Après la bataille de Beder qui avait vu la victoire de Mahomet sur l’armée de la Mecque, celle d’Ohod que perdit le Prophète semblait devoir tout remettre en question. Faut-il n’y voir que de simples petits affrontements ? Quand je lis dans Wikipédia que la bataille ne fit que quelques dizaines de tués, cela me fait largement sourire. Bien que très intéressant, je ne vais pas vous raconter ici tout le déroulement des combats. Je me limiterai à ce qui me semble être la partie la plus tragique : le champ de bataille des morts. Le lecteur qui n’est pas habitué à mes raisonnements risque d’être surpris tant je suis à l’opposé des interprétations et des explications qui ont cours. C’est pourquoi, pour qu’on ne puisse m’accuser d’inventer, comme c’en est devenu l’habitude, j’ai pris soin de présenter dès le début le texte de référence et de ne développer mes interprétations qu’ensuite.
Extraits du récit du musulman Tabari, pages 196 à 202, (Mohammed, sceau des prophètes, éditions Sindbad, 1980, traduction de Hermaan Zotenberg).
... Les infidèles les entourent. Le Prophète est resté fixe à son poste. Il appelle ses compagnons et encourage les soldats ; mais aucun d’eux ne répond à son appel... Il est seul avec dix hommes ; tous les autres se sont enfuis... Les infidèles triomphent... Quant aux musulmans, les uns sont en fuite vers Médine, les autres sont blessés, d’autres se cachent dans la montagne... Moç’ab qui se tenait près du Prophète, est atteint par un trait et meurt.

L’étendard tombe et touche la tête du Prophète . Un certain Otba lance contre lui une pierre qui l’atteint aux lèvres, lui brisant deux dents de devant et lui déchirant la lèvre inférieure ; le sang coule sur sa barbe. Une autre pierre l’atteint entre les sourcils et le blesse au front : le sang inonde ses yeux et son visage... Un certain Abdallah le frappe d’un coup de sabre au côté droit sans pouvoir le blesser ; mais le Prophète tombe de cheval et ne peut se relever à cause de la pesanteur de ses cuirasses et de sa faiblesse ; il a perdu beaucoup de sang... Abdallah s’écrie : j’ai tué Mohammed ! En entendant ce cri, les compagnons du Prophète sont saisis de terreur. Les dix hommes qui l’entourent se dispersent... Etendu sur le côté et ne pouvant se relever, le Prophète reste seul. En faisant des efforts, il arrive à s’asseoir par terre... Cherchant le Prophète, un certain Sad l’aperçoit, le visage inondé de sang, mais il ne le reconnait pas. Le Prophète criait... Musulmans ! c’est moi, le prophète de Dieu, ou allez-vous ?... Le Prophète est sur pied ; il voit les musulmans qui s’enfuient vers Médine. Il se rend avec ses compagnons sur une colline de sable et il s’écrie : je suis ici, moi, le prophète de Dieu !... mais eux n’y croient pas ; ils se disent entre eux : le prophète de Dieu a été tué.... Voyant Omar et Abbas qui le cherchent parmi les morts, le Prophète les reconnait : il appelle Omar qui alors le reconnait également à sa voix et qui répond : Me voilà, ô apôtre de Dieu... et il dit : ô apôtre de Dieu, les hommes croient que tu es mort ; s’ils apprennent que tu es vivant, ils se rassembleront autour de toi. Le Prophète dit à Abbas : mon oncle, appelle-les ! Abbas, qui avait une voix très forte, gravit la montagne et crie : Musulmans, ne vous affligez pas, le prophète de Dieu est vivant !. En entendant les paroles d’Abbas, tous ceux qui étaient cachés derrière la montagne et derrière des pierres accourent auprès de lui et se rassemblent autour du Prophète... Ali va chercher de l’eau dans le voisinage et l’apporte dans son bouclier ; il dit : lave le sang de ton visage, ô apôtre de Dieu, afin que tes compagnons te reconnaissent... Ali relève l’étendard tombé à terre... Les musulmans, entendant ses cris et voyant l’étendard flotter, reconnaissent que le Prophète est vivant . Tous se dirigent vers l’étendard et une centaine d’hommes entourent le Prophète. Tous sont blessés, mais la joie de le savoir vivant leur donne des forces... (Tabari, pages 196 à 202).
Le dimanche suivant, le Prophète rentra à Médine... Apprenant qu’Abou Sofyân campait à deux stations de là, il reprit aussitôt l’offensive, le lendemain lundi. Il avançait sur son cheval, à la tête de son armée de blessés comme un ressuscité... le visage voilé comme il se doit.
Mon argumentation :
1. L’oeil qui tomba et que le Prophète remit en place.
Il s’agit d’un incident qui se produisit en pleine bataille. Un musulman avait été frappé à l’oeil par une flèche et son oeil était tombé. Tabari écrit que le musulman prit son oeil dans sa main et le remit au Prophète qui le remit en place tout en soufflant sur lui, et il ajoute que non seulement l’oeil fut guéri mais qu’il était mieux fixé qu’auparavant (1). Il y a manifestement un sens caché dans ce miracle car dans son sens littéral, ça ne veut strictement rien dire. Est-ce l’oeil de Dieu qui regardait Caïn, selon Victor Hugo ? Je ne sais pas ; mais s’il y a un sens caché, cela signifie qu’il en est de même pour l’ensemble du texte. Les pierres que reçoit le Prophète sont bien évidemment des pierres lancées par des catapultes. L’immobilité du Prophète qui les reçoit évoque un réduit fortifié/poste de commandement qui, finalement, s’effondre sur les occupants ; les deux cuirasses évoquent une paroi renforcée de protection contre les flèches et les boulets ; le déplacement sur une petite éminence ne peut s’expliquer que si ce poste de commandement était sur roues.
2. Pourquoi Tabari insiste-t-il tellement sur cette présence du Prophète au milieu des martyrs et sur l’effort qu’il faut faire pour le "voir" ? Dans l’évangile de Jean, Marie-Madeleine, elle aussi, n’arrivait pas à voir Jésus ; elle ne le reconnut qu’à la voix... Ayant dit ces mots, elle se retourna et vit Jésus debout ; et elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : "Femme, pourquoi pleurez-vous ? Qui cherchez-vous ?" Elle, pensant que c’était le jardinier... (Jn 20, 14 - 15) . De même, Omar n’a reconnu Mahomet qu’à la voix.
3. Pourquoi le Prophète est-il toujours représenté le visage voilé ?
Cette question en amène automatiquement une autre : parmi les sept hommes membres du conseil Mahomet du début (voir mes deux articles précédents
http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/l-islam-en-question-un-devoir-de-83432 et
http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/l-islam-en-question-deuxieme-83902) quel est celui qui s’est révélé ou qui se révélera être l’homme Mahomet ? La réponse que je propose est la suivante : c’est, ou ce sera, celui qui aura survécu jusqu’au terme de la mission divine. Dans cette logique, on comprend qu’il aurait été mal venu de montrer le visage du désigné avant ce terme. Cela signifie qu’à la bataille d’Ohod, il y a eu des morts, non seulement dans l’armée musulmane mais également dans le conseil de Mahomet. Cela signifie que celui qui est reparti à l’offensive le lundi qui a suivi le désastre - précision donnée par Tabari - était probablement le seul ou un des seuls à avoir survécu, les autres étant morts sur le coup ou des blessures reçues. Mais il est également possible que les sept aient été tués. Dans ce cas, le Prophète ne pouvait ressurgir que du grand corps des martyrs qui ont survécu.
Le champ mystique des morts musulmans (interprétation libre mais fidèle du récit de Tabari).
Le champ de bataille n’est plus dans la nuit qu’un immense champ de ruines que parcourent les Koréishites à la recherche du butin. Tenaillés par une inquiétude mortelle, quelques musulmans fidèles s’attardent sur les lieux du drame. Discrètement, dans la pénombre, ils retournent les corps pour essayer de retrouver celui du Prophète.
Ils croisent un visage ensanglanté ; est-ce lui ? N’est-ce pas lui ? Ils entendent de faibles murmures, de multiples plaintes qui montent du champ de bataille vers le ciel comme si c’était une seule voix : « Je suis là, dit la voix, moi Mahomet, le prophète de Dieu. »
Ils sont là, les martyrs de Dieu, appuyés sur leurs coudes ou péniblement assis dans leurs lourdes armures, le visage en sang, torturés par la douleur et méconnaissables.
Les survivants secourent les blessés. Quelques archers assurent leur protection. Le grand corps des martyrs semble reprendre un peu de vie au fur et à mesure qu’on les regroupe. Certains aident les archers en leur passant des flèches. D’autres ont encore le courage de se saisir d’une lance pour se défendre contre quelques Koréishites égorgeurs. D’autres enfin se sont regroupés au sommet d’une colline de sable. Ils voient les musulmans qui s’enfuient. Ils les appellent, comme si le Prophète vivait encore en eux. Mais les fuyards refusent de les croire, ô hommes de peu de foi ! Ils répondent que Mahomet est mort…
Ô musulmans, rappelez-vous !
Lorsque vous étiez en train de fuir,
Abandonnant derrière vous le Prophète qui vous appelait en vain.
Fuyant l’angoisse de la défaite,
Vous couriez vers l’angoisse du châtiment divin.
Repentez-vous et que Dieu vous pardonne ! (Sur III, v 147)
Il était là, respirant faiblement, ce grand corps de martyrs. Il était là, ce visage de prophète, ressuscitant et vivant. Reposant au milieu de ses compagnons, ce visage pleurait. Parcourant le champ gémissant, Omar et Abbas “virent” ce visage de prophète qui pleurait. Ils s’approchèrent du martyr sublime. Omar s’effondra en larmes, et lui baisant le visage et les mains, il lui dit : « Ô apôtre de Dieu, me voilà ! Ils disent que les Koréishites t’ont tué, mais moi je sais que tu vis. Parce qu’ils te croient mort, beaucoup se sont enfuis, mais si nous leur disons que tu es toujours vivant, alors, nous pourrons les rassembler encore. »
Se tournant vers Abbas, le Prophète murmure : « Ô mon oncle, toi qui es le chef des Beni Hâshim, toi qui représentes toujours le pouvoir légal de La Mecque, appelle-les ! »
Et il monta , Abbas, au sommet de la montagne ; et il s’écria d’une voix de stentor : « Musulmans, réjouissez-vous ! Le Prophète est vivant ! »
« Musulmans, réjouissez-vous ! Le Prophète est vivant ! »
Ils ont entendu l’appel d’Abbas. Ils arrivent. Ils sortent de derrière les pierres. Ils descendent de la montagne où ils s’étaient cachés. Ils se rassemblent autour du prophète ressuscité. Ali, qui combattait encore, accourt. Il pleure en voyant son maître en sang. Il va chercher de l’eau dans son bouclier. Il lui dit : « Ô apôtre de Dieu, lave-toi le sang de ton visage afin que tes compagnons te reconnaissent ! » Puis, voyant l’étendard à terre, il le relève et le dressant vers le ciel, il pousse un cri de triomphe. Cent musulmans entourent le Prophète. Tous sont blessés, mais la joie est revenue dans leur cœur.
A Médine, on avait reçu la nouvelle de la défaite. On savait que le Prophète était mort. Hommes et femmes, tout le monde se rendit à la porte, nu-tête. Puis, on apprit que le Prophète était vivant mais blessé.
Fâtima, gémissant et pleurant, se dirigea vers la montagne. Une femme qui la suivait lui dit : « Ô fille de l’apôtre de Dieu ! Ne va pas plus loin, je t’en prie. Ne va pas affliger davantage le Prophète et Ali en leur montrant le spectacle de ta douleur. Laisse-moi aller aux nouvelles, je te rapporterai le nom des blessés, des morts et des survivants. » (Quelle est cette femme sinon la population de Médine qui soutient Mahomet, notamment les femmes, les hommes étant au combat). La femme traversa le champ de bataille. Le premier mort qu’elle vit était son frère, le deuxième, son père (je traduis : tous les morts au combat, les frères comme les pères). Elle ne s’arrêta pas. Elle continua jusqu’à l’étendard. Là, elle vit le Prophète au milieu de ses compagnons ; Ali tenait le drapeau. Son cœur bondit de joie. Elle retourna auprès de Fâtima pour lui annoncer la bonne nouvelle, puis elle revint sur le champ de bataille pour y pleurer ses morts.
Abou Sofyân avait entendu la proclamation d’Abbas. D’une voix forte, il s’écria : « Mahomet, si tu es vivant, réponds-moi ! » Il s’écria une deuxième fois : « Mahomet, réponds-moi ! » Il s’écria une troisième fois : « Mahomet, réponds-moi ! » (Il cherchait le Prophète). Mahomet avait interdit qu’on réponde (pour ne pas faire repérer son emplacement sur la colline de sable). Omar, qui pouvait se déplacer, fit répondre à Abou Sofyân que Mahomet était vivant.
Abou Sofyân se porta au sommet de la montagne. Il s’écria : « Hobal triomphe ! » Parlant au nom de Mahomet, Omar répondit : « Allah est au-dessus d’Hobal. » Et aussitôt, le Prophète décida de se porter, malgré la lourdeur de ses deux cuirasses, sur une position plus élevée ; il y avait, en effet, sur la montagne, une pierre sur laquelle il voulait s’asseoir.
Lorsqu’au petit matin, Abou Sofyân vit le détachement ainsi retranché, doutant d’une part de la résurrection du Prophète, estimant d’autre part qu’une prolongation sans intérêt des combats ne pouvait que mettre en doute l’ampleur de sa victoire, il décida tout simplement de s’en aller. Il leur cria : « Victoire pour victoire ! Vous avez eu la vôtre à Beder, nous avons la nôtre à Ohod. »
Mahomet resta sur sa position toute la journée et toute la nuit. Le lendemain matin, au lever du jour, il descendit pour parcourir le champ de bataille. Il voulait voir ceux qui avaient été tués. Voyant la dépouille mutilée d’Hamza, Il dit : « S’il n’en tenait qu’à moi, je n’enterrerais rien de tout cela. Je laisserais les oiseaux s’en nourrir, afin que le jour de la résurrection, on voie jaillir Hamza de leur estomac, dans le ciel. »
Petite digression de ma part : Puis, il se rappela avec émotion le moment décisif du combat victorieux de Beder lorsqu’il avait pris une poignée de sable pour la lancer dans les yeux des Koréishites. Il se rappela le vent qui s’était levé à l’instant même où il jetait ce sable, et dans le vent de sable, la sombre et gigantesque nuée de flèches qui s’était abattue sur l’ennemi surpris.
Hamza, enfant chéri de la victoire ! Habiles archers, servants redoutables de balistes ! Sous la protection de vos tirs précis et nourris, les fantassins avançaient sans rencontrer de résistance. Quand ils arrivèrent sur leurs adversaires, ceux-ci étaient déjà morts, percés par vos flèches ou broyés par le déluge de vos pierres. C’était comme s’ils avaient été assommés avec des bâtons par des anges. Fin de ma digression (2).
Ensuite, le Prophète se recueillit sur les cadavres et donna l’ordre qu’on commence à creuser les tombes. Voyant les affreuses mutilations subies par leurs camarades, les musulmans se disaient entre eux : « Vengeance ! Nous leur ferons ce qu’ils nous ont fait. » Et Mahomet lui-même déclara sous le coup de la colère : « Pour chacun de ces cadavres, je ferai couper, à ma prochaine victoire, sur le lieu même de ce crime, les nez et les oreilles de deux hommes. » Mais aussitôt, Dieu intervint pour calmer les esprits :
Un jour, peut-être, prendrez-vous votre revanche ?
Ce jour-là, personne ne s’étonnera
si vous appliquez à vos ennemis les traitements
qu’ils vous ont fait subir.
Mais, si vous voulez mériter le paradis,
il vous faut pardonner.
(Sur. XVI, v. 127)
Entre Bosra, la capitale syrienne du sud, et Hîra l’irakienne, ancienne capitale des Lakhmides, une guerre sans merci par colonies interposées. C’est l’hypothèse que je propose pour expliquer cette bataille d’Ohod.
1. Des populations rivales. J’ai expliqué dans un précédent article que la première épouse de Mahomet, Khâdidja, était, selon moi, la population de La Mecque qui soutenait le Prophète. Cousine du chrétien Waraqa proche des moines Ba hira qui enseignaient Mahomet et le renseignaient par leur ange Gabriel, on peut supposer qu’elle était une ancienne colonie fondée par Bosra à la Mecque, ou tout au moins, une population protégée (voyez mon article cité ci-dessus). Par analogie, on est amené à faire une semblable hypothèse pour Hind, la femme d’Abou Sofyân. Hind pourrait être une colonie en provenance d’Hîra qui, à la Mecque, aurait tenté de supplanter l’influence syrienne. A Hîra, le passage du Koréishite Abou Sofyân est attesté par les textes ainsi que l’existence de monastères portant ce nom de Hind. Cette hypothèse expliquerait l’évolution de la situation politique de la Mecque en faveur d’Abou Sofyân et au détriment du descendant hashîm Mahomet qui se trouva ainsi contraint à l’exil.
2. Des spiritualités opposées. Cette rivalité politique se double d’une rivalité religieuse. Mahomet s’inscrit dans la continuation du judaïsme et du christianisme, en en corrigeant certains points comme je l’ai expliqué par ailleurs. En revanche, en ne se décidant qu’en dernier recours à

relever la statue d’Hobal (3), Abou Sofyân se raccroche probablement à un manichéisme en perte de vitesse allié à une population/Hind qui semble, dans le texte de Tabari, avoir oublié ses anciennes croyances chrétiennes/nestoriennes.
Particulièrement intéressante est la prophétie d’Abdoul le Messi que j’ai évoquée dans mon précédent article mais dont je ne comprends que maintenant la véritable signification après les commentaires d’Antenor et de Lord Franz ferdinand Of F.In S.. Il s’agit du procédé bien connu en guerre psychologique de la contre-information qui consiste, dans le cas d’Hîra, à affirmer que le manichéisme et le nestorianisme ont bien annoncé la venue du Prophète. L’affaire est à mettre en parallèle avec celle du Pentateuque où Tabari affirme que cette venue y était aussi annoncée. L’intérêt de ces deux contre-informations est de nous désigner les deux adversaires prévisibles du futur islam : les Juifs de Médine et la population mecquoise d’immigration récente venue selon moi d’Hîra.
3. Des unités de combat. Très étonnant est le rôle tout à fait déterminant que joua dans la bataille l’esclave abyssin Wa’hschi. Un seul homme qui avec son seul javelot décide du sort des combats ? Le fait est incroyable et tellement incroyable que cela n’en est pas crédible ! L’explication est que Tabari reprend le style d’Homère où, comme je l’ai expliqué par ailleurs, les héros de l’Illiade sont des oligarchies guerrières dont les exploits sont relatés comme s’il s’agissait d’exploits d’individus. Mais chez Tabari, c’est encore plus complexe, et mes explications seraient beaucoup trop longues pour les exposer dans un simple article comme celui-ci. Il n’est d’ailleurs pas besoin de grands discours pour deviner que les effectifs réels présents au combat d’Ohod étaient bien supérieurs aux chiffres donnés par Tabari. La meilleure preuve est l’abattage qu’ordonnait Abou Soyân pour nourrir son armée : dix chameaux par jour, cela fait tout de même beaucoup (4).
Bref, à Ohod, c’est là que se seraient donc affrontées, suivant mon hypothèse argumentée, les deux grandes puissances du Proche-Orient par colonies interposées, ce qui est, il est vrai, assez étonnant tant l’histoire nous a habitués à des conflits directs. Il s’agit d’une grande bataille mettant en jeu deux armées aux effectifs certainement bien plus importants que ceux qu’indique "littéralement" Tabari, avec probablement des renforts venus d’ailleurs.
Mais revenons à Hind, cette population sortie tout droit de la barbarie antique et à laquelle pourtant Mahomet accorda finalement son pardon. Cette population qui s’acharnait sur les morts, qui mangeait le foie de ses ennemis et qui, pourtant, était si belle ...
Nous sommes les filles de l’étoile du matin.
Nous marchons sur des coussins.
Autour de nos cous, des colliers de perles.
Du musc dans nos cheveux.
Vous vous battez, voici nos corps.
Vous reculez, adieu l’amour... (5)
J’ai vu Hind, les jupes retroussées,
gravissant la montagne avec effort.
J’ai vu sa peau foncée,
et autour de ses pieds
de beaux anneaux d’argent. (6)
Renvois :
1. page 199 du livre de Tabari précité
2. d’après page 137 et suivantes (mon interprétation d’Hamza)
3. page 189
4. page 150
5. page 198
6. page 196
Note :
Je ne donne les références et les traductions des sourates qu’avec réserves. Tabari ne les donne pas.