Déclaration universelle des droits de l’homme
Article 27
Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.
Les créateurs salariés de productions scientifiques ne bénéficient pas des mêmes protections selon que leurs créations soient protégées par le régime du droit d’auteur ou par le régime des brevets. Ces protections sont-elles suffisantes ? Ces protections sont-elles en accord avec les différents traités internationaux ?
Pour les droits moraux et les droits patrimoniaux des inventeurs, la Déclaration universelle des droits de l’homme ratifiée par la France est applicable.
L’article 27* stipule que :
- Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
- Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.
Cette déclaration a été complété par le **Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels Entrée en vigueur : le 3 janvier 1976 qui est en principe applicable directement par les juridictions des États signataires, la France l’a signé en 1980 avec une réserve sur l’article 27 sur les minorités.
Le texte indiquant clairement le terme "production scientifique". Pour définir ce terme, on trouve sur les sites du CNRS**, un des principaux organismes français de recherche, la définition suivante :
"La "page" des "Productions scientifiques" de l’institut, vous permettra de consulter l’ensemble des publications, thèses, communications, brevets... produits par notre laboratoire. "
De même, les Nations-Unies indiquent la définition suivante*** pour le terme production scientifique :
« Le comité considère que la formule « toute production scientifique, littéraire ou artistique », au sens du paragraphe 1 c) de l’article 15, renvoie aux œuvres de l’esprit, c’est-à-dire les « Productions scientifiques », telles que les publications scientifiques et les inventions scientifiques, y compris le savoir, les innovations et les pratiques des communautés autochtones et locales et les « Productions littéraires et artistiques », telles que les poèmes, les écrits, les peintures, les sculptures, les compositions musicales, les œuvres dramatiques et cinématographiques, les représentations et les traditions orales. »
On peut donc affirmer que les inventions (brevetables ou non) font partie des productions scientifiques.
L’article 55 de la Constitution française attache une autorité supérieure à la convention internationale par rapport à celle de la loi interne. Autrement dit, le législateur français, et l’exécutif, ne peuvent adopter des dispositions contraires aux dispositions d’un traité international conclu et ratifié par la France. En conséquence, un juge français se doit d’adopter l’une des deux attitudes suivantes :
- Soit la loi est antérieure au traité, et le juge doit alors considérer que celle-ci a été abrogée par le traité. Il abandonne la loi interne et applique le traité.
- Soit la loi est postérieure au traité, et alors le juge doit laisser inappliquée la loi au profit du traité, puisque le législateur n’avait pas la possibilité d’adopter une loi allant à l’encontre d’un texte international qui lie la France.
Que dit la loi française actuellement ? La loi française concernant la protection des intérêts moraux et matériels des inventeurs salariés d’inventions brevetables se résume ainsi :
Pour les intérêts moraux, un inventeur a le droit d’être ou de ne pas être cité dans le ou les brevets concernant son ou ses inventions dans le cas où son invention est brevetable.
Dans le cas du logiciel qui a été rattaché un peu arbitrairement au droit d’auteur et qui est non brevetable, le droit d’auteur s’applique avec les restrictions suivantes : L’inventeur ne peut s’opposer à la modification du logiciel sauf lorsqu’elle n’est préjudiciable ni à son honneur ni à sa réputation ni exercer son droit de repentir ou de retrait.
Pour les intérêts matériels, l’employeur est propriétaire ab initio du brevet concernant l’invention si celle-ci est réalisée dans le cadre d’une mission de recherche. Il doit recevoir néanmoins une rémunération supplémentaire. Dans le cas d’une invention dite hors mission attribuable l’employeur peut se faire attribuer l’invention en contrepartie d’un juste prix. Dans ce cas on peut estimer que le brevet concernant l’invention est la propriété ab initio de l’inventeur.
Dans le cas d’un logiciel, l’invention est la propriété ab initio de l’inventeur mais avec une dévolution obligatoire à l’employeur. Aucune rémunération supplémentaire ou « juste prix » n’est prévue par la loi.
Dans le cas des intérêts moraux des inventeurs d’inventions brevetables au sens de la loi française, il apparaît clairement que ceux qui sont explicitement cités dans la loi sont notablement insuffisants et en l’état sont en contradiction avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
On peut considérer que a minima un droit de paternité et de citation obligatoire devrait est mis en place. L’inventeur a droit à une reconnaissance morale et publique, et à la publicité de son invention.
On peut aussi considérer que dans le cas d’invention pouvant toucher la dignité et les droits humains fondamentaux (Médicaments par exemple) un droit de retrait devrait être possible lorsque la situation est préjudiciable à l’honneur ou à la réputation de l’inventeur.
Dans le cas des intérêts matériels, il apparaît que l’attribution ab initio du brevet concernant l’invention de mission est en contradiction avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culture. On dépouille l’inventeur de sa création. La loi prévoit une rémunération supplémentaire obligatoire mais aucune référence à un « juste prix » n’est explicitée dans la loi. Logiquement, la jurisprudence prend quasiment systématiquement la valeur de l’invention pour le calcul de la rémunération supplémentaire.
Dans le cas des logiciels la dévolution automatique n’est pas assortie d’une compensation financière automatique en fonction de la valeur économique ce qui est contraire aux principes de base de la notion de protection des conditions matérielles. Comment pourrait-on justifier que l’on protège correctement les droits matériels si on transfère la propriété de la création sans aucune rétribution en échange ?
En conclusion, les attributions ab initio pour les employeurs et l’absence de compensation financières équitable systématique pour les inventeurs salariés dans le cadre d’une mission de recherche qui sont prévus dans la loi française sont contraires à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En application de L’article 55 de la Constitution française, tous les articles de loi relatifs à ces dispositions doivent être non appliqués.