« Toutefois, ce nouveau mot présenté pour la première fois sur Agoravox, a au moins le mérite d’ouvrir un débat que je n’ai pas trouvé inintéressant. »
Très juste. On pourrait aussi (peut-être dans un nouvel article ?) prendre le contre-pied de la thèse actuellement à la mode selon laquelle il faut laisser les manettes du pays à ceux qui savent, en écartant la masse qui ne sait pas. Idée que, personnellement, je trouve dangereuse. On pourrait creuser le sujet en problématisant la notion d’expertise en lien avec la notion de démocratie. Est-il souhaitable d’être gouverné par des experts ? La connaissance peut-elle faire l’économie des valeurs ? Les choix de société doivent-ils être décidés par des experts et des technocrates ?
Exemple : Doit-on confier aux ingénieurs et aux physiciens le soin de décider pour nous quel sera le modèle énergétique que nous adopterons ?
Merci
pour l’historique du mot, je ne le connaissais pas. Mais je pense
qu’on a suffisamment de noms d’oiseaux, inutile d’en ajouter
d’autres qui ne serviront qu’à s’écharper encore plus et à
enfermer son interlocuteur dans une petite case.
Si
vous ne voulez pas employer le mot « sot », vous pouvez
employer le mot « sottise » : « c’est de la
sottise » passe mieux car vous ne jugez pas la personne mais
seulement ce qu’elle dit. Personne n’aime être traité de sot,
ce qui est normal. En réalité, cette injure est une erreur car la
sottise n’est pas un état permanent comme la bêtise. Il nous
arrive à tous d’être sots, surtout quand on est fatigué ou quand
on est stressé. Dans ma famille, il y a un vrai sot. Il n’est pas bête,
c’est juste qu’il parle d’abord et qu’il réfléchit ensuite.
Comme sa sottise est chronique et, apparemment, incurable, peut-être
que finalement on peut parler de sot véritable, c’est-à-dire d’un sot
dont la sottise est l’état permanent. En d’autres termes,
peut-être que la sottise, dans sa forme grave, entraîne des
complications qui conduisent à la bêtise. Rassurons-nous en pensant que nous sommes tous des sots en puissance, mais des
sots asymptomatiques.
Je
suis d’accord avec votre analyse, surtout le dernier paragraphe :
il faut se méfier aussi des experts, parce que le savoir académique
peut empêcher d’explorer des pistes nouvelles, et parce que la
spécialisation empêche par définition d’avoir une vision plus
globale.
Je
voudrais ajouter quelques mots sur ces formules qu’on vous jette à
la figure pour clore la discussion à la manière des Scolastiques
quand ils terminaient leur argumentation par la phrase qui tue
« Aristoteles dixit ! » La réalité est trop
complexe pour qu’on se laisse enfermer dans une formule rassurante.
Le rasoir de Hanlon n’est pas faux en soi, mais il peut avoir un
effet pervers s’il sert à justifier une position antérieure à
tout examen critique, ce qu’on appelle communément un préjugé.
Il entraîne, chez celui qui s’y abrite, un arrêt de la pensée et
de l’investigation. La formule sert de talisman, de bouclier
protecteur du préjugé qu’on ne veut surtout pas remettre en
question : l’explication par la bêtise et l’incompétence
me suffit parce qu’elle me satisfait, je n’ai pas besoin de
pousser plus loin mes recherches. Autrement dit, le rasoir d’Hanlon,
qui est une saine recommandation méthodologique, se transforme en
dogme. Un glissement s’opère, le plus souvent inconsciemment, qui
peut se résumer ainsi :
« Ne
pas attribuer à la malveillance ce qui peut être attribué à la
bêtise et à l’incompétence » devient : « Il
ne faut rien attribuer à la malveillance » ou, de manière
plus précise, « La malveillance existe au niveau d’un État
seulement s’il s’agit d’un régime autoritaire ; s’il
s’agit d’un État démocratique, il ne peut s’agir que de
bêtise et d’incompétence ».
Ce
préjugé fondamental (qui sert de fondement à tout l’édifice
mental) ne peut pas être combattu à l’aide d’arguments
rationnels et de faits, car il procède du désir de croire. C’est
ce qui explique l’attitude souvent agressive ou méprisante des
adeptes de la doxa dominante : vous croyez débattre sereinement
et rationnellement alors que eux se sentent agressés. Vous menacez
leur structure mentale entière qu’ils se sont bâtie durant de
longues années.
La
tendance à attribuer à la bêtise et/ou à l’incompétence ce qui
peut être attribué à la malveillance ou à un calcul intéressé
est proportionnelle au besoin de croire que nous sommes gouvernés
par des gens qui veulent notre bien et défendent nos intérêts.