Plaidoyer pour une systématique validation des lois après observation de leurs effets
En France, on légifère à tour de bras. C’est une véritable « poursuite infernale », nous dit l’avocat général Philippe Bilger. Mais à y regarder de près, ce n’est pas en soi un mal. On tente de s’adapter aux évolutions du monde, la démarche est sensée et louable.

Le problème réside dans la validation après coup de l’action menée, ou plutôt dans son absence.
En effet, malheureusement, il ne semble pas qu’existe une procédure standard pour évaluer la pertinence d’une loi. Quand la loi est votée, on ne précise pas un délai d’observation à l’issue duquel on examinerait si la loi a effectivement résolu - ou contribué à résoudre - le problème à son origine. Même si un rapport pointe les insuffisances d’une loi, l’examen de révision de cette loi n’est pas systématique, il repose sur le bon vouloir. Ainsi, si le rapport de Julien Dray, rédigé à la demande du Premier ministre en décembre 2001, sur « l’évaluation de l’application et des conséquences sur le déroulement des procédures diligentées par les services de police et de gendarmerie des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes » (lien), soulignant des problèmes manifestes de ladite loi, trouva une réponse législative en mars 2002 (lien), chose louable, on ne peut que déplorer la nature extraordinaire de la procédure. Car si l’examen objectif de l’application de la loi a été fait, ce qui est très bien, même si ce n’était que sur un point (trop) précis de la loi, cela n’allait pas de soi, et là est le problème. N’aimerions-nous pas avoir eu le droit à un examen précis de la pertinence de la création de la police de proximité, ou encore du « délit d’embuscade » à venir ?
Ce n’est pourtant pas extravagant d’envisager des procédures simples et carrées -systématiques- pour contrôler l’évolution législative.
- On observe un problème, on fait une proposition législative pour le résoudre
- On discute cette proposition, on l’amende, besoin, on la vote
- Si elle est approuvée, on décide d’un délai raisonnable d’observation (trois ans, par exemple)
- À l’échéance de ce délai d’observation, on réunit une commission parlementaire chargée de rendre dans un court délai (un mois, par exemple) un compte rendu argumenté (exemples à l’appui) sur les effets observables de cette loi
- Si le compte-rendu conclu que l’objectif de la loi n’est pas atteint, la loi est remise en discussion, ouverte à l’amendement, soumise à un nouveau vote
De même le citoyen saurait pourquoi une loi est retirée, il aurait accès à un rapport parlementaire, à un nouveau débat parlementaire. On ne pourrait retirer une loi sans examen d’observation. La loi serait soumise à un examen d’efficacité, et non à un examen d’idéologie.
Le changement d’une majorité par une autre n’impliquerait ainsi plus le retrait des mesures marqués du sceau de l’infâme ex-majorité. Car la nouvelle majorité devrait alors expliquer pourquoi elle décide de remettre en cause et de voter contre des lois dont les effets semblent positifs, tout autant qu’on ne discuterait pas la suppression de lois dont les effets semblent négatifs.
En outre, nous n’aurions pas besoin de « jury citoyen » pour, ponctuellement, évaluer l’action des élus. Chaque citoyen pourrait se rendre sur le site du Parlement, où il trouverait un tableau listant année par année l’ensemble des lois votées, avec une colonne précisant l’objectif visé, une autre précisant le délai d’observation, une autre donnant un lien direct vers le rapport d’observation (le cas échéant), une dernière donnant toutes informations utiles concernant la postérité de la loi (nouveau vote, suppression, validation, etc).
22 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON