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Daruma

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  • Daruma 28 juin 2019 21:18

    @Traroth 

    Pour l’enseignant que je suis (maintenant à la retraite) votre commentaire donne l’impression désagréable de prendre appui sur une vérité pour s’autoriser à exprimer son ressentiment. Il contient une vérité indéniable, qui est, en gros, que l’enseignant devrait aider l’enfant à répondre à des questions qu’il se pose plutôt que de l’abreuver de connaissances dont il ne sait pas à quoi elles servent et qui ne font pas sens pour lui. Le problème est que, partant de cette vérité fondamentale, vous ignorez la problématique soulevée ici, et qui n’est pas le fait des enseignants (même s’ils ont leur part de responsabilité) mais de l’institution. Vous ignorez que les enseignants armés des meilleures intentions et des idées les plus innovantes sont broyés par un système qui leur impose tout un tas de contraintes, les obligeant à se conformer et à entrer dans le moule. Vous donnez l’impression de régler des comptes, sans nuance, par une simplification à outrance qui voudrait réduire, de manière manichéenne, la question à deux pôles : les gentils élèves qui ne demandent qu’à s’épanouir et les méchants enseignants qui refusent de se remettre en question. Je ne dis pas que c’est ce que vous pensez, mais c’est l’impression qui se dégage en vous lisant.

    Trop porté à dénigrer les enseignants (et le système aussi ? On ne sait pas, vous mettez tout dans le même panier) vous passez à côté de la problématique soulevée par cet article, qui est la lâcheté et l’hypocrisie d’un système qui, au lieu de se remettre en question, pratique le déni, le mensonge et la tromperie. Le problème n’est donc pas ici la pédagogie (ce qui mériterait un article consacré à ce sujet, et là je vous rejoins) mais le fait que l’institution fasse semblant d’œuvrer pour le bien des élèves alors qu’elle enfume avec du pédagogisme jargonnant, en mentant à la fois aux parents et aux enseignants sur les raisons véritables (et très prosaïques) de ses orientations et de ses dogmes.



  • Daruma 27 mai 2019 10:23

    On ne peut qu’être d’accord avec vous sur le constat. Mais il est étonnant que, de ce constat, vous en déduisiez que ces personnes sont légitimes. Comprenez-moi : en comparant avec le sport, c’est comme si on disait « tous dopés, donc le vainqueur est légitime » alors qu’on pourrait aboutir à la conclusion inverse « tous dopés, donc aucun vainqueur ne saurait être légitime ». Je me souviens que Yannick Noah était pour la légalisation du dopage chez les coureurs cyclistes, dans un souci d’égalité. Je n’approuve pas mais, au moins, il n’y aurait pas d’hypocrisie.

    Je pense qu’il ne faut pas se cantonner à une opposition binaire : rejeter en bloc le système représentatif en tant que tel, ou bien accepter avec fatalité les défauts du système en se disant qu’il n’y a pas d’alternative et que donc même un élu ayant gagné avec 15 % des inscrits est légitime sous prétexte que les règles sont les mêmes pour tous les candidats. Je pense qu’il y a d’autres choix possibles, mais surtout, et pour ne pas m’écarter du sujet, je pense qu’il faut poser en profondeur la question de la légitimité, et donc de la démocratie, et ne pas avoir peur de réfléchir à améliorer la démocratie représentative. Avec le type de raisonnement de Corbière, dites-vous, aucun dirigeant de nos pays ne serait légitime. Ce que vous ne voyez pas, c’est que son raisonnement, sur le fond, n’est pas faux. Il est juste factice parce qu’il ne se l’applique pas à lui-même.



  • Daruma 24 mai 2019 23:22

    @monde indien 

    Je suis d’accord avec toi : il est urgent de penser différemment la société. Le libéralisme nous a apporté de grand bienfaits sur le plan des libertés individuelles. Il n’est pas question de renier ces acquis. Mais il a oublié les autres valeurs. Liberté, égalité, fraternité, très belle devise. En trois mots, seulement trois mots, l’essentiel est dit. De ces trois mots le libéralisme ne retient que le mot « liberté ». Ce qui est frappant, quand on revient en France après une longue absence, c’est le caractère atomisé de la société. Je suis moi-même un de ses atomes. Je n’ai fait qu’appuyer sur la touche « pause » pour observer, quelques instants, l’étendue des dégâts : une société réduite à une somme d’individus. Mais, me direz-vous, et la famille ? Et les amis ? Je vous répondrai : pas besoin de fraternité avec des gens qu’on aime (amis) ou avec lesquels on a des liens de parenté (famille). Il y a si peu de fraternité qu’il a fallu l’institutionnaliser. On l’a mise dans notre devise comme on range un objet dans un tiroir, et ainsi apaiser notre conscience. Le libéralisme, et le capitalisme, qui n’est que l’expression économique du libéralisme, se fonde sur ce qu’il considère comme une vérité anthropologique indiscutable alors qu’elle n’est qu’une vérité partielle, tronquée de la nature humaine : l’homme serait, fondamentalement, un être qui recherche avant tout l’accumulation indéfinie des biens matériels. L’homme réduit à une nature de consommateur, tel est le parti pris idéologique (pour le dire gentiment), ou le mensonge (pour le dire brutalement) sur lequel se fonde le capitalisme : les humains sont foncièrement égoïstes et matérialistes, et par conséquent le progrès consiste à améliorer sa situation matérielle dans le seul but d’améliorer sa situation matérielle, avec pour horizon la perpétuation de cette condition de génération en génération. En gros, l’idéal bourgeois.

    À cette prémisse très discutable, mais jamais discutée, s’ajoute l’illusion que le capitalisme est indépassable, qu’aucun autre modèle n’est possible, et que sans lui c’est soit le chaos, soit l’appauvrissement, soit la dictature. C’est le fameux TINA, « there is no alternative », de Margaret Thatcher. Aucun besoin de rechercher une alternative, il n’en existe pas.

    Cette illusion – car il s’agit bien d’une illusion – est fondée sur un mensonge, ou plutôt sur un aveuglement que la mauvaise foi a commodément promu en vérité historique ; c’est l’idée, fausse, qu’on a tout essayé et que seul le capitalisme est viable et souhaitable, malgré ses imperfections.

    Le capitalisme veut nous réduire à l’état de consommateurs, il veut nous réduire à l’état d’individus désirants. La rentabilité a remplacé la fraternité : on nous dit que la compétition entre les individus est nécessaire, qu’il faut de la rentabilité, qu’il faut pousser la logique du profit à son maximum, et l’appliquer à tous les domaines de la vie.

    Longtemps j’ai confondu le néolibéralisme et l’ultra-libéralisme. Ils sont différents. Les deux partagent le même fondement anthropologique : l’individualisme (seul compte l’individu), le primat de l’égoïsme sur les autres tendances de l’être humain, et la liberté entendue comme valeur occultant ou minimisant toutes les autres (la justice, la solidarité, la fraternité, l’égalité). La société est considérée comme un jeu de monopoly amoral. Amoral car la notion de liberté est vide de sens si elle n’est pas reliée à d’autres notions . Les notions de justice et d’égalité ne sont présentes que dans les règles du jeu. Ensuite, au cours du jeu, c’est l’efficacité qui prime sur tout le reste, réduisant ainsi la morale au seul respect des règles. Et même l’égalité n’est pas conservée : elle est périmée, il faut la jeter à la poubelle.

    Le néolibéralisme c’est une conception de la liberté paradoxale, mais pas si paradoxale que ça si on garde en tête la métaphore du jeu de monopoly. En effet, l’État doit être fort pour imposer les règles du jeu. Après quoi, si le gros poisson mange le petit c’est très bien comme ça. C’est la loi du plus fort, mais encadrée par des règles strictes qui favorisent les très gros poissons. Et pour maintenir un élevage de petits poissons dociles, il faut les contrôler et les empêcher de remettre en question les règles du jeu.

    Et la morale dans tout ça ? On laisse à la « Main Invisible » de la conscience et de la dignité humaine le soin d’injecter un peu de morale, ne serait-ce que pour que les individus ne se transforment pas totalement en monstres asociaux qui enfreignent les règles du jeu. Dans ce grand jeu, toutes les activités humaines doivent être jugées à l’aune de l’efficacité et de la rentabilité. C’est ça le néolibéralisme. C’est une nouvelle version du « marche ou crève » : la version contemporaine c’est « adapte-toi ou crève ». Un eugénisme soft pour notre temps, un eugénisme qu’il faut mettre en œuvre tout en sauvant les apparences, en le parant d’un mot magique et fédérateur : le progressisme...



  • Daruma 23 mai 2019 11:07

    @Le421 Je ne pense pas qu’il soit bon de régler son action sur l’idée que ce que l’on fait ou projette de faire est le moins mauvais. Je ne me vois pas dire à mes filles, avant un examen : « fais en sorte d’être la moins mauvaise possible ». Je préfère leur dire « fais de ton mieux ».
    Ceci étant dit, je suis d’accord avec toi si ce que tu veux dire c’est que l’imperfection est nécessairement présente et qu’il est illusoire de prétendre arriver avec un projet clé en mains dans lequel tous les problèmes sont réglés et anticipés. La perfection n’est pas de ce monde, mais cela n’empêche pas de juger une organisation politique sur les valeurs qu’elle défend et sur sa recherche constante des moyens pour mettre en oeuvre ces valeurs. 
    En disant que tous les systèmes sont plus ou moins mauvais, et qu’il y en a un qui est moins mauvais que les autres (bien sûr, comme par hasard, le nôtre), on incite les gens à la résignation. On passe de la pensée et de l’action politiques à la gestion de l’existant.



  • Daruma 20 mai 2019 14:10

    Durant les premiers mois de la révolution en Russie, les soviets (conseils d’usine) ont géré eux-mêmes les usines. Mais les bolcheviks ont rapidement pris le contrôle de ces usines et ont réduit les soviets à un rôle de simples exécutants. L’autogestion leur faisait horreur, ils ne pouvaient donc pas tolérer que les ouvriers s’émancipent et s’autogèrent. Donc ce que vous dites est factuellement faux. Il n’y avait pas plus dirigiste que le parti bolchevique, très tôt rebaptisé en parti communiste. Ils ont créé un capitalisme d’Etat, sorte de méga World Company mais à l’échelle d’un pays. Ils ont poussé un des aspects du capitalisme, sa logique prédatrice, à l’extrême. La collectivisation était une dépossession au profit de l’Etat, c’est-à-dire du parti communiste, sûrement pas au service du peuple. On est bien loin de l’autogestion.

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