Non à l’inversion de la hiérarchie des langues !
En France, désormais, il y a un fait inquiétant qui tend à prendre de l'ampleur : on s'étonne et on s'offusque de moins en moins de l'omniprésence de l'anglais.
L'anglais semble être devenu pour certains, quelque chose d'incontournable et de normal.
Bien sûr, on voit là le résultat de plusieurs décennies de propagande et de mise en condition des cerveaux des Français, une propagande qui a principalement commencé avec le plan Marshall et les accords Blum-Byrnes de 1946 et qui s'est faite en douceur jusqu'à nos jours, au point où une ministre, Fioraso, a légalisé l'enseignement EN anglais dans les universités françaises, où un ministre, Peyron, a rendu l'enseignement de l'anglais obligatoire dès le CP (dès 7 ans pour nos enfants), où la France se fait représenter au concours de l'Eurovision de la chanson par un chanteur qui chante en bilingue français-anglais - pour bien faire voir à la population française que le français ne suffit plus -, où Carrefour, entreprise française et deuxième groupe mondial dans la grande distribution, mécène de l'équipe de France de Ballon pour l'Euro 2016, choisit une chanson en anglais pour encourager et représenter les joueurs français, etc.
Bref, toute cette anglicisation, impossible à réaliser, il y a de cela quelques décennies, est réalisable aujourd'hui. Certains appellent ce phénomène l'évolution, d'autres, plus résistants et plus informés, appellent cela de la colonisation, une colonisation douce que nous a menée le monde anglo-américain dans une guerre de velours qui a fini par lobotomiser une grande partie de la population française.
Pour prendre un exemple de cette triste réalité, il n’y a qu’à regarder ce qui se passe en France au niveau de la Semaine de la Francophonie.
Eh bien, cette année, comme chaque année, les grands médias ont boudé l’évènement. À titre d’exemple, le 20 mars, qui est la Journée internationale de la langue française et de la Francophonie, rien n’a été dit sur le sujet dans le journal télévisé du 20 heures de France 2, une chaîne du service public de l’audiovisuel français, rappelons-le, une chaîne qui est censée, de part ses statuts, veiller à la diffusion, à l’illustration, à la promotion et à la défense de la langue française. Non seulement, cet évènement ne fut pas traité, mais on nous présenta un film français au titre anglais, FIVE, avec son acteur principal, Pierre Niney, présent sur le plateau, qui nous parla de sa première expérience en anglais lors d'un tournage aux É-U-A. Bien évidemment, Marie Drucker, la présentatrice du journal, abrutie à l’anglais comme la plupart de ses confrères, ne demanda pas à Pierre Niney pourquoi ce film français, tourné en France par des acteurs français et, qui plus est, aidé financièrement pour une large part, par des subventions publiques, donc par l’argent de nos impôts, avait un titre en anglais. Eh oui ! pour les gens de France 2, nommer un film français en anglais, c’est dans l’ordre des choses, la question ne se pose plus, même le jour où l’on est censé fêter la langue française !
Dans le même ordre d’abrutissement à l’anglais, le samedi 11 juin, dans l’émission de Laurent Ruquier On n’est pas Couché, un débat-spectacle diffusé sur la chaîne publique, France 2, il y eut Léa Salamé, une des chroniqueuses animant les débats, qui félicita, bouche bée, le chanteur « français » Nicolas Ker, un des invités de l’émission, de chanter en anglais sans l’accent français ! Là, bien sûr, nous touchons le fond, car non seulement on n’en est plus à se demander pourquoi un Français chante en anglais, mais on en est à donner un bon point à un Français qui chante bien en anglais, sans accent français.
Voilà donc encore, que s’affirme, ce que j’appelle la théorie de tout perdre : perdre notre langue insensiblement, comme nous perdons insensiblement nos acquis sociaux, notre système de vie et de pensée, etc.
Ce trimestre fut particulièrement marqué par des manifestations contre la loi El Khomry, dite loi-travail, une loi qui veut, via son article 2, et entre autres éléments nocifs, mettre en place l’inversion de la hiérarchie des normes. Autrement dit, selon ce principe, ce n’est plus la loi commune qui prévaudra, mais des accords au niveau des entreprises, même si ces accords d’entreprise sont plus défavorables pour le travailleur que la loi commune. Là encore, c’est la façon de voir anglo-libérale qui gagne du terrain, car cette façon de faire est un renoncement à deux des principes-clé qui fait notre République : Égalité et Fraternité. En effet, jusqu’à maintenant, les syndicats puissants, présents dans de grandes entreprises, qui parvenaient à tirer des accords vers le haut, permettaient à la loi commune d’évoluer elle aussi vers le haut et cela, bien évidemment, pour le bénéfice de tous, même pour ceux qui n’ont pas de syndicats puissants dans leurs entreprises pour défendre leurs droits et faire évoluer leur condition de travail. L’égalité de droit et la fraternité entre travailleurs étaient alors possibles, elle ne le sera plus avec l’inversion de la hiérarchie des normes.
Cette inversion de la hiérarchie des normes n’est pas sans rappeler ce qui s’opère également au niveau de la langue française. En effet, n’assiste-t-on pas également, à ce que l’on pourrait appeler l'inversion de la hiérarchie des langues, une inversion consistant en France, à mettre, dans des cas de plus en plus nombreux, l'anglais devant le français ? La loi commune - article II de notre Constitution - ne dit-elle pas que le français est la langue de la République, mais des accords particuliers ne mettent-ils pas l’anglais devant le français : enseignement EN anglais dans nos universités et grandes écoles, travail en anglais dans de grandes entreprises telle Airbus à Toulouse, subventions publiques pour des films français tournés en anglais, publicités en anglais sur l’espace public, communication en anglais entre hauts fonctionnaires français et technocrates français de la Commission européenne, etc. ?
Bref, la loi commune qui dit que la langue française est la langue de la République passe de plus en plus en second plan par rapport à des accords, à des conventions, à des pratiques qui placent l’anglais devant le français.
Force est de constater, cependant, que si des millions de personnes sont descendues dans la rue pour refuser l’inversion de la hiérarchie des normes, personne n’est descendu dans la rue pour protester contre l’inversion de la hiérarchie des langues ! Preuve que la population a été mieux préparée à accepter l’anglais qu’à accepter le système de vie qu’il sous-tend. Cela s’explique, tout de même, par le fait que le formatage de la population à l’anglais a été lancé de longue date, par la machine de guerre culturelle et de divertissement étatsunienne, au moins à partir des Accords Blum-Byrnes de 1946, tandis que le formatage au libéralisme de type étatsunien qui normalement suit l’imposition de l’anglo-américain, n’a réellement commencé, lui, qu’à partir du traité de Maastricht de 1992, traité qui a marqué la fin du Marché commun européen, pour construire une Europe libérale ouverte aux quatre vents et soumise au système économique étatsunien. 70 ans pour nous préparer à penser que l’anglais n’est plus une langue étrangère en France, apparemment, c’est plus efficace que 24 ans pour nous persuader que notre système social est obsolète et qu’il faut en changer.
Enfin, une note optimiste, tout de même, est venue se poser sur la fin de ce deuxième trimestre de l’année : le 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste, fête nationale du Québec, et comme pour rappeler aux Québécois, que voter l’indépendance est toujours possible, une majorité d’électeurs britanniques votait l’indépendance de la Grande-Bretagne à l’égard de l’Union européenne.
Bonne nouvelle pour nous qui défendons la langue française, le plurilinguisme et la traduction au sein de l’UE, car voilà maintenant que la langue anglaise qui colonise près de 90% de la communication de la Commission européenne, n’aura plus d’existence légale dans l’UE, puisque l’anglais ne fera plus partie des langues officielles de l’Union (l’Irlande a pour langue nationale officielle, le Gaélique ; Malte, le maltais et Chypre, le grec et le turc) ! Ainsi donc, comment désormais, les Euro-atlantistes de tout poil et les technocrates bruxellois de la Commission européenne, promoteurs du tout-anglais, vont-ils justifier, politiquement et juridiquement, le fait honteux, et totalement illégal au regard des traités, que l’anglais reste, la langue officielle, ou peu s’en faut, de l’UE ?
Oui, nous avons du pain sur la planche entre dénoncer la théorie de tout perdre, dénoncer l’inversion de la hiérarchie des langues et dénoncer l’anglais qui n’a plus à être une langue de travail et de communication au sein de l’UE, puisque plus aucun pays de l’Union n’a cette langue comme langue officielle.
Plus que jamais, le combat pour le français, pour la Francophonie, pour le plurilinguisme, pour la traduction et contre le tout-anglais, continue.
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