’est-à-dire de la dispersion des valeurs autour de cette droite. Une pente négative (descendante) implique que l’augmentation du taux d’imposition a une influence négative sur l’indicateur étudié (cela peut être positif s’il s’agit du chômage ou de la pauvreté par exemple). De même une pente positive indique-t-elle une corrélation positive, et, une pente nulle, l’absence de corrélation. Plus la pente est inclinée, plus la dépendance est forte. Concernant l’écart-type, celui-ci nous donne une indication sur la pertinence de notre régression linéaire : plus il est faible, meilleure est la régression linéaire. Il convient évidemment de normaliser cet écart-type par l’écart-type global sur les valeurs des indicateurs étudiés. On peut ainsi déduire le taux de corrélation entre les deux variables.
Commençons par étudier le lien entre PIB et taux d’imposition présenté dans la figure 2.
La corrélation entre ces deux indicateurs est très faible (2%). Si cette corrélation est réelle, ce dont on peut douter, elle serait très légèrement positive, c’est-à-dire que le PIB d’un pays augmenterait sensiblement avec le taux d’imposition.
La corrélation entre le taux de croissance et le taux d’imposition présentée dans la figure 3 est elle aussi presque nulle (3,5%).
Notons néanmoins qu’elle serait très légèrement négative ; la croissance diminuerait avec l’augmentation du taux d’imposition.
La corrélation entre le taux de chômage et le taux d’imposition (figure 4) est elle aussi quasiment nulle (1%), et positive, tout comme la corrélation entre les résultats en mathématiques des jeunes de quinze ans à l’étude PISA et le taux d’imposition (4,5%).
Sur les cinq indicateurs étudiés, seul le taux de pauvreté (50% du revenu médian) présenté dans la figure 5 possède une forte corrélation avec le taux d’imposition (36%).
Cette corrélation est fortement négative. Ainsi lorsque le taux d’imposition augmente, la pauvreté diminue fortement. Les paramètres de l’ajustement linéaire effectué sont : Pauvreté = 26,7 - 0,45* Taux d’imposition. L’écart type (non normalisé) est d’environ 2,7 sur les valeurs.
Prenons donc les cas extrêmes de cet ajustement linéaire. Dans le cas d’un pays sans impôt, la pauvreté serait de l’ordre de 26,7%. En fait l’existence d’incertitude donne 95% de chances d’avoir un taux de pauvreté compris entre 21,3% et 32,1%. Cela est bien entendu un cas impossible puisque l’absence d’imposition conduirait à l’absence d’état et donc à un grand nombre de problèmes bouleversants notre théorie. Il n’empêche que l’on peut appeler ce taux, le taux naturel de pauvreté pour un système de démocratie capitaliste.
Etudions maintenant l’autre cas extrême : celui d’un état sans pauvreté. Le taux d’imposition d’un tel état doit être d’environ 59,3%. Pour obtenir un taux de confiance de 95%, il faut aller jusqu’à 71,3%. Un tel taux poserait lui aussi un certain nombre de problèmes (sortie du système capitaliste par exemple).
Mais puisque la corrélation entre le taux d’imposition et la pauvreté n’est pas parfaite, d’autres facteurs doivent pouvoir expliquer la dispersion des résultats. Il serait intéressant de pousser l’étude plus loin en décortiquant l’imposition globale en plusieurs types d’imposition (directe, indirecte par exemple). Il serait aussi important d’étudier la structure des dépenses ainsi que le niveau de redistribution. Cette brève étude montre néanmoins qu’il y a beaucoup d’idées reçues (de droite comme de gauche) sur l’influence du taux d’imposition sur le PIB, la croissance, le niveau scolaire et le taux de chômage. Seul le taux de pauvreté semble dépendre fortement du taux d’imposition.
Il convient maintenant à chacun de faire un lien direct entre les taux d’imposition et de pauvreté, et de se poser cette double question : quel niveau d’inégalité et quel niveau d’imposition puis-je supporter ? D’autres pays ont déjà répondu, de manières très variées (USA, Japon, RU, et Irlande, d’un côté, Pays scandinaves de l’autre). Le choix est nôtre !
(1) Australie, Autriche, Canada, République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, Portugal, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, États-Unis
(2) OCDE factbook :
http://caliban.sourceoecd.org/vl=17953345/cl=18/nw=1/rpsv/fact2006/
Regard sur l’éducation :
http://www.oecd.org/document/54/0,2340,fr_2649_34515_37344822_1_1_1_1,00.html
Indicateurs sociaux :
http://www.oecd.org/document/56/0,2340,fr_2649_37419_31857720_1_1_1_37419,00.html#donnees
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