C’était en juin 1994. J’arrivais au Tibet depuis de Dharamsala en Inde, siège du gouvernement tibétain en exil, après avoir parcouru le Karakoram Highway au Pakistan, dévalé sur le Xinjiang, et traversé le désert du Taklamakan puis visité les célèbres grottes bouddhistes à Dunhuang au Gansu. L’autocar brinquebalait sur les routes défoncées qui grimpent depuis Golmud au Qinghai jusqu’à Lhassa. La nuit tombait sur le véhicule bondé. Pour m’endormir sur mon siège très inconfortable où j’étais serré comme une anguille dans une boîte à sardines, au lieu de compter les moutons j’ai compté les camions militaires. A 250, je crois, je me suis assoupi.
Le Tibet : un vaste camp militaire chinois.
La présence militaire du Dragon chinois au pays de la frêle Antilope tibétaine, c’est entre trois et cinq cent mille hommes ; quatorze aérodromes militaires ; cinq bases de missiles situés à Kongpo Nyitri, Powo Tamo, Rudok, Golmud et Nagchukha ; au moins huit missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) ; soixante-dix missiles à moyenne portée et vingt de portée intermédiaire (Source:Tibet-info).
Le Sénat français lui-même le reconnaît : La présence militaire chinoise au Tibet s’élève à 500 000 personnes en uniforme. Environ 90 têtes nucléaires y seraient déployées.
En 1986, le Tibet est placé sous le contrôle de deux régions militaires : la région militaire du sud-ouest dont le quartier général est à Chengdu au Sichuan et la Région militaire de Lanzhou dont le quartier général est à Lanzhou au Gansu (Source : Global Security).
Depuis, il a été prévu que le commandement du District miliaire du Tibet soit déplacé de Chengdu (Sichuan) à Gongkar (Tibet) sur la route menant à l’aéroport de Lhassa : 40 bâtiments de 3 étages de 40 pièces chacun et capables d’accueillir 15.000 hommes, qui s‘étalent sur 1 km de long.
De ce vaste complexe seront dirigés les six sous-districts militaires tibétains : entre autre, deux divisions d’infanterie indépendantes, six régiments de défense frontalière, cinq bataillons indépendants de défense frontalière, trois régiments d’artillerie, deux régiments des transmissions avec une base principale de transmissions, trois régiments d’ingénierie, trois régiments de transport, quatre bases aériennes, deux régiments radar, deux divisions et un régiment de forces para-militaires (ou « armée locale), une division indépendante et six régiments indépendants de la Police armée populaire.
Ce qui frappe le visiteur qui se promène dans Lhassa, c’est le nombre de bâtiments relevant de l’armée ou de la police militaire (invisibles aux touristes ignorant les idéogrammes chinois) même si les soldats chinois ne paradent pas à chaque coin de rue en dehors des périodes d’émeutes et d’insurrection où la Chine déploie régulièrement la 149ème division aéroportée basée au Sichuan.
En 2009, l’an prochain, cela fera 60 ans que l’armée chinoise aura pris position au Tibet.
En 1949, l’avant-garde de l’Armée populaire de Libération (APL) pénètre au Tibet. Au printemps de 1950, la 18ème Armée chinoise y met le pied en passant par Dartsedo à l’est et l’Amdo au nord-est. La 14ème division procède au sud-est par Dechen. Après avoir occupé le Kham et l’Amdo, les premiers éléments de la 18ème Armée entrent à Lhassa le 9 septembre 1951 et le reste de la troupe l’y rejoint le 26 octobre 1951.
Depuis la Chine n’a eu de cesse de faire du Toit du Monde une base militaire avancée, le fer de lance de son expansionnisme et de sa domination dans la région.
Le Tibet : une base nucléaire chinoise avancée.
Depuis des décennies, le plateau tibétain est utilisé par le Dragon chinois à des fins nucléaires.
Des essais nucléaires ont eu lieu dans le Lop Nor situé dans la province du Xinjiang, au nord de la Région Autonome du Tibet, une région qui appartient au Grand Tibet d’avant la colonisation.
L’explosion souterraine du 25 septembre 1992, équivalente à moins de 20 kt de TNT, a provoqué une secousse de magnitude 5,2 sur l’échelle de Richter. L’essai précédent sur le même site, le 19 mai 1992, était le plus puissant jamais conduit par la Chine, 300 - 1 000 kt (Source :Tibet-Info).
La première arme nucléaire connue a été apportée sur le plateau tibétain en 1971 et installée dans le bassin de Tsaidam (en chinois : Qaidam) au nord de l’Amdo (en chinois : Qinghai).
La Chine possède actuellement environ 600 têtes nucléaires, dit-on, dont plusieurs douzaines au moins se trouveraient sur le plateau tibétain.
Construite au début des années 1960, La Neuvième Académie a été chargée de mettre au point en urgence les premières bombes atomiques chinoises.
Réputée ville nucléaire « top secret », la Neuvième Académie, située à Dhashu (Haiyan, en chinois) dans la préfecture autonome du Tibet de Haibei, a mis en place à la fin des années 1970, une industrie chimique pour y mener des expériences sur le retraitement de l’uranium enrichi.
En effet, l’uranium tibétain est un enjeu pour Pékin. Selon Le Monde du 27 mars 2008, le Tibet abriterait la plus grosse réserve mondiale d’uranium. Il y aurait au bas mot 9 mines du précieux minerai sur le plateau tibétain, mais peu d’informations transpirent sur l’exploitation de ces mines dont au moins une serait localisée aux alentours de la ville de Nyingtri (Source:Atlas du nucléaire).
Le 20 juillet 1995, Chine Nouvelle (Xin Hua, agence de presse officielle) annonçait que la Neuvième Académie aurait été fermée en 1987 et déplacée vers d’autres sites au Tibet oriental. Ce qui à l’époque fut contesté par le Gouvernement tibétain en exil.
Pékin entretiendrait un autre centre nucléaire à vocation militaire à Tongkhor (Huangyuan, en chinois) en Amdo.
Sites de lancement de missiles nucléaires
Le bassin de Tsaidam au nord-ouest de la province de l’Amdo accueillit près du Lac Kokonor, les premières armes nucléaires fabriquées par la Neuvième académie au début des années 1970. Là, Pékin, à cette époque, établit son site de missiles nucléaires et de lancement de missiles Dong Feng Four (DF-4), premiers missiles balistiques chinois intercontinentaux. D’une portée évaluée originellement à de plus de 4 000 km, les DF-4 avaient la capacité d’atteindre tout le sous-continent indien. Puis leur portée étendue à 7000 km, les DF-4 dans leur version actuellement déployée sur le plateau tibétain pourraient atteindre Moscou ainsi que le reste de la défunte Union soviétique.
Pékin disposerait d’une autre base de missiles au nord-ouest de Nagchukha, ville située à 250 km au nord-ouest de Lhassa et à 4,526 mètres d’altitude, ainsi qu’à Delingha Terlingkha à 200 km au sud-est du Grand Tsaidam, où il y a aurait quatre sites de lancement de DF-4 (voire de DF-21) dépendant du Second Corps d’Artillerie (Unité 80306), division dont le quartier général est à Xining au Qinghai (Source : Fas.org).En Amdo, la Chine aurait aussi disposé quatre missiles de type Css-4 (DF-5) d’une portée de 8.000 km capables de frapper l’Amérique, l’Europe et toute l’Asie (Source:Les Amis du Tibet).
Bases aériennes équipées d’armes nucléaires
Située à 97 km au sud-ouest de Lhassa, Gongkar est la principale base aérienne militaire chinoise au Tibet. C’est là qu’est installé le nouveau quartier général du District miliaire du Tibet. C’est aussi un centre de ravitaillement des forces chinoises situées en zone frontalière.
De là, les bombardiers nucléaires chinois peuvent atteindre des cibles en ancienne Union soviétique ou en Inde (Source : Les Amis du Tibet). En 1988, si l’on en croit le Jiefangjun Bao, le Journal de l’Armée de Libération, la Chine a conduit au Tibet des « manœuvres de défense chimiques en zone de haute altitude pour tester des équipements nouvellement développées ». Selon l’Agence TASS russe le 3 juillet 1982, « La Chine a procédé à des essais nucléaires dans plusieurs régions du Tibet de sorte à déterminer les niveaux de radiation parmi les populations qui y vivent » (Source : Tibet.com).
La Chine au Tibet pour encercler l’Inde ?
Courant 2000, c’était le 6 avril devant une commission de la Chambre des Représentants à Washington D.C., un élu américain, Banjamin Gilman, maintenait que la « présence militaire de la Chine sur le frontière nord de l’Inde faisait partie d’une tentative pour encercler son voisin démocratique ».
Le président à l’époque de la Chambre des relations internationales, constatait que, d’un côté, « la Chine transférait des armes nucléaires au Pakistan » à l’ouest tout en courtisant, d’un autre, à l’est, le régime de Rangoon « en vendant à la Birmanie pour près de 2 millions $ d’armes ».
Même constat au sud, la Chine reste le principal fournisseur d’armes du Sri Lanka.
Pour Benjamin Gilman, l’Inde, avec le déploiement militaire chinois sur le Toit du monde, était confrontée « au spectre de devoir faire simultanément face à de sérieuses menaces stratégiques sur ses frontières à l’ouest, au nord et à l’est ».
Plus alarmant, aux yeux de l’élu américain, était la « série extensive de bases de missiles et d’installations nucléaires » entretenue par Pékin sur le plateau tibétain.
Sachant que la Chine y a déployé « un quart de son armée » dont la moitié basée le long de la frontière entre le Tibet et l’Inde et que « quatre armées chinoises de 60.000 hommes de troupe chacune sont basées dans des zones géographiques de la Chine d’où elles peuvent participer à des actions contre l’Inde entamées depuis le Tibet."
Depuis son occupation du Tibet en 1950, remarquait alors Benjamin Gilman, l’APL a fiévreusement construit des réseaux routiers tout temps quadrillant ... le Tibet. Deux autres axes principaux conduisent au Pakistan et au Népal, pays frontaliers de l’Inde. Le nouveau système routier permet à la Chine de déplacer rapidement des formations militaires le long de la frontière indienne, donnant la capacité aux généraux chinois de concentrer des armées se soutenant mutuellement presque partout le long de cette frontière.
D’après l’élu américain, la Chine a donc pris à plus de 4.000 mètres d’altitude une position dominante sur l’Inde d’où elle peut contrôler l’espace aérien indien, ses communications électroniques et ses mouvements de troupe au sud de l’Himalaya.
De noter que les 14 principales bases aériennes disposées par Pékin sur le plateau tibétain sans compter nombre de pistes d’atterrissage tactiques donnaient sans conteste à la Chine la domination de l’espace aérien tibétain et la possibilité de frapper les principales villes du nord de l’Inde dont Delhi, Bombay et Calcutta (Source : Fas/Federation of American Scientists). Pourquoi le nier, après son annexion du Tibet, le pouvoir communiste a très rapidement déployé de nombreuses troupes aux frontières du Tibet et de l’Inde. Ce qui a d’ailleurs engendré, en 1962, le conflit sino-indien.
Selon Raymond Myers, c’était pour les Amis du Tibet également en 2000, « Depuis longtemps l’Inde accuse la Chine de la menacer d’une attaque nucléaire ». D’ailleurs, « Le nouveau missile indien de portée intermédiaire, appelé Agni, aurait été conçu pour lancer des ogives nucléaires sur des cibles chinoises situées aussi loin que les centres industriels de Chengdu, Lanzhou, Xian et Wuhan. »
L’auteur de relever que dans une lettre adressée au Président Bill Clinton en mai 1998, le premier ministre de l’Inde, A.B. Vajpayee, a résumé le point de vue indien : « Nous avons à nos frontières un État possédant ouvertement l’arme atomique, un État qui a perpétré une agression armée contre l’Inde en 1962. Pour ajouter à cette angoisse, ce pays a aidé de façon cachée un autre de nos voisins (le Pakistan) à acquérir l’arme nucléaire ».
De noter en sus que le Dragon chinois fournissait entre 1992 et 1994 plus de cinquante missiles M-11 au Pakistan, ennemi traditionnel de l’Inde, en « violation évidente par la Chine du Traité de non prolifération des armes atomiques qu’elle a signé en 1992. » (Source : Les Amis du Tibet).
Tibet : base avancée de l’expansionnisme chinois.
Alors, le Dragon chinois a-t-il dans l’idée de se servir du Tibet comme d’une base avancée pour refermer ses griffes sur l’Union indienne ?
La ligne ferroviaire Pékin-Lanzhou-Lhassa, une fois poursuivie jusqu’à la frontière népalaise, ne sera-t-elle pas le fer de lance d’une pénétration manifeste du Dragon chinois vers l’Inde ?
On sait que pour l’ascension de la flamme olympique au sommet de l’Everest, le Dragon chinois a ni plus ni moins « acheté » le Royaume népalais en passe de devenir une République maoïste et ordonné aux forces de l’ordre de ce pays de tirer sur d’éventuels contradicteurs. L’axe Pékin-Lhassa-Katmandou est en pleine expansion. Peut-on douter que demain le Népal maoïste ne se comportera pas comme le meilleur ami de son gigantesque voisin ?
Aussi est-il légitime de se demander si l’on doit-on prêter au Dragon chinois des visées expansionnistes voire hégémonistes dans la région.
Voilà qui expliquerait les revendications territoriales chinoises : Les archipels des Paracels et Spartley, en mer de Chine, le nord du Ladakh (l’Aksaï Chin dans l‘ouest de l’Himalaya indien), l’Arunachal Pradesh dans l’est de l’Himalaya indien. Les Shenkaku, d’autres ilôts, au Japon.
Revendications qui s’ajoutent aux régions déjà annexées et assimilées : le Turkestan oriental sous le nom de Xinjiang (Nouvelles Frontières), la Mongolie intérieure, la Mandchourie, le Tibet.
Où l’appétit du Dragon chinois s’arrêtera-t-il ?
C’est un fait au plan géostratégique l’invasion du Tibet a placé la Chine en situation de contrôle en Asie centrale face à la Russie, au monde musulman et à l’Inde considérée, dit-on, comme adversaire prioritaire dans sa volonté de leadership sur le continent asiatique (Source:Les Amis de l’Université). Or l’Asie n’est pas seule au monde. Aussi faut-il replacer la présence militaire du Dragon chinois auprès de l’Antilope tibétaine dans le cadre plus global de l’échiquier géostratégique mondial.
La Chine est aussi un allié de la Russie, du Kazakhstan, de la République kirghize du Tadjikistan et de l’Ouzbékistan dans le cadre de l’Organisation de Coopération de Shanghai (Shanghai Cooperation Organization ou SCO) dont le quartier général est à Pékin.
A son tour, la SCO entretient des liens avec l’Organisation du Traité de Sécurité collective (Collective Security Treaty Organization ou CSTO) qui regroupe militairement la Russie, l’Arménie, le Belarus, l’Ouzbékistan, le Kazakhstan, la République kirghize et le Tadjikistan .
En octobre 2007, les deux organismes ont signé un mémorandum jetant les bases d’une coopération militaire. Cet agrément comprend la création d’une alliance militaire à part entière entre la Chine, la Russie et les membres des deux organisations qui, en 2006, ont conduit des exercices militaires conjoints.
Pour certains spécialistes, les États-Unis et leurs partenaires de l’Alliance atlantique cherchent à saper la formation d’une telle alliance militaire en Eurasie susceptible de faire concurrence à la présence atlantiste dans la région, car elle combinerait les capacités militaires non seulement de la Chine et de la Russie mais aussi de plusieurs ex-républiques soviétiques.
A cet effet, l’Amérique de George Bush ourdirait le plan de s’attaquer à l’Iran dont les alliés sont l’Ours russe et le Dragon chinois, encerclant ce dernier, sauf au nord, de bases militaires.
L’Aigle américain a mis le pied en Afghanistan qui jouxte le Pakistan, allié de Pékin. Washington et l’Alliance atlantique ont depuis 1986 établi des liens avec plusieurs républiques de l’ex-Union soviétique, la Géorgie, l’Ukraine, l’Ouzbékistan (qui a fait défection en 2002), l’Azerbaïdjan et la Moldavie.
En mars 1999, le Congrès américain adopte le Silk Road Strategy Act (loi sur la Stratégie sur la Route de la Soie) qui circonscrit les intérêts stratégiques et économiques des USA dans une région s’étendant de la Méditerranée orientale à l’Asie centrale. La militarisation du corridor eurasiatique y est prévue pour préserver de vastes réserves en pétrole et en gaz.
Une militarisation identique s’applique dans la mer de Chine du Sud et le Détroit de Taiwan. Où l’on prête à l’Aigle américain l’intention de recourir aux armes nucléaires contre le Dragon chinois en cas de confit militaire de Pékin avec l’île dite « rebelle ».
L’Aigle est aussi présent sur la péninsule coréenne et dans la mer du Japon, tout en déployant ses ailes au cœur de l’Asie centrale et à la frontière occidentale de la Chine, dans la Région autonome du Xinjiang (Turkestan oriental).
Le Pays du Soleil levant de son côté a progressivement harmonisé sa politique militaire avec celle de l’Aigle et de l’OTAN.
Plus encore, l’Aigle américain, pour les adeptes de cette théorie du complot, soutiendrait les mouvements sécessionnistes à la fois au Tibet et au Xinjiang qui borde le nord-est du Pakistan et l’Afghanistan.
Quatre organisations ouighoures islamistes, apôtres de la sécession, auraient pour plan d’instaurer dans la région un « califat islamique » qui intégrerait l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kirghizstan (Turkestan occidental) et le territoire ouighour en une seule unité politique. Ce projet recevrait l’appui de « fondations » wahhabistes dans les États du Golf. (Source : Global Research, repris en ligne par le China Daily).
On comprend dès lors que le Dragon chinois s’arme d’autre chose que de patience !
Chine : une armée pour la paix ou pour la guerre ?
« La Chine a une politique militaire défensive et ne s’associera pas à la course aux armements », déclare le président Hu Jintao lors d’un discours à la prestigieuse université Waseda de Tokyo pendant son très récent voyage officiel au pays du Soleil levant. De préciser devant les caméras de la télévision nippone :
« Nous ne deviendrons pas une menace militaire pour quelque pays que ce soit et nous ne prétendrons jamais à l’hégémonie ou à l’expansionnisme ». (Source : Aujourd’hui le Japon).
Le budget militaire du Dragon chinois est encore bien loin d’égaler celui de l’Aigle américain ou de l’Ours russe. Dès 2005, les dépenses guerrières étasuniennes représentaient la moitié du budget mondial dans ce secteur. Le Dragon compte 600 têtes nucléaires, dit-on, contre 10.000 à l’Aigle. L’Aigle avec l’OTAN est présent d’est en ouest, déploie ses missiles en Europe comme en Asie centrale et en Turquie, tandis que le Dragon commence juste à pointer le bout de son museau en dehors de sa tanière.
Le Dragon fait partie des 5 grandes puissances nucléaires mondiales avec les quatre autres membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU. Sa force de frappe nucléaire reste apparemment stictement défensive et dissuasive. Mise en oeuvre par un corps spécial de 90.000 hommes, la « Seconde artillerie », cette force nucléaire comprendrait une cinquantaine d’engins basés à terre, de portée intercontinentale, et une douzaine (bientôt 24) de missiles tirés de sous-marins : les Dong Feng DF 5-A de 13.000 km de portée, vecteurs de têtes d’une puissance estimée entre 3 et 5 mégatonnes ; Dong Feng DF-31, de 8.000 km de portée, placés sur lanceurs mobiles et sur rails, vecteurs d’une tête unique de 2,5 mégatonnes ou de trois tête indépendantes (MIRV) de 90 kilotonnes ; et DF-31 A d’une portée de 12.000 km. Entre autres missiles JL-2 tirés de sous-marins nucléaires, missiles de portée intermédiaire DF-4, en cours de retrait, et un nouveau DF-25 mobile de 2.000 km de portée sans compter la composante à courte et moyenne portée de type DF-21 (50 unités), DF-15 (200 unités) et DF-11 (500 unités).
Le Dragon affûte ses griffes. Mais :
Si l’on en croit la revue RAIDS dans son hors-série n°27 de mai 2008, il faudra peut-être attendre 2010 voire 2020 pour que la Chine mette en vol une machine opérationnelle, un chasseur de 5ème génération type J-XX & J-12, qui puisse rivaliser avec ses concurrents notamment le F-22 américain. Aujourd’hui, seul le Chengdu-Jian 10 (J-10) peut espérer concurrencer le F-16 américain ou le Mirage 2005 en vol à Taiwan. Les bombardiers chinois H-6 dérivés du Tupolev russe Tu-16 « Badger » sont d’antiques machines dont certaines ont été transformées en avions ravitailleurs. La motorisation de la flotte aérienne dépend encore entièrement du bon vouloir des Russes.Mais depuis 2006, la marine chinoise est, avec près de 800.000 tonnes, la troisième du monde (cf. sur AgoraVox, La Chine 3ème marine de guerre du monde ?) derrière les États-Unis et la Russie. Dès l’horizon 2015-2020, dit-on, ce sera la première marine du monde.
Aujourd’hui, le Dragon aligne 424 bâtiments à flot dont 70 sous-marins (voire plus) : Plusieurs SNLE ou sous-marin nucléaire lanceur de missiles balistiques à têtes nucléaires de type Jin (Projet 093) et SNA ou sous-marin nucléaire d’attaque de type Shang (Projet 094). Une dizaine de SNA pourrait être en service en 2015.
En sus 60 destroyers et frégates à quoi s’ajoutent la flotte amphibie ainsi que les navires furtifs en constant développement. Mais si l’Aigle a 11 porte-avions déployés dans le monde, chacun transportant 90 avions, le Dragon, quant à lui, n’en a aucun.
Relativisons donc la puissance de feu du Dragon chinois.
Pour affirmer ses ambitions océaniques et contrôler des voies d’approvisionnement énergétique vitales, le Dragon chinois s’est donc lancé depuis quelques années dans un ambitieux programme de modernisation de sa marine.
Pour certains analystes, la doctrine stratégique chinoise évolue présentement de la défense de son territoire à une « défense active » au-delà de ses frontières. Dans cette optique, un réseau d’installations portuaires a été construit dans l’océan Indien et la mer de Chine du Sud qui pourraient être utilisées pour protéger le pétrole en provenance du Moyen-Orient (Source : Mondialisation.ca).
En outre, ce qui est clair, le Dragon a des revendications sur les archipels des Paracels & Spratley, au Vietnam, comme, au Japon, sur un chapelet d’îles, les Shenkaku, à proximité immédiate d’Okinawa, ainsi que sur le champ gazier de Shirakaba (Chunxiao, en chinois) qui abriterait pas moins de 200 milliards de m3 de gaz naturel (Source:Mer et Marine). A ce dernier sujet, le président Hu Jin-tao a profité de sa récente visite officielle au Pays du Soleil levant pour retirer l’eau de ce gaz en ébullition et la mettre dans son vin.
Et il reste toujours l’épée de Damoclès d’un éventuel conflit ouvert avec l’île dite « rebelle » de Taiwan en cas de déclaration d’indépendance intempestive, éventualité qui s’estompe depuis la récente élection à Taipei du président Ma Ying-chou favorable à un rapprochement avec Pékin.
Mais le danger principal pourrait bien être sur le front himalayen. Selon certains observateurs, « Il est clair que la Chine envisage la potentialité d’un conflit majeur sino-indien et elle se donne les moyens de ses ambitions, par exemple, par l’aménagement de tout un réseau routier convergent vers la zone frontalière pour l’acheminement rapide de troupes et de matériels » (Source:Les Amis de l’Université).
Vrai ou faux ? Vrai répondrait l’Américain Benjamin Gilman,comme nous l’avons vu plus haut.
Certes, on l’a vu aussi, le Dragon n’a fait qu’une bouchée de la frêle Antilope tibétaine au prétexte fallacieux qu’elle lui « appartenait » depuis quelque 700 ans. Par la suite, le Dragon a fait du territoire de l’Antilope himalayenne un vaste camp militaire et une base nucléaire puis, de là, a absorbé sans autre forme de procès une partie du territoire de l’Union indienne, l’Aksaï Chin dans le Ladakh, à l’ouest de l’Himalaya, tout en revendiquant l’Arunachal Pradesh à l’est de la même chaîne non sans déclencher une guerre frontalière avec son voisin du sous-continent indien en 1962.
Ce qui porte à réfléchir.
Le Tibet, qui a des milliers de kilomètres de frontière avec l’Inde, était jusqu’en 1949 un paisible état-tampon entre l’Inde et la Chine, libre et indépendant Aujourd’hui trois cent à cinq cent mille soldats et un quart des missiles nucléaires chinois y sont présents.
Et avec le mouvement d’encerclement décelé par certains tout autour de l’Union indienne, c’est peut être bien là que, le plus vraisemblablement, le danger de l’expansionnisme chinois, si danger il y a, risque de se faire sentir à l’avenir.
Le Dragon chinois est devenu la quatrième puissance économique mondiale dotée de la première armée en termes de soldatesque. Le Dragon, céleste, s’est envolé à la conquête de l’espace avec son premier taïkonaute et vise désormais la lune.
Le Dragon impérial en Chine a cinq griffes. Depuis la création de la Nouvelle Chine il y a six décades de cela, quatre ont d’ores et déjà été plantées dans la Mandchourie, la Mongolie, le Turkestan oriental et le Tibet. La cinquième est-elle destinée à l’Inde ?
Car, si un jour la Chine n’a plus suffisamment de riz pour nourrir sa population destinée à dépasser bientôt le 1.5 milliard de bouches, il ne lui restera plus qu’à envahir le nord de l’Inde riche en excellentes rizières. C’est la conclusion à laquelle l’auteur est parvenue il y a plus de dix ans de cela après étude sur pièces dans la presse indienne lors d’une villégiature prolongée sur les contreforts de l’Himalaya en Inde. Or ce scénario catastrophe d’une guerre du riz entre la Chine et l’Inde est-il vraiment concevable ? Aujourd’hui, certes non. Mais dans dix ans, dans vingt ans, dans trente ans, ce sera une tout autre histoire.
Et chacun reste libre d’envisager à quelle paix ou à quelle guerre le Dragon chinois pourrait à l’avenir utiliser sa puissance de feu.
Rangzen avec Libre Opinion.
nota bene : le Dragon en Chine n’est pas une affreuse bête malfaisante, style Quetzalcoatl à cornes et queue de Bélzébuth, que tel St Michel ou tel Siegfried de la tradition occidentale devraient terrasser pour le bien de l’humanité, mais le symbole de la toute puissance impériale. Le recours au symbole du Dragon pour désigner l’Empire du Milieu est donc normal et n’a aucune connotation péjorative. On dit aussi les 4 Dragons pour désigner Singapour, Hong-Kong, la Corée du Sud et Taiwan, puissances économiques émergentes en Asie du Sud-Est et en Extrême-Orient.