Un schéma de santé
Cet essai de schématisation de la santé est à la fois un constat des lieux, avec des éléments critiques et une indication du sens que pourrait prendre le corps médical, du brancardier au directeur d’hôpital, en passant par le professeur ou l’orthophoniste dans une sorte de déontologie commune.
1/ le médecin généraliste en son bureau
Le médecin généraliste a acquis le statut de spécialiste. Il a un travail énorme devant lui.
Travail diagnostique, patiemment établi à l’aide d’une consultation méthodique. Il tend à pratiquer une médecine basée sur les preuves (EBM) Il recueille les éléments dans un dossier médical que l’informatique nous permet de partager. L’utilité et la faisabilité d’un tel système mérite sa mise en œuvre. Nous avons les ordinateurs : tant de papiers, tant de films radio, alors que ces papiers, ces radios, sont bien sagement à éventuelle disposition dans l’ordinateur du confrère spécialiste ou à l’hôpital. Problème de formats, de cryptage ou paresse intellectuelle ? Le dossier médical est à la base d’une bonne pratique ; il est interfacé avec une banque de données médicamenteuses, il est devenu incontournable dans la consultation. L’internet ouvre les portes de la bibliographie et les listes de discussions médicales sont fructueuses, complétant le travail personnel : formation continue, évaluation des pratiques.
Travail social et administratif : rédaction des certificats, remplissage des formulaires, le médecin libéral est un partenaire de fait de la CNAM. Ce n’est pas une relation banale. Associant une volonté de perpétuer la liberté de d’installation et de prescription à la nécessité d’équilibrer le budget kolossal, elle fait du MG un être hybride, parfois prêt à transgresser la réglementation si sa conscience professionnelle l’impose, quitte à être désavoué au tribunal de la Sécurité sociale.
Travail éducatif : la thérapeutique ne se pratique pas du jour au lendemain. Le MG a autorité sur son patient car il est constamment à jour de ses connaissances. Il détient les informations pour dire ce qu’il y a de mieux à son patient. Il ordonne la prescription, pour le bien du malade, avec le temps nécessaire de l’explication qui fera accepter le conseil. Il peut conseiller l’automédication. En cas d’urgence, les malades peuvent s’adresser au 15, selon la gravité estimée par le régulateur, un conseil peut suffire, une ambulance peut être dépêchée, une intervention type SAMU déclenchée. De plus en plus de maisons médicales de garde dont le financement reste à pérenniser permettent jusqu’à minuit le plus souvent de résoudre les soucis de ceux qui cherchent un soin de médecine générale non programmé.
2/ les satellites
a- Les spécialistes de ville ou hospitaliers, leurs plateaux techniques.
Je ne connais pas de spécialistes normalement constitués qui n’aient de la reconnaissance pour le travail du MG. Idéalement, le patient qui se présente à lui est un patient "trié", qui permet un regard désencombré des préliminaires. Il répond à une question précise, confirme le diagnostic, met un œuvre un traitement en partenariat avec le MG. Il donne toutes informations nécessaires pour renvoyer à la surveillance du MG même les thérapeutiques les plus pointues. L’Hôpital est une solution extrême dans le parcours de soins, du fait de sa mise en œuvre couteuse, le MG en a conscience. Il n’en attend pas moins un soin de qualité et un retour d’informations. Là aussi, on attend la transmission électronique.
b/ auxiliaires médicaux
Aux infirmièr(e)s, on peut confier le suivi d’une thérapeutique, la surveillance de l’état général du malade, délégation de soin à IDE spécialisées pour un suivi diabétique, pe, alors que leur activité de ville est devenue petit-à-petit celle d’un aide-soignant. Ils passent leurs journées à courir sans que personne ne parlent de leur burn-out. La prescription de thérapeutiques injectables n’est plus le centre de leur magie, avec la seringue guérisseuse qu’attendait anxieusement le souffrant. Cette vigilance aiguillée doit évoluer vers une fonction de signalement au MG, renforçant les échanges si utiles au patient.
L’aide-soignant hospitalier sait bien que c’est lui qui s’occupe des soins hygiéniques du corps : il faudrait en retrouver en ambulatoire.
Les kinésithérapeutes ont pris leurs responsabilités en acceptant une prescription par "Bilan et soins", cela change le rapport qu’il y avait dans la délivrance d’ordonnances d’x séances, sorte de tickets pour aller chez le kiné sans aucun échange autre qu’un contact au tennis-club. Reste à clarifier les pratiques comme l’ostéopathie dans ce cadre.
Le transport des malades se fait grâce à des ambulanciers ou bien en taxi. Dans les cantons isolés, ne pourrait-on pas imaginer un travailleur social chargé de pallier à l’isolement, d’amener le patient au cabinet médical ?
Un ou une secrétaire médical(e) donnerait au MG plus de temps pour une bonne coordination de tous les acteurs. Bien d’autres auxiliaires médicaux apportent leur contribution à la santé : orthoptistes, podologues, psychologues, diététiciens, orthophonistes... Tous partagent la responsabilité médicale. Ils ont conscience de la noble tâche qu’ils accomplissent. Mais actuellement, chacun fait dans la libéralité des limites d’une prescription qui résume les contacts. C’est dommage.
c/ pharmaciens
Pharmacie donc industrie : elle veut soi-disant notre bien. Et comment ne soigner qu’avec nos belles paroles ? Les Français semblent aimer les médicaments ? Est-ce-que ce serait parce qu’on s’est habitué à avaler une pilule pour résoudre tous problèmes, d’une migraine (tout aussi nébuleuse dans sa pathogénie mais pour laquelle le remède onéreux enfin trouvé (triptans) prétend aller au but) au moindre rhume, en passant par la maladie d’Alzheimer pour qui les anticholinesterases sont peu efficaces. Pas d’argent pour pérenniser un maison de garde mais un budget illimité pour les thérapeutiques innovantes.
Le principe de si-ça-ne-fait-pas-bien-ça-ne-fait-pas-de-mal noircit les ordonnances. Nous devrions renforcer l’indépendance du MG face au lobby pharmaceutique. En privant les patients d’un médicament, me rétorquerez-vous ? L’intime conviction ne suffit pas devant l’expert.
d/ madame la caisse
La solidarité nationale n’est pas du ressort de la MG. C’est l’affaire de l’Etat et il est notable que je n’ai pas vu de différence, quelques soient les gouvernements dont aucun n’a résolu le problème du déficit. Tiroir-caisse toujours ouvert, la CNAM trouve de mauvaises raisons de refuser certaines prestations et paye sans compter les gaspillages. Ce n’est sans doute pas si simple de contenter tout le monde. Deux poids-deux mesures, et pour les cotisations, ce serait pareil ? Comment concilier l’inégalité de la contribution et l’égalité du service ? Ne pas rembourser en dessous d’une franchise ? Ceux qui peuvent payer une mutuelle vont se demander à quoi bon ? Ne pas prendre en charge le petit risque ? Dérembourser les médicaments de base en faisant vraiment de l’OTC dans les rayons des supermarchés ? Limiter les soins coûteux semble impossible dans certains cas médicaux. Qui n’a jamais été sauvé en salle de réa se lève pour réclamer une fermeture de ces salles coûteuses. Madame la Caisse fait ce qu’elle peut.
3 Commentaires-Conclusion
Tout cela dresse un joli tableau idyllique, me direz-vous ? Ajoutez la transparence et on aurait presque résolu le problème. En réalité, la situation de la santé des Français est calquée sur l’état dans lequel elle se trouve économiquement et politiquement. Les acteurs ne pratiquent pas une déontologie commune. Pays riche assis sur son complexe de supériorité, il ne veut entendre aucune restriction. Chacun peut bénéficier des meilleurs soins selon son état. Traduction : on a droit à tout. Et plus rien n’est contrôlable sauf que l’accès au soins n’est pas le même pour tous. C’est là le bémol mais sa correction est délicate. La "sécu" est un peu comme le nœud gordien mais peut-on faire comme Alexandre en tranchant net pour le dénouer ? Avec tant d’acteurs différents motivés par tant de buts différents. l’uniformité du corps médical est à presque une utopie à construire. En prenant le premier rôle dans ce théâtre la MG susciterait à tout le moins des vocations. Il y a une une grande évolution depuis l’apparition des centres 15, la notion de volontariat pour les médecins (régulateurs ou effecteurs) et la prise en charge par la Caisse d’Assurance Maladie (CNAM) des indemnités d’astreinte. La plupart des médecins ont appris qu’il y avait une vie après la médecine. L’autorité du médecin en costume bleu qui sillonnait les routes et visitaient les foyers est remplacée par l’autorité de son conseil avisé au sein de son cabinet où il a toute référence pour gérer les pathologies. Les médecins-conseils sont de plus en plus rigoureux dans l’application du règlement de la Caisse d’Assurance Maladie mais on peut leur opposer un raisonnement médical justifié pour influencer une prise en charge. J’exerce depuis 23 ans la médecine générale en zone semi-rurale. C’est un beau métier. Encore maintenant, je me sens un peu coupable de ne plus mettre mon portable sur ma table de nuit.
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