Vous parlez d’apartheid comme si vous ne saviez pas ce que c’était. C’est très simple. L’apartheid est un système qui autorise aux uns ce qu’il n’autorise pas aux autres. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en France il n’est pas besoin de lois en la matière. En effet l’apartheid est ici mental. Comment alors expliqueriez vous d’aussi fortes discriminations à l’emploi, au logement, à la promotion sociale, à la représentation télévisuelle... ? et ce sans armature legislative explicite ?
Donc je veux bien que vous craignez l’apartheid, mais à un moment donné je trouve qu’il faut s’enlever les oeillères !
Je me permet d’ajouter que pour grand nombre d’observateurs étrangers (en particulier les journalistes), le problème français est dû aux discriminations sociales durement vécues par les minorités ethniques.
Je pense comme vous qu’il n’y a pas de modèle idéal, mais des modèles qui ont plus de résultats que d’autres. Or sur le plan
des discriminations, fort est de constater qua l’angleterre est meilleure.
Maintenant, tout dépend de ce que la société attend. Plus d’intégration ou moins de communautarisme ? Car il faut en effet choisir, puisque manifestement la société ne semble pas encore prête à donner une place conséquente aux originaires d’autres pays. Je ne pense pas que les français soient plus vertueux que les anglais au point de se dire :« ne faisons pas de communautarisme, nous n’en avons pas besoin, nous ! ».
Il suffit de regarder la réalité:la France est déjà communautarisée. C’est du fait des Français d’abbord et des immigrés ensuite en réaction au rejet insidieux de la population française elle-même.
Nous commençons à nous approcher du modèle anglo-saxon mais sans intégrer nos immigrés légaux ou français d’origine étrangère.
Je pense que les Français de souche
luttent contre un racisme intériorisé par la conjonction entre
les constructions intellectuelles sur les étrangers à certaines époques (telles
que la colonisation et l’esclavage) et la répression morale actuelle du racisme
. Cette situation semble avoir situé toute les personnes en sympathie avec cette notion dans une posture si inconfortable que les racistes eux même préfèrent se dire non-racistes. Or cette configuration hypocrite va à l’en contre de la lutte réelle contre le racisme. En effet, le raciste se sent réprimé à cause d’une idée
qu’il crois juste (puisque naturellement héritée) alors qu’en même temps il cohabite parfois avec des individus originaires d’ailleur (ce racisme n’est accentué qu’en raison de la présence de l’immigré). Un sentiment d’injustice naît donc en lui : la seule présence de l’immigré lui est injuste puisqu’à cause de cette présence, il doit se faire violence (qui plus est dans son propre pays). Ce sentiment d’injustice le conduit à « convertir » son racisme en d’autres attitudes qui consisterons au final à obtenir le même résultat que ce à quoi le seul racisme conduit : le rejet de l’autre. Les discriminations, la généralisation d’actes délinquants, le sentiment de supériorité sont des exemples d’attitudes détournées du racisme. Or le climat actuel est emblématique d’un choix délibéré de ne pas approfondir une histoire qui a lié la France et l’Afrique à l’époque de l’esclavage et de la colonisation (bien que de plus en plus de Français réalisent cette nécessité). Ce qui est normal, puisque le sentiment raciste est légitime pour encore beaucoup de français. Le comptage ethnique ne peut être ressenti que comme un moyen d’accepter des individus qu’ils ne veulent pas en réalité. Je pense vraiment que l’on peut ne pas être raciste et à la fois lutter contre un racisme intérieur, dans la mesure où « l’autre » est un problème selon Sartre. Sauf que chez certains ce sentiment est plus fort que chez d’autres, selon qu’il est légitime pour les uns et à bannir pour les autres.
J’ai plus haut évoqué la lutte réelle du racisme. Selon moi, cette lutte ne peux passer que par l’éclaircissement de l’histoire intellectuelle du racisme et sa confrontation
à un exercice scientifique rigoureux (Dieu sait qu’il y en a). On parviendrai facilement à démentir certaines idées reçues. L’ouverture à l’autre peut aussi aider à diminuer l’impression de menace que constitue l’étranger qui en réalité contribue à sa mesure à la compétitivité économique de la france.
Car on ne se sent menacé que par ce dont on redoute le plus. Et on ne redoute jamais plus quelque chose que quand on la crois redoutable sans la connaître. Puisque ce sentiment est d’abord naturel et idéologique ensuite, cette lutte doit être permanente en nous obligeant à consentir à lutter pour peu que l’on crois le racisme mauvais. Le moins que l’on puisse dire c’est que les conditions que je pense nécessaires à cette lutte sont loin d’être réunies, sauf pour quelques rêveurs.
En ce qui concerne les minorités agîssantes des banlieues, il est vrai que leurs actes sont à prendre en compte et
à condamner avec sévérité. Cependant, on ne peut pas généraliser leurs actes aux actes de la majorité. Parce qu’à ce moment là, si l’on applique ce modèle de raisonnement aux français de souche, il serait durement ressenti par la majorité des français et à juste titre. N’appliquons donc pas aux
autres ce que l’on ne veut pas qu’on nous applique. C’est logique ! Et pourtant, il semble que les médias et les politiques appliquent ce modèle. Pas étonnant que les tensions montent entre ceux qui se sentent injustement mis à l’index et ceux qui pensent avoir raison de le faire, en raison de croyances enfouies au fond d’eux.