Martine Aubry prend-elle les citoyens pour des crétins ?
Quand elle déclare que le retour au départ en retraite à 60 ans pour les travailleurs ayant accompli 41 annuités peut, selon la Constitution, faire l’objet d’un simple décret Madame Aubry se moque du monde.
Certains connaissent mon hostilité à l’adoption de la réforme de la retraite http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/quand-l-etat-ruine-la-securite-81770
et combien j’ai à cœur son acquisition pour tous à 60 ans, mais n’en déplaise au PS, cette matière est du ressort de la loi non de la réglementation, selon la Constitution, dont l’article 34 contredit la première secrétaire :
" La loi détermine les principes fondamentaux :
– du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale."
Ainsi la Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites (version consolidée au 1er juillet 2011) dispose :
« Article 5
III. - A compter de 2009, la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au
taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite sont majorées d'un trimestre par année pour atteindre quarante et une annuités en 2012 sauf si, au regard des évolutions présentées par le rapport mentionné au II (Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité) et de la règle fixée au I (La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations.), un décret pris après avis, rendus publics, de la Commission de garantie des retraites et du Conseil d'orientation des retraites ajuste le calendrier de mise en œuvre de cette majoration. »
Et l’article L 161-17-2 du code de la sécurité sociale modifié par l’article 88 de la loi du 21 décembre 2011 dispose :
« L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 du présent code, à l'article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l'article L. 24 et au 1° de l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955.
Cet âge est fixé par décret dans la limite de l'âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1955 et, pour ceux nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1954, de manière croissante :
1° A raison de quatre mois par génération pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 ;
2° A raison de cinq mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1954. »
Il n’est nul question de décret pour déterminer le principe de départ à la retraite dans la Constitution, mais de loi.
La volonté du gouvernement d’imposer à l’aide d’un décret, qu’il soit ou non en Conseil d’Etat, pour modifier une loi est totalement inconstitutionnelle. La loi est l’expression des représentants du peuple, elle prime le décret dans la hiérarchie des normes. Un décret ne saurait la corriger.
La déclaration qui a suivi le conseil des ministres d’user de la procédure réglementaire (décret) pour régler le sort de la retraite des travailleurs ayant commencé leur carrière à 19 ans ou plutôt est d’autant plus curieuse que rien n’empêche le Gouvernement d’attendre la prochaine assemblée nationale pour soumettre, conformément à la Constitution, ce projet de loi au Parlement et d’y introduire une mention rétroactive permettant à ces travailleurs, s’ils ont pris leur retraite, de récupérer le rappel à taux plein des mois écoulés.
Ceci est tout à fait constitutionnel et ne lèse en rien les intéressés par rapport au décret bien au contraire. Pour autant qu’ils soient informés que la mesure législative sera prise rétroactivement, ils peuvent faire valoir leurs droits à la retraite.
En effet, selon plusieurs décisions du conseil constitutionnel : le principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration de 1789, qu'en matière répressive. Si, dans les autres matières, le législateur a la faculté d'adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles.
Ce qui signifie, dans le cas de la retraite, qu’il est tout à fait possible de rétablir dans leur droit tous ceux qui justifient de 41 annuités de cotisation. Il n’est nul besoin de violer la constitution pour modifier illégalement une loi avec un décret, il ne s’agit pas ici d’une loi pénale comme dans le cas de celle sur le harcèlement sexuel, récemment annulée par le Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel précise : « Si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions. En outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle. Enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie..(2010-4/17 QPC, 22 juillet 2010, Journal officiel du 23 juillet 2010, p. 13615, texte n°115)"
A la veille des législatives, cette annonce dissimule mal sa seule ambition électorale et fait les délices de Monsieur Copé et de sa bande.
Le PS a-t-il donc si peur de ne pas être convaincant et de ne pas obtenir de majorité à l’Assemblée qu’il est prêt à enfreindre la Constitution en ne respectant pas le Parlement ?
33 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON